Atelier

Curie, comme à son habitude, n’était pas plus alarmée que ça. Il était même difficile de déterminer si elle avait ressenti la secousse ou non, tant on sait combien peu d’attention elle y eût accordé le cas échéant. Elle s’était contentée de répondre à Crevette par son « Hm, hm » habituel, et puis retour à son ouvrage.

Mais à nouveau, elle n’eut pas la paix bien longtemps : déjà, dans sa canette, ses collègues commençaient à réagir à ce qui venait de se passer, à commencer par Watt :
« J’ai cru sentir une secousse depuis la Serre. Tout va bien ?
– On l’a sentie aussi ! », lui répondit la voix de Dalton, qui enchaîna sur un « Vous voyez ! » adressé à on ne savait trop qui. Puis Averroès :
« Effectivement, ça secoue un peu depuis t- »

Curie retourna la canette, qui ne dégagea alors plus que des sons étouffés. La conversation sembla se prolonger un moment sous le métal, pendant qu’elle essayait tant bien que mal de travailler avec ce bruit de fond. Puis au bout de quelques instants, le silence revint à peu près. On n’entendait plus vaguement qu’un mot, répété à intervalles réguliers, de plus en plus fort ; à mesure que la voix s’intensifiait, on pouvait reconnaître qu’il s’agissait de celle de Watt, et que le mot en question était le nom de Curie qu’il appelait. Elle récupéra sa canette.

« Quoi encore ?
– Je t’envoie Watson, pour qu’il récupère sa canette. Si tu as des choses à emmener, tu peux les lui donner, il va au camion après. Rejoins-le dès que tu pourras. »
Soupir habituel.
« Il trouvera la canette sur la table à l’entrée. »

Elle garda encore la canette dans la main un bref instant pour s’assurer qu’on ne lui répondait pas, et puis elle la retourna de nouveau face étouffée. Cette fois, le silence semblait effectivement revenu.