Description
«
Je ne pensais pas qu’un jour m’endormir marquerait le début d’une histoire à la fois douce, merveilleuse, et violente comme jamais je n’en ai subi de ma vie. » Une citation qui pourrait vous faire penser à un certain compte, mais il n’en est rien, parce que dans cette histoire là, elle était loin d’être une héroïne, elle est restée simple spectatrice, comme à son habitude, incapable de prendre la moindre décision, de faire le moindre choix ou de faire la moindre action utile.
Et cette incapacité désolante de faire quoi que se soit débute depuis sa plus tendre enfance. Bien loin d’être « fille de », même si son nom peut le laisser penser, elle est juste banale, si on fait abstraction du fait qu’elle n’a jamais connu la sensation d’avoir une main gauche. La raison ? Elle n’en sait rien, on ne lui a jamais dit, elle n’a jamais cherché à savoir aussi, parce que ses parents ne voulaient pas en entendre parler, alors elle considérait ça comme abstrait.
On lui a toujours dit quoi faire, jamais pourquoi, mais elle s’en fichait, elle faisait, c’est tout. Elle ne cherchait aucune approbation, rien, elle savait que c’était peine perdu. Mais il lui était bien plus simple d’obéir plutôt que de chercher à se rebeller. Quand bien même elle pensait que c’était absurde, ce n’était pas important, elle n’était pas assez importante pour oser prétendre à faire partager ses pensées. On lui a toujours mit ça dans le crâne, parce que de toute façon, elle n’était qu’un être inférieur, qui ne méritait même pas le pronom personnel de la troisième personne du singulier. «
Ça » lui allait très bien, bien mieux. C’était une chose,
la chose de ses parents.
Ça avait donc appris à se tenir à distance, pour observer. Ah observer ! Son hobby ! Mais quel hobby inutilement ennuyeux. Savoir ce que les autres voulaient faire avec
ça ? Ce n’était pas compliqué, mais on pouvait lui donner une qualité.
C’était assez intelligent pour se tenir à distance des personnes dont il était inutile de plaire. Face à ces personnes que
ça estimait encore moins importantes, c’était un mur. Glacé. Mais c’était vite gâché par son désir de servir ses supérieurs sociaux. Remarquez,
ç’avait de bonnes notes.
Comme tout bon objet,
ça avait choisis une certaine filière, chirurgienne.
Ça n’avait pas spécialement d’envie,
ça ne sait pas ce que c’est, alors
ça suivis les choix de son père, parce qu’il sait mieux quoi faire de
ça.
Mais on avait beau penser ce que l’on voulait
c’est une humaine, qui a un inconscient comme tout à chacun. Parce que c’était trop pour elle,
ça fit une crise de panique. La suite ? On ne sait pas. Ce n’est plus nous qui la suivons. Tout ce que nous savons, c’est qu’il faisait noir.
Enfin, tu te réveillas ! Ce n’était pas trop tôt, j’ai cru que j’allais devoir rester là à poireauté pendant des heures encore ! Quoi ? Pourquoi tu ne bouges plus ? Ah le ciel… Oui, il est rose. Ah oui… pour toi, c’est nouveau, tu ne sais pas ce que c’est, tu as l’impression d’être devant un mauvais film, ou une simulation foireuse lors d’un jeu vidéo. Non, non, ma petite, tu es loin d’être dans ces trucs, je peux te dire que c’est bien la réalité ! Ces formes, tu as l’impression qu’elles disent quelque chose, mais tu renonças, de toute façon, c’était bien trop compliqué pour toi.
Tu tentas de t’asseoir. C’est déjà ça de fait. Puis tu regardas ta main gauche, tu y vis une aile dégoutante de chauve-souris miniature. C’était moi. Tu te pensais débarrassée de quelqu’un qui fait les choix à ta place ? Rêve ! De toute façon, tu serais bien incapable de t’en sortir seule, parce que tu ne sais pas faire, tu n’as jamais su faire. La seule chose dont tu es forte c’est d’observer ce qu’il se passe devant toi, espérer être capable de faire comme ce que tu vois mais refouler tout ça dans la seconde. Parce que ce n’est pas pour toi, parce que tu es une incapable, parce que c’est comme ça et que tu ne pourras jamais le changer.
Tu ne bougeais pas, tu étais perdue. Tu vois ? Je te l’avais dit. Il faut tout te faire faire ! Moi je veux bouger, découvrir tout ça, savoir ce que ce monde a à cacher ! Je t’entrainai alors, vers des contrées que toi et moi ne connaissons pas, vers des dangers que tu ne soupçonne même pas.
Un bâtiment qui te paraissait innocent, un œuf, c’est toujours innocent. Bêtises. Oh certe au début c’était génial ! Calme, guérisseur… Mais ça se gâta bien vite. Un tremblement, tu dégringoles, te retrouvant piégée dans une montagne d’objets. Puis, comme d’habitude, tu observas. Tu observas une gelée se faire brûler, un blond se faire projeter, une femme-licorne mourir puis… revivre ? Et toi ? Dans tout ça ? Tu sauvas ta peau. Félicitations. C’est déjà un grand pas.
Et puis, un autre tremblement, tu tombas de haut, très haut, mais tu t’en es sortie, comme d’habitude. Mais tu étais encore moins vivante que lorsque je t’ai connue. Vide, lacérée, voulant limite en finir tellement tu errais seule. Je t’entrainais partout, mais tu étais seule, comme d’habitude, parce que c’est trop difficile d’aller vers quelqu’un, parce que tu ne sais pas faire, parce que tu es une incapable.
Et ça, je le sais, et je le sais bien mieux que toi, très chère Cydna. Parce que je ne suis pas qu’une main chauve-souris gauche qui a pris place à ta gauche, parce que je suis la manifestation de ce qui te manque, de ce que tu n’as jamais écouté lors de 21 dernières années. Maintenant tu vas comprendre, tu vas voir et tu vas subir ces années de silences. Je me fiche de savoir si tu t’en sortiras, je veux juste te montrer tous ces trucs qui tu as fait taire pendant toutes ces années, te faire ressentir à quel point tu es lâche.