[Parc de jeux]Oh, tiens, y a deux balançoires.

Anonymous
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Jeu 24 Mar - 17:48
Le parc est toujours le même qu'avant, et toujours dans une ruelle cachée derrière le manoir; où personne ne va jamais parce que tout le monde est occupé à se morfondre dans le manoir. Deux balançoires, quelques bancs, et un bac à sable. C'est un coin calme.

Le parc n'avait pas changé. Il était resté figé, comme sur une vieille photo. Le cadre, c'était les ruines. Le reste, c'était trois fois rien. Anya s'assit sur un banc : trois fois rien suffirait, et elle n'avait de toute manière aucun autre endroit où aller. Elle était déjà venue là, elle en était certaine. Le lieu était calme, comme d'habitude quand elle était déjà passée quelque part. Même dans un endroit pareil. Elle rejeta son dos contre le dossier du banc, qui craqua sous son poids, et étendit les jambes. Pour constater qu'elle avait changé de pantalon. Ses mains coururent sur le reste des ses vêtements.

« Encore... »

Elle se leva et s'étira. Son nouvel accoutrement était plus triste qu'elle ne l'aurait voulu, et elle se sentait vaguement déçue. Elle avait apprécié le orange de la fois précédente, et ces vêtements-ci… elle ne parvenait pas à mettre le doigt sur le problème. À présent, il ne restait qu'une question sans réponse. Ses doigts passèrent sur son visage. Lui aussi était différent.

« - Ce sera quoi, la prochaine fois ?
- ...sais pas. Autre chose... 
- ... Est-ce qu'il y aura une prochaine fois ? »

Anya sourit, avant de promener un regard circulaire dans le parc et ses alentours, au-delà du grillage, et de se lever pour aller caresser un oiseau qui passait par là, et qui s'enfuit après lui avoir souri, de toutes ses dents. Elle se releva et soupira.

Si quelque chose était sûr pour elle à cet instant, c'était qu'elle allait mieux. Le changement était un détail.

Il lui fallait quelqu'un.

Résumé (C'est récurrent, hein ?):
Anonymous
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Dim 17 Avr - 15:56
Marshall errait, encore, à la recherche d’une pauvre âme à soigner. Il se prenait à avoir cette vague impression de flotter. Il ne se sentait pas vraiment bien. Dans le ciel, des images sans queue ni tête flottaient. Drôle de couleur. C’était à se demander qui en était l’architecte. Il y avait forcément quelqu’un derrière tout cela, n’est-ce pas ? Il ne pouvait en être ainsi arrivé là. Par hasard.

Le médecin s’arrêta un moment. Il s’étira, faisant craquer ses vertèbres. Sa main se glissa dans sa crinière argentée. Il avait de beaux cheveux, mais difficiles à coiffer. Il se demandait s’il ne devait pas trouver quelque ciseaux un tant soit peu coopératifs pour se les couper un peu. Puis, il continua sa route. Il déambulait dans des sentiers qui lui parurent familiers. Mais peut-être s’agissait-il d’une autre tromperie de l’Esquisse.

Ses pas le menèrent au parc.

Une femme était là, seule. Il n’y avait qu’elle. C'était un peu triste, dans un tel endroit. On aurait dit cette célèbre photographie de Lady Di, esseulée sur ce banc devant le Taj Mahal. Ici, pour seul monument, il y avait ce manoir aux murs tristes et vieillis. Mais ce qui frappait le plus, c’était sa peau. Blanche. Trop blanche. Marshall regarda sa main : lui aussi était très pâle. Pourtant, il n’était pas malade. Du moins, rien en lui ne l‘indiquait. Il se dit qu’il devrait tout de même aller la voir. Peut-être s’était-elle perdue ?

À pas chaloupés, Marshall la rejoignit. Il ne s’assit pas.

« Beau temps, n’est-ce pas ? »

La courtoisie anglaise exigeait que, pour débuter une conversation, il convenait de parler météo. Mais il se demandait si ce n’était pas une pratique inhérente à chaque culture : c’était un sujet qui mettait tout le monde d’accord. Serrant la poignée de sa mallette, il enchaîna :

« Vous êtes vraiment pâle… Est-ce que vous vous sentez bien ? Je suis médecin, je peux vous aider si vous voulez. »

Résumé:
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Sam 7 Mai - 11:02
« Beau temps, n'est-ce pas ? »

Puis :

« Vous êtes vraiment pâle… Est-ce que vous vous sentez bien ? Je suis médecin, je peux vous aider si vous voulez. »

C'était lui. Anya ne savait pas à quel point l'endroit était grand, et ne tenait pas à le savoir, mais il aurait dû être ailleurs, elle en était certaine. C'était peut-être une qualité inhérente à la profession. Les docteurs sont partout, même dans les parcs pour enfants. Sans d'autres gens, ils se sentent seuls. Quelques voix s'élevèrent à l'approche de l'arrivant.

Anya fit la moue. Elle tendit un doigt vers le ciel, à la diagonale.

« Non. »

Elle fit quelques pas vers l'autre extrémité du parc, puis se retourna vers lui. Le vent lui avait fait quelque chose, certainement. Elle avait, en premier lieu, moins peur. Et elle pensait plus facilement. Elle revint vers lui comme un ferry qui a trouvé un passager sans ticket, sous les moqueries. Elle se plaqua une main contre l'oreille pour ne plus les entendre, sans succès.

Mais quoi que disent les voix, son attention était toujours reportée vers le nouvel arrivant. Il avait l'air perdu, un peu. Accroché à sa mallette comme à un doudou. C'en était presque attendrissant. Et il voulait aider. Ça devait être vrai, il le disait lui-même. Les docteurs qu'elle connaissait ne voulaient pas aider. Ils voulaient soigner. Elle avait oublié la différence, mais le mot n'était pas le même. Cela jouait en sa faveur, quoiqu'il veuille signifier.

Anya se rapprocha encore, plantée comme un piquet devant le médecin, qui n'avait pas l'air de l'avoir reconnue. Elle eut une idée, un éclair de génie, à son échelle. Lentement, elle approcha  son doigt de son visage. Elle réfléchit quelques instants.

« … C'est comment ? »

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Dim 8 Mai - 15:05
Marshall suivit du regard le doigt de la femme se pointer vers le ciel. C’était une réaction plutôt bizarre.

« Non. »

Un sourire maladroit trancha son visage blafard. Lui dire non commençait à devenir une dangereuse habitude chez les dessinateurs. Mais son avis lui semblait plutôt véridique. Lui non plus ne pouvait affirmer que ce ciel fût beau. Non. C’était plutôt un étrange mélange aux accents parfois macabres. Il se considérait comme un nouveau dans l’assemblée, mais il savait déjà à quel point cela pouvait être mauvais signe. Au moins, tout cela lui avait donné un objectif des plus nobles — à son humble avis.

Le médecin serra la poignée de sa mallette lorsqu’elle se détourna sans répondre à sa question. Ça aussi, ça commençait à devenir une habitude. Il se demandait quel intérêt il y avait à refuser l’aide d’un docteur. Peut-être était-ce sa façon à elle de dire qu’elle n’en éprouvait pas le besoin ? C’était quelque peu abrupt. Pourtant, elle revint. Se plaqua une main sur l’oreille. Peut-être avait-elle mal ? Lorsqu’elle se figea devant lui, elle lui posa une question des plus étranges. Marshall cligna des yeux, un peu troublé. Puis il se dit qu’il n’avait pas croisé beaucoup de miroirs ces derniers temps… Du moins, aucun qui ne remplît correctement son rôle de réflexion de la lumière. Quelque chose d’autre le perturbait aussi. Sa voix. Son attitude. Elle lui disait quelque chose, mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

« Heu… Vous êtes très, très blanche. Je dirais même cadavérique. Vous avez des cheveux noirs un peu ébouriffés… Vous avez un drôle de maquillage, très noir aussi. Une boucle juste sous l’œil droit. Et vos yeux sont très sombres. »

Elle avait un look très punk-gothique, un peu comme ces ados qui voulaient se donner un style avant de se ranger docilement dans des tailleurs étriqués et des costumes-cravates. En même temps, elle possédait des traits d’adulte. Un très joli visage, soit dit en passant. Marshall se demandait si elle ne voulait pas être complimentée, au final. Mais il trouvait ça bizarre. Un peu gêné, il décida de changer de sujet :

« Est-ce que vous avez mal à l’oreille ? Vous vous la teniez, à l’instant… »

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Dim 8 Mai - 16:28
Anya écouta attentivement la réponse du médecin. Elle ne s'attendait pas à ça, pas totalement. Toujours figée en face de lui, elle rabaissa les mains avec gravité. Marshall dit autre chose, formula une question, peut-être, mais elle n'écoutait plus. Elle semblait s'amuser à dessiner des formes dans le sol poussiéreux du parc, juste aux pieds de son interlocuteur. Des triangles, des ronds, d'autres choses indéfinissables. Quand elle cessa son manège, elle planta brusquement son regard dans celui de l'autre, sans bouger. Au moins, elle savait pourquoi il ne l'avait pas reconnue. Maintenant, il lui fallait retrouver quelque chose.

« Marshall. »

Elle resta immobile, sous un déluge de commentaires admiratifs ; elle s'était enfin souvenue d'un prénom, après tout. Il fallait sans doute fêter ça, maintenant, à même la poussière et la ruine de la ville. Elle secoua la tête : elle n'aimait pas les célébrations. Trop de monde, trop effrayant. Certains seraient même habillés en vert, peut-être. Elle rêvait parfois d'une fête où tout le monde serait en train de la regarder, en train de l'applaudir. Elle s'en était toujours réveillée en hurlant.

Les compliments finirent par se tarir, et elle n'avait toujours pas bougé. Cela aurait pu avoir duré des siècles, des années, peut-être même quelques secondes. Mais Marshall était toujours là. Marshall. Elle rumina le mot plusieurs fois dans sa tête ; Marshall, Marshall, Maréchal, Marche Al… Comment est-ce que ça s'écrivait ? Est-ce que c'était le nom d'autre chose ? Pourquoi est-ce qu'il s'appelait comme ça ? Anya n'en savait rien. Elle passa encore un peu de temps à réfléchir, puis elle croisa les bras, relevant les yeux vers le visage de son interlocuteur.

« ...J'aime pas. »

Il manquait indubitablement quelque chose. Elle le savait. Elle marmonna quelques mots pour elle-même, sans aucun lien ni sens. Certains même peut-être inventés. Enfin, elle releva la tête vers lui. Il était grand, de près.

« J'aime pas le nom. »

Et elle resta ainsi, figée devant lui.

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Lun 9 Mai - 1:07
Nouveau silence. Allait-elle éluder toute question concernant son état ? Marshall ignorait ce que son mutisme voulait dire ; mais son attitude délivrait le contraire. Il en était presque certain. Quelque chose, chez elle, n’allait pas. Perdu, il la regarda dessiner dans la poussière les bras ballants, sans trop savoir quoi dire ou faire. Il se disait qu’il allait peut-être repartir, après lui avoir indiqué la direction de la base.

Soudain, leurs regards s’accrochèrent. Surpris, il recula d’un pas. Des lèvres noires de l’inconnue, était sorti son nom… Ou le simulacre qu’il restait. Comment le connaissait-elle ? Était-ce une hallucination ? Une autre bizarrerie de l’Esquisse ? Il s’avoua que cela le repoussait quelque peu. Allons, Marshall. Peut-être que son nom s’était répandu dans les environs – normal pour un médecin. Peut-être s’étaient-ils croisés, une fois, et peut-être n’y avait-il pas fait attention, avec sa mémoire défaillante. En lui, résonnait cette petite voix qui lui ordonnait de rester logique. Pour ne pas perdre complètement la tête.

Il ne fut que plus décontenancé lorsqu’elle annonça un franc « j’aime pas ». Il déglutit : c’était plutôt violent. Qu’est-ce qu’elle n’aimait pas ? Lui ? Il s’apprêtait à répondre, mais aucun son ne s’échappa de sa bouche. À vrai dire, il ignorait ce qu’il pouvait bien répliquer à cela.

« J’aime pas le nom.
– Je ne l’aime pas vraiment non plus, mais on ne m’a pas laissé le choix. »

Marshall était presque agacé, tant qu’il n’avait pas empêché ces mots de s’élever. Il trouvait sa façon de parler bien curieuse. L’inconnue devait avoir à peu près son âge. Pourtant, tout dans son comportement ou son langage laissaient deviner l’enfance. Oui. Elle avait cette franchise empreinte de naïveté que s’octroyaient les enfants. Ceux à qui on n’avait pas encore appris le tact, pendant positif de l’hypocrisie. Jusque-là, il n’avait croisé qu’une seule personne qui pouvait faire preuve d’un tel caractère. Celle qui restait devant lui, campée dans ses vêtements noirs. Pourtant, elle ne lui ressemblait pas du tout. Rejetant sa crainte de paraître déplacé, il demanda :

« Excusez-moi, est-ce qu’on se connaît ? »

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Mer 11 Mai - 21:14
Il avait l'air de réfléchir, et Anya se rendit compte qu'il ne l'avait réellement pas reconnue. Quand il ouvrit la bouche pour lui demander si elle le connaissait, elle se força à lui sourire ; une sorte de mimique timide et maladroite, comme si elle n'était pas habituée à le faire délibérément. Elle détourna le regard vers les balançoires, s'y dirigea, et semblant trouver l'une d'elles à sa convenance, s'y assit et recommença à jouer dans la poussière avec la pointe de ses chaussures. Absorbé par la représentation peu fidèle qu'elle était en train de réaliser du visage de son interlocuteur -trois ronds et des cheveux-, elle lui fit signe de s'asseoir sur l'autre siège.

« Moi, je te... »

Elle s'arrêta. Que connaissait-elle de lui, au juste ? Elle fit l'inventaire en silence, remuant les lèvres de temps à autre. Il s'appelait Marshall. Il était grand. Il parlait bien, souvent pour ne rien dire. Il était médecin, ou docteur, quelque chose comme ça. Et bientôt, elle se rendit compte qu'elle ne le connaissait pas. Elle le regarda à nouveau, longuement. Puis elle finit par arriver à une réponse, la plus simple qu'elle puisse trouver :

« … Je sais pas... qui t'es. »

Elle se rendait bien compte qu'elle n'avait répondu qu'à la moitié de la question ; elle n'avait aucune idée de la manière dont elle devait répondre à l'autre. Anya ne savait pas répondre aux questions, et elle le savait. Elle ne savait pas parler aux gens, et elle le savait. Mais elle savait que de temps en temps, il fallait faire un effort. Pas beaucoup, juste un petit peu. Juste assez pour que les gens autour d'elle s'aperçoivent qu'elle était là, et qu'elle voulait peut-être qu'on s'intéresse à elle, de temps à autre. Marshall ne l'avait pas reconnue. Elle tendit la main vers lui, paume vers le haut, et recommença l'expérience du sourire.

« On a… beaucoup marché. Tu as dit… tu veux aider ? »

Elle aimait bien sourire. Il faudrait qu'elle s'entraîne, un jour.

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Ven 13 Mai - 16:17
Marshall n'avait jamais été très fort en devinettes. Pourtant, son intelligence ne lui faisait pas vraiment défaut ; son imagination, sans aucun doute. Il était plutôt terre-à-terre. Il se souvenait parfois du mal qu'il avait à inventer une histoire quand sa fille lui en réclamait une, petite. Son esprit millimétré quémandait à tout un chacun des termes précis, ciselés comme une dentelle. Autrement, il avait du mal à faire le lien. Pour le coup, son interlocutrice lui donnait du fil à retordre.

Elle vint s'asseoir sur l'une des balançoires, puis lui fit signe. Il répondit à l'invitation en prenant place à ses côtés. Il attendit sa réponse. Son hésitation le fit réfléchir. Après tout, il ne pouvait pas dire qu'il connaissait vraiment qui que ce fût. Pas ici. Peut-être pas ailleurs. Un petit malin lui dirait peut-être qu'on ne connaissait jamais personne. Il y avait toujours quelque chose d'enfoui sous une bonne couche de faux-semblants. Son autre réponse l'interpella. Beaucoup marché ? Il n'avait marché qu'avec Anya, et cette femme ne lui ressemblait pas du tout. Il pourrait même dire, avec le peu qu'il en avait vu, qu'Anya parlait moins. Et qu'elle ne souriait pas. Quoi que : si elle pouvait pleurer, alors pourquoi pas sourire ?

Un sourire timide, sincère cette fois, s'étira sur ses lèvres abîmées. Il hésita devant sa main tendue. Il décida de tendre la sienne aussi : il pensa d'abord que cela lui donnait l'air quelque peu idiot. Mais aussi que celui qui aidait, c'était lui : donc, que c'était lui qui devait tendre sa main pour qu'elle la lui prît.

« Oui, je suis là pour vous... pour t'aider. »

Marshall aimait cet aspect de son métier : ce moment où les gens acceptaient son aide, s'en voyaient satisfaits, avant de le remercier. Cela lui donnait un peu de confiance en lui, qui en manquait tant.

« Je ne suis pas là pour te faire du mal. C'est promis. »

Il se sentait mal à l'aise de lui parler ainsi : comme à une enfant. Pourtant, elle se comportait comme telle.

« As-tu mal quelque part ? »

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Dim 5 Juin - 16:55
Anya regarda longuement la main que tendait le médecin, juste en face de la sienne. Il semblait bel et bien sincère, avec son ton apaisant et son air convaincu. Elle ne s'attendait pas réellement à ça. Elle lui avait posé une question, offert sa main, et la logique qu'elle avait toujours observée chez ses pairs aurait voulu que Marshall la saisisse. Tenir une conversation cohérente lorsqu'Anya était présente requérait des efforts de la part de toutes les parties, et le dialogue en cours commençait malgré lui à traîner en longueur. Elle perdait pied.

« Je ne suis pas là pour te faire du mal. C'est promis. »

Elle ne comprenait pas cette phrase. Fallait-il toujours une promesse ? C'était peut-être une convention : rassurer avant d'attaquer les parties les moins agréables. À ce stade, les questions commençaient à tomber. Il lui fallait avouer que même si elle détestait ça, elle retrouvait, au moins pour un moment, un terrain plus solide.

« As-tu mal quelque part ? »

La première était une facile. Elle s'en réjouissait presque. C'était une question courte, dont la réponse ne changeait pour ainsi dire jamais. Elle secoua la tête.

« Ça va mieux. »

Elle considéra sa réponse : peut-être était-elle un peu hâtive, quand elle considérait tout ce qui s'était produit durant les derniers jours. Elle savait que les gens s'efforçaient d'essayer de la comprendre ; Marshall faisait partie des gens. Après une autre pose, elle détourna le regard vers le reste du parc.

« … Il y avait… beaucoup de ciel. Au dessus de l'herbe, longtemps. Et eux, ils m'ont dit : lève-toi. Après… des gens, je crois, ici. Gentils. Je suis partie, le monde a… bougé. Trop. J'ai été mal. »

Elle fit une pause dans ce qui était à ses yeux une tirade, pour respirer quelques instants.

« … Après, sais pas. Toi. L'herbe. Je voulais pas être seule… parce que… ils étaient plus là. Et puis… veux… pas en parler. Revenue, attendu. Puis… maintenant. »

Elle s'arrêta. Le médecin n'avait pas bougé depuis le début de son explication : elle se demanda si elle avait bien été claire. Quoiqu'il arrive, il devrait faire avec. Elle se dit qu'il fallait conclure.

« … Non. Ça va mieux. »

Et elle se rendit compte qu'elle avait pris la main de Marshall depuis le tout début.


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Jeu 30 Juin - 0:45
Il se contentait d’attendre. Épier la moindre syllabe, le moindre mot, qui pourrait le renseigner sur sa nouvelle patiente. Il voulait aider cette femme si mystérieuse. Il ne savait trop comment, mais il le souhaitait avec sincérité. C’était bien pour cela qu’il se trouvait là, sur cette balançoire, à converser avec elle. Tel était son but, dans ce monde étrange sans début ni fin. Il se l’était promis. Ne jamais oublier l’objectif. Se tenir à l’écart de toute errance. Il ne savait pas, sans doute, qu’il s’était trouvé des desseins un peu trop ambitieux. Le médecin avait pourtant vu, dans les yeux de ses patients plus anciens que lui, cette lueur de perdition.

Il l’écouta. S’efforça de ne pas trop froncer les sourcils, tandis qu’elle parlait. Il sentit sa main féminine se glisser dans la sienne. Il faillit sursauter, surpris par sa fraîcheur. Malgré le contact, sa dextre livide resta glacée au fil du temps. Marshall ne comprenait pas, se demandait s’il devait s’en inquiéter. Elle ne finissait pas ses phrases. Ses paroles étaient décousues, pourtant, elles semblaient avoir un sens. Devait-il rester impassible ? Prendre un air intéressé ? Il ne voulait pas la blesser. Il s’inquiétait, aussi, de la santé mentale de sa compagne de balançoire. Elle semblait avoir des problèmes de langage. L’Esquisse l’avait-elle ravagée ? Sa propre maladresse le gênait. Sa fausseté encore plus.

Lorsqu’elle eut terminé, il se redressa. Il cligna des yeux, réfléchissant à ce qu’il pouvait bien répondre.

« Tant mieux, alors. Prends soin de toi. »

Quelle curieuse rencontre. Il avait comme une impression de déjà-vu, mais n’y accorda pas grande importance. Depuis son arrivée, sa mémoire lui faisait défaut. Son propre nom restait perdu, à tout jamais – il le craignait. Mais il pouvait toujours essayer.

« Je suis désolé de te poser de nouveau la question, mais… Est-ce qu’on s’est déjà rencontrés, avant ? »

Il voulait en être sûr. Se dire que sa tête restait toujours bien vissée sur ses épaules.

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Dim 24 Juil - 1:06
« Tant mieux, alors. Prends soin de toi. »

Anya hocha subrepticement la tête, juste assez pour qu'il puisse le voir. Pas question de se perdre en promesses insoutenables : elle tenait trop à sa vie pour se résoudre à la ranger sur une étagère propre, au calme. Pas maintenant qu'elle l'avait enfin entre ses mains.

Elle arrêta soudain ses réflexions. Qu'avait-elle fait ces derniers jours ? Les semaines précédant cette rencontre improbable ? Quand on regroupait ses actions, elle n'avait fait qu'errer sans but. Elle avait eu peur, elle avait fui, elle s'était cachée. Maintenant que son esprit était plus ordonné, elle se rendait compte que cela faisait peut-être autant de temps qu'elle était libre. Peut-être même plus que ça. C'était à la fois effrayant. Et terriblement excitant.

« C'est une belle vue, n'est-ce pas ? »

« Je suis désolé de te poser de nouveau la question, mais… Est-ce qu'on s'est déjà rencontrés, avant ? »

Anya remua. Elle riva son regard directement dans les yeux de son interlocuteur : droit dans la pupille, carton, vous gagnez une peluche, merci et à bientôt. Il n'avait rien compris. Lentement, elle retira sa main de celle, chaude, de Marshall. Elle ouvrit la bouche, recula sur son siège. Puis, avec un soin infini, elle sélectionna des mots et les assembla bout à bout, le plus clairement, le plus lentement possible.

« … Tu ne m'as... toujours pas reconnue ? »

Elle resta un instant en flottement, se demandant si il fallait lui annoncer directement qui elle était, ou lui faire confiance pour la suite. Puis elle se rendit compte que ça n'avait, après tout, aucune importance.  Il n'y avait plus ni murs, ni portes. Il n'y avait plus de gardien. Elle se sentait bien. Elle était libre. Et elle s'appellait…

« Anya. Je suis Anya. »
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Dim 24 Juil - 22:34
Un ange passa.

« Comment… »

Marshall resta bouche bée pendant une ou deux secondes, devant cette femme qu’il connaissait. Qu’il reconnaissait. Les mots restèrent cloués dans son thorax. Il se sentait stupide. Incroyablement stupide. Elle avait pourtant ces mots décousus, cette voix claire, cette attitude… Il aurait dû s’en douter. Seule une fébrile étincelle de lucidité s’était entrechoquée à son ignorance, quelques instants plus tôt. Mais elle avait tellement changé… Et la silicone de sa peau avait muté en une plastique humaine, quoique glacée. Un brun sombre avait grignoté le bleu de ses iris. La couleur et la longueur de ses cheveux lui évoquaient, avec tristesse, ceux de sa fille disparue. C’était sans doute cela, le côté terrible et moqueur de l’Esquisse dont les autres parlaient. Il voulut s’excuser, mais ne parvint qu’à balbutier quelques mots :

« … Je. Je suis désolé. Tu as beaucoup changé… »

Une pourpre embarrassée enflamma ses joues blafardes. Ça se passait toujours comme ça : il se créait de belles phrases dans la tête, mais elles sortaient toujours dépareillées, décharnées, dans un insidieux bredouillement. D’aucuns trouvaient ça mignon, d’autres le lui reprochaient en lui disant que, quand même, tu devrais faire un effort, et puis redresse les épaules, on dirait que tu vas te briser. Mais il restait courbé sur son trône aux chaînes gémissantes. Un éclat se rappela alors à lui : il sut ce qu’il devait lui dire.

« Je ne t’ai jamais remerciée pour… la dernière fois. Quand on s’est fait attaquer, avant d’aller au phare. Sans toi je ne m’en serais pas sorti, alors… Merci. »

Il cligna des yeux,  ne sachant quoi ajouter. En général, c’était le signe qu’il fallait s’arrêter là. S’en aller. Une once d’inquiétude vint le titiller : et si elle changeait encore, la prochaine fois ? Et si toutes leurs rencontres recommençaient, comme un cercle infernal, sans jamais pouvoir aller au-delà du simple bonjour et des présentations de rigueur ? Pinçant les lèvres, Marshall repoussa le tourment : la prochaine fois, il se souviendra. Il ferait un effort, malgré sa mémoire en décrépitude.

Le médecin se leva, puis se posta devant Anya, la main fermement serrée sur sa mallette. Un sourire maladroit rehaussa ses pommettes, plissant ses yeux en demi-lunes bleues. Il déclara :

« Je vais devoir y aller, voir si d’autres sont blessés. Si jamais tu as besoin de moi, ou si tu veux juste me voir… je serai à la Base. N’hésite pas. »

Un enthousiasme succinct toujours survenait, quand le devoir l’appelait. Il reprenait l’assurance qui lui faisait défaut. S’il était un peu plus rêveur, il dirait qu’une curieuse magie le berçait. Marshall s’accrochait à cette minuscule parcelle de confiance dès qu’il le pouvait. Il perdit un peu de son sourire, pour n’afficher que bienveillance. Simplement, il ajouta, avant de faire volte-face :

« À bientôt, Anya. »

Comme une promesse.
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