Une aventure à l'Auderose

Kaoren
Non, non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !
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Kaoren
Mer 5 Déc - 23:48
Il fait encore noir. J’ai bien fait de ne pas attendre l’aube pour coucher mes derniers calculs sur papier, hier soir. Enfin… cette nuit, si c’est toujours elle que je vois à travers ma porte. Par contre, elle m’embête. Je voulais passer à la Bibliothèque, mais je connais encore trop mal les rues de la Ville pour tenter une virée nocturne. C’est un coup à me perdre dans un mouvement brownien. Et qui saurait dire quelle est la trajectoire moyenne d’un mouvement brownien dans l’Esquisse ?

Le problème, c’est que je ne peux plus vraiment avancer dans ma théorie sans une grande dose d’observations auxquelles la confronter pour trouver les coefficients de ma gaussienne. Ma formule théorique pour la variation du souffle incohérent m’a l’air plutôt élégante, mais j’ai besoin de vérifier s’il n’y aurait pas un facteur constant quelque part dans l’exponentielle complexe en plus du terme de diffusion d’incohérence primordiale. Je devrais juste l’appeler « terme de diffusion d’incohérence », d’ailleurs, puisque l’incohérence venant du terme d’altération statique n’est pas une diffusion à proprement parler. J’aurais peut-être une chance de faire lire ma théorie à une personne de plus sans la faire fuir au milieu.

En tout cas, ça ne change rien à mon problème. Je pourrais aussi voir s’ils ont réussi à concrétiser un véritable éclairage à l’Hôtel, ou si je peux y trouver quelqu’un qui connaît mieux les rues que moi – et qui accepte d’être complice d’un dessein cyantifique, mal vu comme ça peut l’être là-bas. Sinon, je peux essayer de me remettre au bricolage pour me fabriquer quelque chose moi-même, mais mes expériences dans ce domaine m’ont montré que mon truc, c’est plutôt la théorie.

En somme, toutes mes options sont hasardeuses. Quand j’étais en thèse, je sautais sur ces petites occasions où le sort semblait s’abattre sur moi pour me permettre une pause dans mon travail. Mais là, je crois que mon excitation ne tolérera pas que je referme ma porte avant d’avoir mis le pied dehors. Il faut dire que dans ce cas, c’est un problème d’une autre dimension. Syllepse comprise. En conséquence, je pense que je vais sortir faire un tour quoi qu’il en soit. Si je me perds pour la nuit ou que je me retrouve totalement ailleurs, j’aurai gagné ma pause de toute façon. Sinon, j’imagine que ça ne me coûte rien de passer par l’Hôtel. Au pire, une insulte lancée dans le vent, et plus probablement, un tas de nouvelles têtes qui n’ont jamais entendu le mot "Cyantifique" qu’au détour d’une conversation et sont restés ouverts à l’idée qu’on puisse essayer de chercher une explication à toute cette incohérence sans être un dangereux psychopathe en quête de cobayes.

Je sors donc de mon petit rez-de-chaussée, en constatant avec un peu de mélancolie que la nuit empêche d’en voir l’adresse à d’éventuels visiteurs à rencontrer, et je quitte enfin mon petit 21 de la rue officinale pour entamer mon périple dans les rues de cette obscurité. Ma porte n’est pas verrouillée, mais il ne se trouve à l’intérieur qu’un fatras de feuilles surchargées d’équations incompréhensibles pour l’immense majorité des personnes vivant à proximité – écrites qui plus est en base numérale 5 – donc il est peu probable que quiconque décide d’y voler quoi que ce soit. Et s’il se trouve quelqu’un pour porter assez d’intérêt à ces travaux et les voler, c’est qu’il faut absolument que je rencontre cette personne, et le fait qu’elle m’ait cambriolée sera un excellent prétexte pour faire mener une enquête pour la retrouver. Il suffira derrière que je retire ma plainte en échange de la restitution des pages dérobées, et ce sera peut-être le début d’une belle histoire. Peut-être même que je devrais remplacer le numéro sur mon adresse par 41, au cas où il cherche une adresse écrite en base 5 pour me retrouver. Ou au contraire par 11, au cas où il penserait que je lui ai donné mon adresse en base 5 tout en ayant gardé la plaque inscrite par la communauté. J’y penserai en rentrant.

L’Hôtel n’est pas très loin, je ne devrais pas avoir de difficultés à le retrouver malgré l’obscurité. Il faut simplement que je tourne au bon endroit, j’ai une fâcheuse tendance à compter les rues à traverser plutôt que de me fier à des points de repère, et il est tout à fait possible que j’en manque une faute de lumière. Vous me direz, j’aurais pu manquer mes points de repère si j’en avais pris, mais je me serais immédiatement arrêtée en ne trouvant pas ce que je cherchais plutôt que de continuer ma route sur un pattern désormais complètement faux pour me rendre compte de mon erreur à l’arrivée.

Deux rues traversées, et c’est là que je dois trouver la petite traverse que j’oublie de compter une fois sur deux. C’est difficile à voir, les gens de ce quartier ne semblent pas disposés à allumer leurs fenêtres. J’ai intérêt à m’approcher un peu des maisons, en espérant que ça ne me fasse pas perdre ma direction. Pour un monde où la nuit peut tomber subitement et sans prévenir, l’éclairage public laisse à désirer.

Là, ce doit être la traverse. Mais je ne me souviens pas de ce vieil arbre avec les feuilles sur les racines. Enfin, ce qui s’apparente à des feuilles. Difficile à dire, sous cette nuit profonde. J’ai pu l’ignorer les dernières fois que je suis passée par là, il faut dire qu’il a ses organes en nombre assez vulgaires. Douze racines majeures, si j’arrive bien à toutes les voir.

Il y a une autre ruelle juste à côté, ça pourrait être elle. Encore que… c’est bien de ce côté-là que je suis venue ?

Je retourne sur mes pas. Ou plutôt, j’espère retourner sur mes pas. Je ne reconnais évidemment rien de ce qui m’entoure, et avec ma fâcheuse tendance à penser profondément quand je marche, je n’ai même pas la certitude de m’être trompée d’endroit. Quand je repense à cette décision du conseil des Dessinateurs de se contenter d’attendre la fin de cette longue nuit plutôt que de s’embêter à lancer un grand projet d’éclairage public…

Voilà. Je suis perdue.

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Mar 11 Déc - 2:40

C'est par commodité,
Non pas stupidité,
Que souvent je dormais
Au sein de la charmaie,
Du côté de l'allée
Du jardin du palais.
Hélas, encor minuit
Dans mon camp sans un huis.

Oui, là l'éternité
De l'incongrue nuitée
M'empêchait de charmer
Passants non alarmés.
Il est temps d'y aller,
Chanter, se trimballer :
Pour tuer mon ennui
Je jouerai donc de nuit.


Harpie vient sous mon bras, je laisse dormir les autres.
Le sol frais sous mon pied, je m'en vais jouer pour d'autres,
Car ces jours sous la nuit, je ne vis qu'une troupe : la nôtre.

Sûrement dans le centre, on verra tout le monde,
Forcément dans la ville, on y voit bien du monde,
Certainement dans la nuit, on trouvera à qui montrer mon monde.


Ainsi,
Moi,
Le Chroniqueur,
Je fredonnais doucement,
En marchant dans le noir,
Un petit air du soir et je jouais,
Aussi gracilement que j'imagine le ballet d'une myriades de petites fées,
La mélodie la plus douce et enchanteresse que je puis faire vibrer des cordes d'argent fin de mon médisant instrument.


Emporté dans ma transe
Je ne cessai ma danse
Que quand note finale
Tomba tel un pétale,
Fit résonner l'allée
Où nul n'avait foulé
Sauf satyre esseulé
Cherchant à qui parler... eh ?


LÀ ! Quelqu'un !
Je me rue à son côté, j'en distingue à peine les traits, mais... dam, une femme ! Qu'espérer de mieux comme compagnie qu'une charmante amie ?
Jouons encore un peu, quelques notes pas plus, approchons donc un peu, trois petits pas de plus.


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Dim 16 Déc - 14:46
Là ! Quelqu’un ! Et qui joue de la musique par-dessus le marché, donc peu de chances qu’il s’agisse d’un malveillant voulant profiter de l’obscurité pour approcher discrètement ses passants avant de commettre quelque sournoiserie.

Je sais que je ne devrais pas porter de tels jugements sur le premier venu, surtout dans ces circonstances où nous sommes tous logés sous le même ciel obscur et pour la plupart forcés de sortir sans attendre l’aube, mais un relent de réflexes terriens semble encore se manifester en moi. À l’époque de mon ancienne vie, je redoutais déjà de me promener sous les douze coups de minuit pour des raisons évidentes : douze n’est pas un chiffre premier. Les promenades à onze heures du soir avaient beaucoup plus de charme.

En tout cas, et dans ce contexte où je déambule à littéralement pas d’heure, je suis heureuse de croiser un passant. J’ai toujours trouvé les rues de la Ville assez dépeuplées, les gens préférant souvent se rassembler dans des lieux d’importance, mais ça n’a jamais été aussi vrai que cette nuit. Il faut dire qu’il faudrait être fou pour aller se perdre dans ces ténèbres par choix. Ou avoir quelque chose d’urgent à y faire, dans mon cas. Quant à cette personne qui m’approche, elle doit se ranger dans la partie la plus positive de la première catégorie : les artistes. Certainement le meilleur exemple d’admirateurs de la nuit derrière les astronomes. Probablement a-t-il décidé d’aller profiter de cette occasion d’entreprendre une longue virée nocturne à la recherche d’inspiration. J’espère d’ailleurs ne pas trop le fatiguer avec mes dictions didactiques de cyantifique aguerrie, j’ai toujours eu beaucoup de respect pour son espèce.

Enfin, son espèce, c’est vite dit. Alors qu’il s’approche, je réalise qu’il a le front paré de deux grands bois, ce qui me fait revoir le sens même du mot "espèce" utilisé à son sujet. Non pas que les déformations physiques soient chose rare dans cet univers, ceci dit.

Avant d’entamer la conversation avec un traditionnel « Bonsoir ! », je me ravise un instant pour trouver une formulation plus adéquate dans cette situation, d’abord de peur d’apparaître comme une profane de la fantaisie qui doit colorer les pensées de cet énergumène – et je n’aime pas avoir l’air standard – mais aussi parce que l’expression elle-même a peu de sens quand ce que l’on appelle le soir dure depuis des jours. Je me demande comment ils font, sur Ellesmere. Sans doute qu’ils blaguent plus sur le sujet qu’autre chose. Toujours est-il que je dérive après mes rapides réflexions vers une formule plus plaisantine :

« Bonne nuit ! »

Il y a des fois où je me félicite d’être encore jeune.

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Mer 2 Jan - 19:58

En deux mots la passante agrandit mon sourire :
Boutade malicieuse, étourderie candide,
Locution convaincue ou sarcasme sordide,
Il n'en fallait plus pour curiosité prescrire.

Je veux sa compagnie, c'est là tout décidé !
« Que dire, ma dame, c'est un phrasé charmant !
Ne me craignez point, moi, Audebert, je ne mens
En déclarant vouloir en ce soir vous guider !

Ou bien plutôt devrais-je dire accompagner
Avec coeur, avec joie, oui ce sans se lagner,
À travers la cité, en ce soir en émoi,

Car aussi charmante que votre locution
Est celle qui nous en fit la prononciation.
Irez vous, demoiselle, en ce soir avec moi ?
»

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Ven 4 Jan - 3:35
Grands dieux, il parle en vers ! Et sur des paroles charmantes, avec ça. C’est juste dommage qu’il se soit cantonné au traditionnel dodécasyllabe plutôt que de s’adonner à des mètres plus… premiers. C’est une attention aux intentions inéluctablement charmantes, mais allez savoir, elle perd naturellement de son impact à travers ce nombre douze à la quantité si vulgaire de diviseurs. Ça me rappelle cette fois où un camarade de master m’avait accostée avec un bouquet de douze roses, je m’étais sentie mal de lui refuser si abruptement. Mais il réalisa au moins par le fait même que j’étais une canadienne manifestement trop givrée pour sa galanterie continentale.

Ce ménestrel qui me flatte, cependant, ne manque certainement pas d’un atome de cette fantaisie que je m’acharne à poursuivre. Il chante certes avec douze pieds, mais il les manie avec une certaine singularité. Neuf vers aux rimes curieusement agencées, et des césures oscillant du quatrième au septième pied sans s’interdire de les faire suivre par une syllabe n’ayant pour sommet qu’un e muet… c’est aussi commun que je suis brune, et je ne résiste pas à l’envie de l’inviter à casser cette dernière norme dodécaphonique avant de le laisser m’accompagner avec grand plaisir.

La poésie, ça ne m’est pas étranger. Écrire sur des mètres syllabiques et phoniques précis, ne serait-ce que pour l’exercice ou pour le plaisir de jouer avec les chiffres qui me parlent tant, c’est une activité qui m’a pris de nombreuses heures d’études. Et je me rappelle une de mes premières strophes, écrite dans mon précieux « orimètre », et qui semble seoir à merveille à la situation :

« Peignez-moi de douze horizons vos espoirs de suite, et j’irai vous exclure en droit,
Mais peignez-m’en par treize, ou huit, même cinq ou trois,
Et j’irai à vous sans remords ;
Je me voue à l’or.
 »

C’est quand même fou de se rappeler de telles strophes à la virgule près quand on n’est pas fichue de retenir son ancien nom.


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Mer 9 Jan - 1:27
« Belle, si Alexandre ne peut vous conquérir,
Parions plutôt sur quelques gobelins, s'ils vous plaisent.
Ce sera donc à la force de vers tous en treize
Que nous marierons mots, irons voir muguet fleurir.
Là, dame, ne fuyez l'enluminé que je suis :
Être fou de vous ne fait pas de moi allumé.
Ça dit, si taré je parut, ne me subsumez,
À cette encontre, non Mort, mais Renouveau s'ensuit.
Je saurai me faire, pour vous, d'étonnement source
Sans trop détours ou retours, bien grand, je serai Ourse.
Quand vous le voudrez, que de pieds, autant de piécettes
D'or je vous couvrirai. Mais si je fais, mignonette,
Par treize, essaierai vous vous-même par, disons, sept ?
»


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Mer 23 Jan - 14:29
Et voilà. Je n’ai pas changé, moi. Apte à calculer cinq coups à l’avance dans une partie de dames, mais incapable de résister à la tentation de bondir sur l’option la plus fantaisiste qui se présente à moi, dût-elle me mettre en difficulté par la suite. On m’a parlé en vers, j’ai répondu en vers, on m’a répondu en vers… j’aurai l’air de quoi si je reviens à la prose ? Et contrairement à ce ménestrel sciaphile qui a l’air d’en avoir fait sa profession, je suis incapable d’improviser des vers dans le courant d’une conversation. J’ai essayé une fois, pour voir si j’avais plus d’affinités à en déblatérer sur des mètres premiers que sur des alexandrins, mais le problème s’était vite avéré la rime.

Je reste silencieuse quelques instants, considérant plus avant l’invitation que me lance mon futur compagnon de route – parce qu’un lascar comme ça, je le lâche plus – et je réfléchis à quelques rimes en avance, pour voir si je peux moyenner quelque chose avec une quelconque espérance. Bien sûr, c’est quitte ou double, mais je suis du genre à quadrupler. Je n’ai pas changé, je vous dis.

Je balbutie un « Je… » avant de me remettre, reconsidérer mon ânerie une dernière fois, prendre une grande inspiration, et tenter de me lancer dans ces heptasyllabes auxquels je suis incitée :

« Je me verrais honorée
D’accompagner votre lyre
Sur quelques mètres dorés
Sans crainte de me salir.
 »

C’est un début. J’ai gardé un ton hésitant, traîné sur certaines syllabes, et je dois reprendre une brève pause avant de continuer, mais l’impression me prend de marcher sur la bonne voie lorsque je termine ce quatrième vers. À tel point que je retrouve assez d’assurance pour continuer sans préméditer toutes mes rimes.

« J’ai bon espoir de trouver
Des heures à f… m’embellir
Et des nuits à m’éprouver.
 »

Doucement, doucement. Je repense encore mes tournures pendant deux ou trois secondes, avec l’intention évidente d’aller me suicider sur un deuxième septain. Une métaphore vient de me germer à l’esprit, il faut que j’arrive à en faire quelque chose.

Deux-trois-deux… Trois-quatre…

Allez.

« C’est donc toute guillerette
Que j’accepte votre accueil
Et de me prendre la tête
Dans quelques b… jolis écueils,
Pour mieux la plonger dans l’eau
D’Hippocrène où l’on recueille
Ces verbes qui font notre l…
 »

Ç… Ça ne rentre pas.

« C… Ces vers qui font notre lot. »

Doucement… Doucement.


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Dim 3 Fév - 0:26

Qu'on m'aide ! Mon coeur se fait électrocuter !
« Oh là là, quelle tanche, mais quelle blondasse,
Regarde la hésiter, se tromper, buter,
Elle n'en restera pas moins une pét-
»
                    « Las !!
Je t'avais oublié, toi
Tais mots s'ils ne sont courtois
Ou c'est la dernière fois
Que je t'emmène avec moi !

Malheur ! Je vous prie de pardonner, douce aphrodite,
Cette colère subite, mon emportement,
Hormis musique, on ne devrait ouïr cet instrument.
Oublions, et partons dans une verve inédite-
»
« Hahaha ! Traduction : il veut vous montrer sa- »

Je bazarde aussitôt la Harpie au loin,
Gransac, mon ami, la cherchera plus tard.
Je reprends, ajustant alors mon pourpoint :
« Avez vous soif, ma dame ? Voulez vous boire ? »


Dernière édition par Titan le Jeu 9 Déc - 20:29, édité 1 fois


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Lun 11 Fév - 18:50
Ainsi nous quitte une harpe qui outrepasse sa nature d’instrument mélodieux pour insulter les passantes. Je suppose que je dois m’en satisfaire, même si j’ai désormais impression d’arracher la compagnie de ce barde à quelqu’un. Quelqu’un qui, si j’en crois la métrique de ses paroles, est déjà bien habitué à le côtoyer, et lui ferait sans doute un comparse plus légitime que ne le serait une physicienne. Enfin, j’imagine qu’il n’avait qu’à éviter de tenter une rime suffisante avec "blondasse".

J’observe le cervanthrope, si tant est que ce mot existe, qui me tend une main métaphorique vers une soirée arrosée. Dans un tel contexte, j’imagine que la soirée va nécessairement être longue, et cette invitation qui m’est lancée me rappelle pourquoi je suis sortie de chez moi en premier lieu. J’ai réussi – qui l’eût cru – à oublier ma théorie quelques instants, à force de versifications nocturnes. Je sais que dans les faits, rien ne presse vraiment, l’Esquisse pourra bien survivre à quelques jours de plus sans un grand pavé de considérations mathématiques incompréhensibles pour la plupart de ses résidents et dont les applications pratiques pourraient prendre des années de travaux. Et j’ai bien le droit à ma petite pause café. Maiiis… l’excitation m’a reprise sitôt la pensée revenue. Même comparée à une tirade versifiée en mètres premiers, la formule de mon enveloppe gaussienne régissant la variation du souffle incohérent des espaces indomptables me paraîtra toujours plus belle, et il me faut des données pratiques pour la calculer.

Cependant, je suis toujours perdue, alors repartir tracer mon chemin maintenant ne m’avancera pas à grand-chose. J’imagine que je peux tenter de joindre l’agréable à l’encore plus agréable, et inviter mon compagnon de circonstances à me ramener en terra cognita. S’il peut m’emmener à l’Hôtel, par exemple, ce sera toujours ça de pris. Mais je présume qu’un personnage comme lui ne doit pas être allergique aux livres, donc je présume que je peux aussi l’inviter à me guider vers la Bibliothèque s’il sait la retrouver dans cette obscurité.

Je dois aussi penser à mes rimes. Il me regarde hésiter avec son allure bienveillante, et je m’en veux presque de le faire attendre. Mais j’ai le sentiment qu’il m’adressera un œil d’autant plus élégant si j’arrive à formuler quelque chose de propre en plusieurs secondes plutôt que de bâcler mon récital en un instant. Finalement, je me sens comme une petite floune qui cherche à rendre ses parents fiers d’elle.

Heureusement, l’hendécasyllabe est probablement le vers que j’ai le moins de mal à tourner. Il se brode sur des enchaînements de trisyllabes, de pentasyllabes et d’octosyllabes malléables à souhait – quand on ne s’appelle pas Sappho – et que je prononce assez naturellement. Et puis cette dernière rime du barde est facile à suivre sous un ciel pareil.

« J’ai très soif, cher ami, mais cette nuit noire
M’assoiffe d’apprendre un peu plus des mystères
Qui planent inlassablement sur ces terres.
Voyez-vous, j’ai le projet fou de saisir
Son insaisissable folie…
 »

Les rimes, bon sang. Il faut que j’y prête plus d’attention.

« … par plaisir. »

Ça vaudra pas un Goncourt, mais ça rattrape.

« Plaisir de l’entendre, et… lui clouer le bec.
Ainsi donc, j’allais vers la Bibliothèque
Pour y trouver un ouvrage avant demain ;
Hélas, je me suis égarée en chemin.
Sauriez-vous, à défaut d’aller boire un verre
M’y raccompagner en contant d'autres vers ?
 »

S’il peut tenir le fil directeur de la conversation, ça me fera ça de moins à improviser. J’ai peur de sombrer dans les répétitions si je continue.


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Titan
Dim 20 Juin - 15:06
La bibliothèque ? Mais c'est ma maison !
Mon pied-à-terre en ville en toute saison.

Ce soir éternel
Salue de nobles essais,
Balade sélène.

Suivez-moi
Jusqu'à la charmoie
Bordant la bibliothèque,
Là siège mon palais, le repos du métèque.




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Sam 2 Avr - 1:02
Sa maison ? Son palais ? Changement de plan, plus question d’attendre qu’un cambrioleur s’éprenne de mes brouillons et m’attende dans mon appartement ; maintenant, c’est chez lui que je veux aller. Combien de fois, quand j’étais étudiante, n’ai-je pas souhaité pouvoir m’installer dans la bibliothèque universitaire ? On y allait à l’aurore avant les cours, on y revenait manger le midi, et on y restait jusqu’à ce que le concierge nous en chasse ; c’était déjà presque chez nous, il n’y manquait que les lits. On avait toujours le bouquin dont on avait besoin à portée de main, et quand on ne le trouvait pas, on tombait sur un autre. Et puis c’était calme – la plupart du temps –, on pouvait rêvasser sans que quoi que ce soit vienne perturber nos pensées. Non, c’est décidé, si on peut aller vivre à la Bibliothèque, je signe immédiatement.

De fait, quand mon aède de compagnie m’invite à le suivre, il n’a pas à me le versifier deux fois ; je hoche la tête pour signifier mon accord – j’ai l’esprit trop excité pour oser répondre autrement –, et j’axe immédiatement mes pas sur les siens pour l’accompagner dans cette « balade sélène » sans lune.

Je frissonne à la perspective de tous ces livres plein de curiosités esquisséennes qui me surplomberaient pendant que j’essaierais de travailler ou de dormir, et dont, à supposer une moyenne de trois cent pages écrites par livre, environ un sixième en aurait un nombre premier. Peut-être même qu’il s’y trouve le deuxième tome du Manifeste de sur la malpolysyndète que j’ai trouvé dans le Labyrinthe, que je pourrais feuilleter pendant ma pause déjeuner en conversant avec un rat du coin. Et puis tous ces gens qui passeraient régulièrement, et à qui je pourrais raconter mes dernières avancées sur ma théorie des espaces indomptables… parce que j’ai eu beau mettre tout plein d’annonces dans mes articles, personne n’est jamais passé me voir dans mon appartement. Sauf ce facteur, l’autre jour, qui m’a apporté une lettre de Langevin, mais qui avait apparemment trop de courrier en retard pour m’écouter disserter sur le sujet. Alors que les gens à la Bibliothèque, en principe, ils auront tout leur temps, et certainement soif d’apprendre avec ça.

Alors que le dénommé Audebert et moi commençons à marcher, je commence donc à réfléchir à comment lui poser la question de si je peux m’installer là-bas. Il me suffit de lui adresser un regard pour me rappeler que je devrais le faire en vers – j’aurais été foutue d’oublier –, mais je choisis de ne pas trop me décarcasser sur la question :

« Dites-moi, votre maison,
Si je voulais, par hasard,
Y poser mon baluchon
Pour m’y installer plus tard,
Ce serait possible ?
»

De toute façon, j’ai l’impression qu’il va dire oui en distiques.


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