Description

« Rodger Rodger , kschfrr l'ennemi est en vue, je répète l'ennemi est en vue ! »
L'adversaire en question était sa mère, qui arrivait avec les courses : dedans se trouvaient sans doute des gâteaux au chocolat. Les récupérer avant le goûter de quatre heures, tel était l'objectif de la mission !
Plaquée contre un mur de briques, des lunettes Ray-Ban trop grandes pour son visage, et la joue collée contre un talkie-walkie, Charlotte examina le déchargement du char. La vieille Scénic comportait trois sacs de courses : restait à savoir où étaient cachées les sucreries. Pour s'avancer sans se faire repérer, l'agent haut gradée Charlotte entama une roulade sur le côté. Sauf que voilà, un obus en forme de pot de fleurs tomba sous l'impact, et vient percuter le crâne de la plus talentueuse des espionnes.
Quand elle rouvrit les yeux, elle crut que l'alliance ennemie l'avait enfermée dans une salle de torture : un plafond étonnement grand flanqué d'écrans, où elle en vit un diffusant les tortues ninjas. Ah ouais, ils voulaient l'emprisonner ? Et bien soit ! Charlotte s'assit en tailleur et commença à regarder le feuilleton, bien qu'il n'y ait pas de son. Son talkie-walkie avait disparu, et... Oh pétard, qu'est-ce que c'est que ça ? Ses mains étaient habillées de mitaines roses avec une étoile jaune poussin au centre. Pour la jeune fille habituée aux teintes automnales, le choc fut rude. Le pire fut la suite du déguisement : jupe jaune, et débardeur rose. Elle n'avait plus rien de la garçon manquée aux cheveux blonds et aux vêtements usés. Tout cela devait être une farce, mais une très bonne : ils ont même pris le soin de lui teindre les cheveux dans la couleur qu'elle déteste le plus.

Ce genre de situation lui rappelait un documentaire qu'elle avait vu à la télé : le décor psychédélique, son style vestimentaire, et puis l’impressionnant mal de de tête ; tout cela était sûrement dû à de la drogue ! Ils utilisaient ce produit pour faire parler certaines prisonniers ou juste les désorienter. Sa mission n'était même pas réussie au final, alors pourquoi ce traitement ? En tout cas, elle n'arrivait même pas à se relever tellement la dose était forte.

Les heures puis les jours passant, elle se rendit compte que ce n'était pas le cas.


« Charlotte, tu viens m'aider à soulever ce filet de vêtements sauvages ? »
Dans la grande cave, on aperçoit au loin une silhouette massive se dégager de l'obscurité. D'abord, son visage apparaît: une mâchoire d'acier, des pommettes saillantes, et des yeux bleus clairs tranchant avec le maquillage rouge sur ses paupières. Puis le reste du corps se fraya un chemin: carrure imposante, vêtements militaires vermillon, on aurait dit un surhomme. Soudain ses paupières cligna dans tous les sens, et sa voix grave sortit:
« J'arriiiiiiiiiiiiiive ! ♫ »
Charlotte n'avait plus rien à voir avec la majorette rose qui était arrivée sur l'Esquisse. La grande tempête était passée sur son corps frêle et minuscule pour la transformer en un surhomme capable de vivre en autonomie. Il n'en reste pas moins qu'elle pense comme une enfant, mais sa condition physique était à son avantage pour une fois. Ainsi, après être passée par la surprise, la solitude, la tristesse et le désespoir, Charlotte se trouvait enfin à l'aise dans ce monde où rien n'est fixe.
De ses grosses mains elle empoigna le filet devant peser une trentaine de kilos, bougeant sans cesse à cause de ces vêtements récalcitrants, et le déposa dans le camion à la sortie de la cave.
« Au fait, t'as attrapé un nouveau fard à paupières ? »
« Oui, c'est assorti à ma veste, t'as vu ?! »
« Très belle trouvaille ! »
Et Charlotte sortit sans aucune compensation pour son aide, hormis un compliment.