Nina, Entre Deux Coutures

Description

Caractère

Je n’ai jamais supporté l’approximatif. Chaque point, chaque couture se doit d’être parfait, ou bien autant ne pas commencer. Ceux qui viennent me voir dans l’atelier l’ont compris rapidement. La sincérité dans mes critiques peut paraître cinglante, mais que vaut une flatterie si elle mène à l’échec ?
Et pourtant, je garde pour moi une fascination pour l’imparfait—ces détails qui échappent à la maîtrise totale, ces accidents heureux qui donnent leur âme aux créations. Peut-être parce que je suis moi-même un de ces accidents. Quelque chose qui vacille entre deux états, jamais tout à fait droit.

Histoire avant l’Esquisse

Je me souviens de l’atelier, un espace minuscule mais rempli d’ambitions. Chaque couture, chaque ourlet était une bataille silencieuse contre l’ordinaire. Je me souviens d’avoir passé des heures devant une vitrine, fasciné par une robe d’époque exposée, luxuriante et hors de portée. Elle me hantait. Et puis, tout s’est effondré, ou bien recomposé. Les souvenirs sont comme des fils emmêlés ici. Tout ce que je sais, c’est qu’avant, je rêvais d’un luxe que je ne pouvais toucher, et qu’aujourd’hui, je le façonne de mes mains.

Vie dans l’Esquisse

Quand je suis arrivée ici, mes premières pensées furent pour mes mains. Plus fines, plus légères, comme si elles n’étaient pas tout à fait miennes. Elles tremblaient, maladroites dans leurs premiers gestes, comme si mes doigts n’avaient jamais tenu une aiguille auparavant. Et pourtant, chaque fibre de moi savait que ce n’était pas vrai. Ces mains, si différentes, avaient gardé la mémoire d’un savoir-faire, mais elles ne m’appartenaient pas. Elles étaient étrangères, comme un reflet déformé d’un miroir brisé, et ce décalage ne se limitait pas à elles. Tout mon corps était une énigme : plus petit, plus souple, empreint d’une féminité qui ne m’appartenait pas.

Mes gestes avaient changé. Le poids du fil, la tension de l’aiguille, tout cela semblait étrangement familier et pourtant nouveau. Mes épaules avaient perdu leur largeur, ma posture était différente, comme si chaque mouvement devait être réappris. Et malgré cette étrangeté, une étrange détermination me poussait à ne pas laisser cette transformation me définir.

Alors je me suis accrochée à ce que je connaissais : coudre, créer, maîtriser l’imprévisible. Chaque point de couture que je faisais semblait cimenter cette dualité entre l’ancien et le nouveau moi. Mon atelier est devenu un refuge. Entre ces murs, j’ai découvert des étoffes aux reflets changeants, des machines qui semblaient presque vivantes. Leurs cliquetis étaient familiers, mais leur complexité m’appelait à réinventer ma manière de travailler. J’ai fait de cet endroit un sanctuaire et une forge—un lieu où je pouvais tenter de comprendre ce que je devenais, une piqûre après l’autre.

Avec le temps, l’Esquisse est devenue une muse capricieuse. Ses habitants, ses bizarreries, ses règles qui n’en sont pas, tout cela alimente ma création. Chaque anomalie est une opportunité. Une silhouette mouvante ? Une chance d’inventer un vêtement qui change avec elle. Une peau scintillante ? Un défi à sublimer.

Certains jours, je m’interroge sur ce que j’étais avant. Était-ce moi ou un brouillon, une esquisse de ce que je devais devenir ? Ces pensées me traversent comme des éclairs, et je les laisse filer, préférant m’absorber dans une broderie complexe ou une nouvelle coupe.

Impressions de l’Esquisse

Le ciel mauve m’hypnotise toujours. Il danse, change, se joue de mes attentes. Je l’imagine parfois comme une grande pièce de tissu tendue au-dessus de nos têtes, un drapé d’inconnu. Chaque jour, je découvre quelque chose de nouveau dans ses nuances, et cela alimente mon travail.
Mais l’Esquisse n’est pas tendre. Elle exige, elle bouscule, elle déchire. Chaque création que je fais ici est une réponse, une tentative de lui tenir tête. Je sais qu’un jour, je coudrai quelque chose d’assez puissant pour rivaliser avec ce ciel turbulent. Une pièce qui rassemblera tout ce que l’Esquisse m’a inspiré, et qui, peut-être, me révélera enfin.

Positionnement

Les Arthystes sont ma première famille dans l’Esquisse. Leurs spectacles sont un patchwork d’imagination, et il n’a pas fallu longtemps avant que mes créations ne rejoignent leur folie. Chaque robe que je couds, chaque costume que j’invente, devient une part de leurs histoires. Leurs représentations sont parfois chaotiques, souvent imprévisibles, mais elles respirent l’insouciance et le talent brut. Travailler avec eux m’a appris à accepter un peu plus l’imperfection, à jouer avec l’extravagance. Je suis Arthyste dans l’âme, même si je préfère l’ombre de l’atelier aux feux de la scène.

Mais mon implication ne s’arrête pas là. Mon caractère exigeant m’a naturellement poussée vers le Syndicat des marchands. Ce chaos organisé qu’est le commerce dans l’Esquisse m’exaspérait autant qu’il me fascinait. En quelques années, je suis devenue une figure respectée—et redoutée—au sein de cette organisation. Ma précision et mon perfectionnisme font de moi une arbitre redoutable lors des litiges commerciaux, et je n’hésite pas à plaider pour plus de structure et de justice dans ce monde d’échanges arbitraires. Entre les commissions, les projets de référentiels et les débats interminables sur la valeur des objets, je trouve un étrange écho à la rigueur de mon métier.

Être impliquée dans ces deux mondes si différents me définit. Les Arthystes nourrissent mon esprit créatif, le Syndicat aiguise mon esprit pragmatique. Et quelque part entre les deux, je continue à coudre les fils de mon existence dans l’Esquisse.