Hot Fuzz

"Ça, c’est de l'atterrissage, t’as vu Al !"

Pearl se sentit euphorique après avoir réussi une cascade parfaite, un mélange improbable de chance et d’habileté. Elle savait que lorsqu’elle raconterait cet exploit à son ami, elle embellirait probablement les détails, la transformant en une cascade parfaitement maîtrisée. Après tout, qui se soucie des détails quand l’histoire est bonne?

Elle ne perdit pas de temps à se remettre de ses émotions. Il était essentiel de reprendre la mission sans tarder, surtout après les péripéties qui lui avaient déjà fait perdre un peu trop de temps. Pearl revêtit à nouveau les vêtements mornes qu’elle portait au début de sa mission, se fondant dans l’uniformité désespérante de l’environnement. Sa tâche était loin d'être terminée.

Sortant de la pièce où elle avait atterri, elle se redressa, droite comme un piquet, et adopta une démarche rythmée et déterminée. En marchant dans le couloir, elle croisa plusieurs bots, similaires à ceux qu’elle avait rencontrés plus bas. Cependant, ceux-ci semblaient plus vides, moins alertes. C’était comme s’ils opéraient sur un mode de veille, un état qui faciliterait sa progression.

Pearl ne se laissa pas distraire par leur présence. Son objectif était clair : trouver ce pour quoi elle était venue ici. Ses pas résonnaient doucement dans le couloir silencieux, tandis qu’elle essayait de se repérer.

__–Effectivement, Pearl comprit très vite comment fonctionnait ce lieu, d’autant plus qu’elle s’y fondait très bien, maintenant qu’elle avait pris le coup. Elle put déterminer où était le programme maître, celui qui ordonnait les drones et à qui il fallait poser les questions pour avoir les informations qu’elle voulait. Là encore, dans un pur calque des immeubles de bureau des années 2000, elle se retrouva à toquer à la porte du P-DG, qui lui ouvrit, pour révéler un vieux monsieur.

__–« Bonjour, jeune fille. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? »
__–Une analyse sommaire de son code révéla à Pearl que c’était une simple chatbox, qu’il suffisait d’entrer les bons mots-clefs pour avoir ce qu’elle désirait.

La suite se déroula de manière presque déconcertante. Pearl, qui s'attendait à devoir surmonter de nouveaux obstacles, trouva rapidement la personne (ou plutôt le programme) qu’elle cherchait. Programme qui ne posait aucune résistance. Pearl comprit instinctivement comment obtenir les informations dont elle avait besoin. C’était tellement simple qu’elle se surprit à penser qu’elle avait accidentellement activé des codes de triche, comme dans un vieux jeu vidéo.

Elle referma calmement la porte du bureau derrière elle, isolée du reste du monde, et s'approcha du programme. Les mots étaient clairs, précis : "Itinéraire, convoi, hélico."

__–Le vieil homme hocha la tête et se leva. Le réalisme avait été jusqu’à imiter les petits geignements que poussent les personnes âgées quand leur dos les fait souffrir. Il se dirigea vers la bibliothèque derrière lui et en sortit un ouvrage.
__–« Voyons voir… Nous avons vingt-neuf hélicoptères en vol et cent-douze convois, tous modes de transport confondus. La combinaison des deux nos donne sept résultats. »
__–Il présenta le livre, qui affichait des cartes animées, comme des écrans en encre de couleur, où on pouvait voir une mini-carte de la Ville et la position exacte des hélicoptères. Elle n’eut aucun mal à identifier le bon et relayer les informations.

__–« Ah, c’est bon. Vesa, tu nous guide.
__–– Première arrivée, première à prendre les balles, je suis si sacrifiable que ça ?
__–– Alors. Déjà, oui. Ensuite, t’es plus blindée que l’hélico qu’on va attaquer. Enfin, t’as une interface de jeu vidéo intégrée à tes rétines, c’est toi qui vas pouvoir faire les calculs de vol et définir notre cap.
__–– Touché, touché… En piste ! »
__–Tamara lui transféra donc le cap obtenu par Pearl, Vesa prit un petit moment pour les identifier et en faire quelque chose, puis se posa au rebord de la fenêtre.
__–« Suivez-moi. »
__–Elle chuta, déploya ses ailes.
__–« Vas-y, je serai derrière toi pour te rattraper si y’a une merde. »

HRP :

Bon. Puisque personne ne va retourner page 1 pour voir où je m’en étais arrêté, voici un récapitulatif des faits : je vais sauter d’un toit.

Plus précisément, je vais sauter d’un toit (enfin d'une fenêtre) avec une wingsuit, pour me laisser une petite chance de ne pas en mourir, même si j’y connais pas grand chose. Et comme j’ai eu le malheur de le préciser, elles me regardent actuellement comme si j’étais un pauvre stagiaire perdu.

Qu’on s’entende bien. Voir l’agente de la COSHA qui touche cinq fois mon salaire saisir son occasion d’être condescendante, j’comprends. Mais Tamara, bon sang. Où est donc passée la solidarité entre fonctionnaires qui font tout avec trois bouts de ficelles ? La complicité tacite, que seuls peuvent expérimenter qui passent leur journée à traquer des criminels mieux armés qu’eux ?

« Merci, c’est clair. » répondis-je quand même à l’explication de Vesa, avant de répéter : « Ça va le faire. »

J’ai qu’à moitié confiance, mais quand on est sobre et qu’on fait autre chose que se curer les ongles au commissariat, c’est rare d’avoir confiance en quoi que ce soit.
Pourtant il faut y aller quand même, quitte à devenir sourd à l’instinct de survie et à s’enfoncer les doigts dans l’œil. D’ailleurs, c’est ce que je vais faire, là tout de suite, quand Tamara mentionne que Pearl a des difficultés (c’était aussi dans le post précédent).

« Y’a pas de raison qu’elle ne roule pas dessus, du moins si ta copine lui a donné un bon tuyau. »
Et c’est ce qu’elle a fait, n’est-ce pas ?

Pour l’instant, il semble que oui, puisque j’ai même pas le temps de lancer une profonde conversation sur la pluie et le beau temps qu’on a des nouvelles.
Je hoche la tête à l’idée de laisser Vesa passer devant. Pendant qu’elle se prépare, je me répète mentalement le tuto de wingsuit. Sangle à ne pas lâcher. Voler sans trop se pencher, rester en-dessous des hélices. Lancer le grappin. Replier et appuyer sur le gros bouton. C’est bon je suis un professionnel.

« Eh bien moi, je serai devant, mais je pourrai improviser demi-tour si tu cries assez fort. » souris-je à Tamara. Après sa réaction de tout à l’heure, elle a pas intérêt à ne pas avoir le moindre accident de parcours. Sinon je la charrierai là-dessus jusqu’à la fin de ses jours, et sur un malentendu ça pourrait durer longtemps.

En me retenant de bavarder davantage, je m’élance depuis la fenêtre. Ça va le faire.