La Mosaïque 2 - On prend les mêmes et on continue !

« À croire qu'un lutin est venu les déposer... »

Les mains de Meredith hésitaient entre frotter les cheveux de son fils ou les mettre en ordre, tandis que son sourire hésitait entre s'étirer et feindre la surprise face à tous ces cadeaux mystérieusement apparus dans le salon pendant la nuit.

« Maman, les lutins ça existe pas. »
Al, pas encore sept ans et pas non plus toutes ses dents, s’arracha de l’emprise qui menaçait de finir en accolade d’un moment à l’autre et se précipita sur le gros paquet cadeau jaune qui luisait au milieu des autres.
« Mais si, ils travaillent avec le père noël et l’aident à faire ses cadeaux.
— Ben non parce que le père noël il existe pas. »
La jeune mère fit la moue, sous les rires de son mari.
« Je crois que c’est fichu, chérie.
— Son frère y a cru jusque l’an dernier…
— Tu tiens sûrement le coupable… »

Leur échange se perdit dans les bruits du papier cadeau déchiré, puis par les cris de l’enfant qui déchirait alors qu’il s’étonnait de ce qu’il trouvait en-dessous. La caserne de pompier en légo, en particulier, fit sautiller le petit rouquin de joie car c’était tout comme il avait vu à la télé.

« Alors ça te plaît ? », demanda Meredith, juste pour le plaisir de recevoir un franc et sonore « Ouii ! » en retour, et même un câlin en insistant un peu.

James n’eut pas le temps de réclamer le sien qu’une autre petite silhouette entra dans le salon.
« Al arrête de crier t’es chiant j’arrive pas à dormir…
— Il fallait te lever plus tôt mon chéri », lui rétorqua sa mère, avant de le houspiller un peu sur son t-shirt mis à l’envers.

Bien que trop peu réveillé pour prêter attention à tout ce qui se passait, l’aîné ne manqua cependant pas de voir la petite pile de cadeaux qui lui étaient dédiée, par-delà la mer de cadeaux éventrés dans laquelle son petit frère défendait ses possessions comme un dragon son or.
« C’est mes cadeaux tu touches pas !
— Bah toi non plus tu touches pas aux miens alors ! », se méfia-t-il, car il avait l’habitude de constater qu’Al ne comprenait la propriété privée que quand elle le concernait.
Heureusement pour la tranquillité d’esprit des parents et le bon déroulé de la journée de Noël, ils avaient prévu le coup cette année-là :
« Il y a d’autres cadeaux pour vous, mais seulement si vous êtes sages et que vous ne vous disputez pas de la journée… »
Les deux têtes se retournèrent d’un coup.
« C’est quoii ?? »

Face à leur refus de répondre et à leurs rires complices, la journée se transforma, pour les garçons, en chasse au trésor et en concours de spéculation, qui épuisa d’une autre façon les deux parents lorsqu'il tentèrent - vainement - de focaliser leur énergie sur autre chose. Tant pis pour la tranquillité d’esprit…


(il faudra donc commencer le prochain souvenir avec la phrase en italique :3)

Tant pis pour la tranquillité d'esprit.

Alev soupira en écoutant le petit garçon – il était à qui, lui ? – brailler un peu trop fort pour son crâne. La table des enfants n'étaient pas de tout repos, mais au moins n'avait-elle plus de raison d'offrir des faux sourires et des formules de politesse aux adultes.

C'était le mariage de qui, déjà ? Sa mère lui avait expliqué, mais elle avait oublié plus de la moitié de ses paroles. Son père s'était montré bien content de pouvoir y retrouver quelques cousins dont il n'avait plus eu beaucoup de nouvelles depuis que chacun d'entre eux avait tracé son existence.

Ce devait être un de ses cousins. Ou une de ses cousines. Peu importait, elle avait dû les voir au maximum cinq fois en vingt ans d'existence. Des cousins éloignés qui vivaient à des kilomètres de chez elle. Elle aurait aimé au moins profiter du voyage, mais Alev et sa famille étaient partis pour un village perdu, où vivait le cousin. Ou la cousine. Peu importait.

Pour cette fête, les hommes et les femmes étaient séparés dans deux salles différentes. Les enfants demeuraient parmi les femmes. C'était plutôt pas mal, au début, quand sa mère et elle avaient salué et félicité la mariée, puis lorsqu'elles avaient brièvement parlé avec les femmes présentes. Puis il y avait eu l'entrée, le plat, et les bouches avaient été assez pleines pour qu'Alev respire sans entendre des remarques déplacées à son sujet.

Puis elles étaient arrivées, entre le plat et le dessert. Celles qu'Alev redoutait le plus, celles qu'elle préférait fuir par tous les moyens.
Les mères d'hommes célibataires.

Elle n'avait pas terminé ses études qu'on lui parlait déjà de se marier. « C'est important, le mariage. Dans quelques années, tu voudras des enfants », « Tu dois y réfléchir, les femmes, ça vieillit vite », « J'ai justement mon fils qui a à peu près le même âge que toi et…», « Mais ça sert à quoi, les études en psychologie ? ».

Elle aurait bien aimé en noter toutes les perles, mais elle avait laissé ses carnets et stylos chez elle. Sa mère avait bien tenté de faire en sorte qu'elle s'intéresse à quelques profils, mais Alev n'avait aucune envie que cette soirée de mariage devienne un rendez-vous d'entremetteuses.

Alors elle avait trouvé une bonne excuse, celle d'aller surveiller les enfants, qui avaient commencé à faire les pitres au niveau de leur table. Elle avait fini le repas avec eux, puis avait écouté ce garçon qui avait décidé de lui parler de son dessin animé du moment, puis s'était laissée docilement faire quand une fillette avait voulu la coiffer (cette dernière avait fini par abandonner en s'apercevant que les cheveux d'Alev étaient bien trop courts pour son projet longue natte).

La fin de la soirée n'allait pas être de tout repos, avec tous ces enfants.

Mais au moins, elle avait une fin.