[Devant les toilettes pour gelées, fin du jour 15] Quatre moitiés de quatre-quart... Quatre... Deux... Deux tous ? (Feat Thalès)

Anonymous
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Mer 24 Aoû - 0:46
Je ressentais… Je ressentais la pulsation, la cerise qui battait son plein. Mes mains couvraient mon visage, mon souffle haletait, et mes yeux refusaient de s’ouvrir, les paupières restaient closes.

Mes mains.

Je ressentais… Je ressentais leur toucher, le toucher de mes mains. Une paire de mains. Deux mains. Deux paumes. Je palpais mon front, mes joues. Aveugle.

Mon esprit, engourdi… Que venait-il de m’arriver ?

Avais-je laissé mes lèvres goûter un met interdit, m’étant plongé quelques temps dans un sommeil d’une acidité alarmante pour m’en réveiller encore affublé d’un bras différent ? Je laissais ma langue se glisser entre mes dents, léchant le bas de la paume de ma main gauche.



Le réglisse était toujours présent, envahissant mes papilles, ravivant la mémoire.



Comment pouvais-je ne pas sourire ?

La mûre n’était plus, elle n’était plus !

Mes mains se pressèrent contre mes tempes, mon front se posa contre le mur, froid, glacial. Était-ce une vitre, ou plutôt, une glace qui se tenait là ?

Quelques minutes plus tôt, la petite gelée s’était infiltrée sous le pas d’une porte.

D’un mouvement de crâne, je frappais d’un coup de tête ce qui me faisait face, plaçant de suite mes paumes sur mon front en réaction face à la douleur, reculant.

Elle s’était alors retrouvée dans les toilettes du centre commercial, fuyant à toute allure ce qu’elle nommait mûre tout en suivant son voleur.

La mûre n’était plus, et la douleur était là !

Je ressentais… Ma pensée m’envahir, mon esprit revenir. Ma faim se ravivait, lentement…

A l’abri des regards, la petite gelée avait perdu sa forme fébrile, et alors, d’une manière que tout esquisséen se devait de connaître, elle créa un nouveau corps.

La douleur… ne se trouvait pas en mon front.

Ma main… Ma main droite…

Je sentis un filet de cerise couler jusqu’à mes lèvres, lèvres qui en étaient déjà emplies.

Les sensations revenaient…

La morsure profonde affligée à ma main droite me fit soudainement souffrir.

Et alors, la petite gelée n’était plus. Elle n’avait plus besoin d’être, tout comme nous, narrateur. L’esprit reprenait sa place dans sa nouvelle coquille, et comme toujours, la faim domina.

Comme un déclic.

Je souriais, de mon imperturbable sourire.

« J’ai faim… »

Le contrôle me revint comme l’on faisait revenir un agrément de poivrons aux couleurs si alléchantes dans un mélange parfait d’ail et d’oignons, agrémenté pour épice d’un sel réparti avec délicatesse. Le goût de la cerise, quant à lui, ranimait en mes papilles une envie indéniable de sucre pour contrecarrer ce fer prenant qui envahissait mon palais…

Le pourtour moelleux d’une profiterole dans laquelle se trouve, cachée comme un trésor, la douce chantilly qui se laisse fondre en bouche… Parsemé sur son chapeau croustillant, un chocolat au lait fondu, offrant aux lèvres un petit plaisir qu’il fallait essuyer de sa langue !

Le goût sucré d’une fraise, juteuse, moelleuse, laissant s’échapper un son qui envahit l’esprit, qui le calme dans toute sa beauté. Une nouvelle touche de chantilly, élevant le fruit à son apogée... D’innombrables gâteries, d’innombrables pensées qu’il me fallait déguster, qui me faisaient saliver !

Lentement, j’ouvrais les yeux, admirant alors le monde dépourvu de néant, me demandant dans une vue floue si ma glace à la fraise avait retrouvé sa place. Malheureusement, je ne pouvais la trouver. Les canards l’avaient-ils remplacée par un plafond grisâtre ? Il en serait là d’un acte barbare ! Qui donc oserait faire disparaître la glace, ce délice au doux goût de fraise ?

Du peu que je pouvais voir, je voyais là une porte dont j’attrapai la poignée, la baissant pour en pousser la propriétaire.

Dans mon geste je me laissai tomber en avant, titubant, quittant cette salle grisâtre qui possédait bien peu de goût. Ma main droite recouverte de cerise posée contre le bord de mon front, je manquai de m’écraser au sol à la manière d’une crêpe.

Une crêpe, une crêpe sur laquelle on déversait avec finesse un succulent sucre de canne, voilà qui ravivait l’appétit !

Je me réceptionnais contre le mur qui faisait face à la porte de mon bras gauche, me laissant tenir dos contre mur et une jambe au sol pour plier l’autre dans l’objectif de retirer une à une de mes pieds ces horribles chaussures dont je me trouvais à nouveau affublé. Des chaussures, quelle idée saugrenue…

Je dénouais légèrement la cravate qui me tenait au cou. Me retrouvais-je habillé de ces mêmes tissus qui me recouvraient, il y avait des jours de cela ? Je laissais ma main gauche tâter à la recherche d’une réponse, ma main droite toujours appuyée contre mon crâne, celui-ci étant d’ailleurs baissé pour tenter d’inspecter de ma vue encore floue mon attirail.

Veste noire ouverte, cravate noire partiellement dénouée, chemise blanche quelque peu froissée, tachée de cerise, jean noir adéquat, et chaussettes. Blanches ? Peu importait…

La faim importait.

Je levais alors le regard, admirant un nouveau plafond, bien plus haut, plus coloré. Là encore, ce n’était pas la glace…



Mais que font donc les canards ?


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Jeu 25 Aoû - 0:33
Thalès était en train de... paniquer. Le couteau maladroitement tenu dans la main gauche. Et la droite vide, tout juste dirigée vers une poignée de porte qui ne se trouvait qu'à quelques centimètres de lui.

Cheveux.
Longueur de nez.


Il analysait pourtant la situation en détails… Qui se trouvait dans la pièce lorsqu'il était entré ? N'avait-il pas, comme à chaque fois depuis qu'il était Thalès, scrupuleusement regardé ? Aurait-il pu louper un élément si évident ? Aurait-il été distrait… par un simple coulis rouge qu'il suivait toujours ?

Carure.
Forme des yeux.


Il n'y avait qu'une porte dans la pièce en question, si l'on pouvait appeler ce machin recouvert d'éponge une porte… Risible… Non, il n'y avait définitivement que ce moment-là d'entrer. L'Esquisse ne permettait pas de traverser un mur.. Encore que...

Taille.
Teint.


Mais tout particulièrement, que faisait-il… ici… à si faible portée… Les yeux inconditionnellement levés au ciel. Pythagore venait à lui, ingénu et dénué de prudence. Blessé à une main entièrement découverte. Prêt… à….

Voix.
Vêtements.


Il ne pouvait pas rester ici.
Ou leurs yeux se croiseraient..
Et ils se


Rapidement, la main droite atteignit sa cible, la fit pivoter dans les deux sens avant de trouver le bon. Le corps s'engouffra. Les jambes s'activèrent. Coururent. Yeux presque fermés. Le Diable aux trousses, prêt à lui faire rebrousser chemin.

"retrouveraient"

Pour une raison qu'il connaissait si… parfaitement… Thalès savait qu'il devait fuir avant que toute salutation n'ait lieu. Avant que les choses ne commencent. Avant que tout ne…

s'emballe

C'était son dernier espoir d'être raisonnable.


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Dim 28 Aoû - 1:21
Un rosbif cuit avec passion et en étant devenu doré, légèrement croustillant, enivrant. Une salade de poulpe en entrée, servie cependant après le plat de résistance, offrant au service toute sa particularité… Une sauce à la vanille, brûlante, mais savoureuse, sauce dans laquelle se déverse le sucre, accompagné de quelques arachides. Le plat gâché par la gourmandise et la perfidie remontait mon esprit comme le vers se jouerait de l’intestin… Je sentais la glace, mon fruit grouiller en moi, quelque part, m’affamant, toujours plus.

Fuyant dans la bordure de ma vision périphérique, comme une ombre. Des bruits violents, appuyés. Des bruits que mon esprit marqué par la faim ne put identifier. A leur entente, je tentai bien de baisser à nouveau le crâne, mais ma vision se flouta, ne me laissant admirer que la disparition soudaine d’une illusion.

Ma main droite glissa, lâchant finalement mon visage pour se laisser pendre contre mon corps, et je me tournais sur le côté, m’appuyant au mur de ma main gauche en manquant de tomber sous ce nouvel effort.

Quelque chose grouillait, en dehors de moi-même… Ou n’était-ce que l’hallucination de ma pensée nouvelle ? La faim qui se manifestait enfin en dehors de mes entrailles ?

Je ne pourrais dire non à une tartine sur pattes, imposante, croquante… Une part de gâteau au chocolat, fraise tagada, et tout le fatras ! Je ne savais plus que formuler, tellement mes carotides pulsaient sous l’ardeur de la faim dès lors ravivée non plus en ma tête, mais en ma chair…

Je devais m’emparer de ce qui venait de passer à mes côtés.

Je devais l’engloutir.

Le déguster.

L’assimiler.

Manger.

« Manger… »

Le mot me donna force, espoir, ou quelque autre délire de ce genre, me permettant de me redresser d’une poussée de mes bras.

Je voulu alors me mettre en chasse de ce qui tentait de fuir.

Cependant, au premier pas, je trébuchai.

Mon bras gauche me protégea le visage, et dans la fin de ma chute, je sentis ma main droite tendue vers l’avant agripper une toute autre chose que le sol…

Une…



Le choc ne me permit pas de réaliser de suite ce qu’il en était, mais je ne lâchais pas prise, revêtant de cerise ce que je tenais. La chose semblait organique, et vivante… Comestible.

Un jambonneau vivant… ?

Non…

Une jambe ?

Bah, de toute manière…

« Je te tiens… »


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Lun 29 Aoû - 21:54
Thalès avait été saisi. Rattrapé par l'inéluctable.
La main.
Non, pas la sienne, pas encore.
Une emprise portée sur sa jambe droite le fit trébucher, puis le mit à genoux. Il se retourna quelques secondes et fit l'erreur de croiser le regard de son frè.. assaillant. Pourquoi était-il si calme ? Pourquoi ne réalisait-il pas ? Pourquoi n'avait-il pas… peur ?

Parce que le plus effrayé, le lapin pris dans un piège, ce n'était pas ce frère qu'il essayait de fuir.

Il donna quelques coups de pied pour se défaire, sans regarder exactement où il visait, tandis qu'il essayait de ramper pour fuir.

Celui qui se débattait vainement…

Mais c'était trop tard.  Il avait pointé un couteau vers Pythagore. Encore maladroit. Encore incertain. Encore dans l'air. Ce n'était qu'une menace.

Pour riposter à deux autres menaces.

« Lâche-moi… et... R… recule… » bafouilla-t-il, la voix plus haletante que d'habitude.

Celle du chasseur…

« Sinon je vais… »

Et celle du loup qui dormait.

À y repenser. Depuis quand cet endroit puait-il le réglisse ? C'était à mille lieues de ces priorités - encore une torture infligée par le monde lui-même, quoi d'autre ? Si ce type odieux ce pointait à cet instant, ce serait le fou venu le tirer de l'enfer...
Mais l'enfer, n'était-ce point la folie ?


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Sam 17 Sep - 22:30

En infimes quantités, une cerise écrasée au sol, un en-cas des plus appétissants, un doux fumet de réglisse. Dans la mélasse, le gibier cherche à éviter son sort, comme le doit toute nourriture digne de ce nom… Comme le doit toute nourriture sucrée ! Cependant, quelques paroles prononcées, je commençais à réaliser dans ma faim… N’en était-ce pas là d’un sucre connu de mes papilles ?

L’assemblage formait une logique au raisonnement implacable : ce jambonneau que je tenais, cette voix emplie d’un réglisse volé, cette peur…

Aucun doute, aucun… Il en était là…

Il en était là du plat le plus adéquat à ma condition actuelle !

De quoi combler le vide un temps, de quoi faire tenir ce nouveau bras, de quoi alimenter mon sang, ma chair, mon réglisse, de quoi manger, et par  extension, de quoi être ! Une nourriture armée, un met qui souhaite fuir, une gâterie pénible, mais pas moins appréciable dans son assimilation…

Je ne voyais que cet étrange bout de métal qui pointait vers moi, me menaçant, et autour, ce qu’il me fallait manger… A la cerise répandue sur le pavé se mélangeait un liquide transparent, visqueux, s’écoulant de mes lèvres jusqu’à mon menton avant de former un filet se répandant là, comme décrit par les canards à l’instant.



Les…



Coucou, coin.

Nous sommes les canards, coin !

Une partie d’un certain Tee, ou quelque chose du genre, coin…

Comme il est fatigué, qu’il a faim, et qu’il risque de se répéter, nous avons décidé de reprendre exceptionnellement la narration, coin.

Certains de vous autres anglophones diront que notre intervention « is anticlimatic », coin.

Mais ça, c’est vous qui le dîtes, coin !

Enfin bref, coin.

Là, Tee hésites à sauter sur Thalès et se manger le couteau en prime, ou trouver un subterfuge pour manger le premier sans manger le second, coin.

Remarquez qu’il ne sait même pas qu’il fait face à son voleur de réglisse, coin !

A sa place, je serais parti chercher une boulangerie, coin…

Le saviez-vous, coin ? Le pain est bien meilleur qu’un Thalès, coin !

Au fait, ce Thalès, il a dit qu’il allait faire quoi déjà, coin ?

Me semble-t-il qu’il n’a pas fini sa phrase, coin…

Coin, coin.

Lucoin, en français, coin !

Je crois qu’il le menace, je disais, coin.





Toujours aussi perspicace Lucoin, coin !

Ah, Tee a décidé de le rattraper, coin…

Effectivement, il s’est rapproché de lui à quatre pattes, coin !

Et quelle vitesse, quelle surprise, qui aurait pu s’y attendre, coin ?

Outre Lucoin, personne, coin !

Un indéniable génie, ce grand Lucoin, coin…

Celescoin, ne commence pas, coin !

Coin, coin.

Répètes-ça pour voir, coin… ?

Allez vous arracher les plumes ailleurs, coin !

Le saviez-vous, coin ? Tee a faim, coin !

On sait, Marcoin, on sait, coin…

« J’ai faim… » qu’il marmonne encore, coin !

D'ailleurs, ils font quoi en ce moment, coin ?

Tee est juste devant Thalès qui a fini dos au mur à force de ramper, coin.

Il va se passer quelque chose, coin !

Ils n’ont pas l’air de bouger en attendant, coin…

Peut-être qu’ils se contemplent, coin ?

C’est beau l’amour fraternel, quack !



Quacky, tu as manqué un jour ou deux, coin…

Et arrêtes de manger tes coins, coin.

Puis, depuis quand t’es là, coin… ?

Le début pourquoi, quack ?

Alors arrêtes de dire n’importe quoi, coin !



Mais, ils sont pas frères, quack ?







« … Quack ? »

Une onomatopée toute autre que celle à laquelle je m’attendais venait de quitter ma gorge, coupant court à mon filet de bave, mettant un terme à la transe qui m’envahissait. Visiblement, je me trouvais à quatre pattes face à un certain individu que je n’avais encore pu identifier dans mon état second, ne l’ayant vu que comme un nouveau met à assimiler… Etait-ce là l’effet de la possession d’un second bras en état ?

Je souriais, redressant quelque peu le crâne et le penchant sur le côté, soudainement amusé et intéressé par une situation si extravagante, si… épicée ? Ma manche se frottait contre mes lèvres alors frôlées d’un goût de réglisse, en ôtant les derniers soupçons translucides mêlés à une faible teinte de cerise, les descripteurs de la faim emplie de gourmandise qui fut dans l’instant précédent, en opposition à la faim qui marqua soudainement son retour suite à un brut « quack ».

L’ustensile supplémentaire à celui que je possédais déjà se trouvait juste devant moi, et maintenant capable de penser convenablement, je pouvais en reconnaitre le détenteur, comme je l’avais fait depuis déjà quelques pincées de secondes…

Alors, restant dans ma position initiale, je tendais ma main mordue dont le dos venait de me servir d’essuie-tout, l’ouvrant face à mon camarade et lui offrant mon éternel sourire, concluant cela en m’exprimant d’une voix calme, bien que faisant ressentir un certain entrain :

« Heureux de te retrouver ! »


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Ven 23 Sep - 21:37
Telle est la Faim.
Une reine dite obèse, siégeant sur un trône de fer et d'assiettes vides. Que voir, sinon sa robe dégoulinante de sauces et de miettes, sucrée, poivrée et doublement épicée ?  Sa couronne elle-même se fait à l'occasion fourchette ; voilà un bel épieu que la dame plante toujours allègrement dans les plats qui ne gisent pas encore dans son estomac. La Faim ne digère pas ; ainsi n'est-elle point repue quelle que soit la taille du met qui s'offre à ses mirettes. Oh, précisions d'ailleurs de quelle mirettes nous parlons, car cette Souveraine a depuis bien longtemps embroché ses deux propres iris, ce simplement après avoir déclaré « Ils seraient parfaits pour l'apéritif » devant un miroir. La voilà donc aveugle, mais aussi sourde, car le bruit l'empêche de bien manger.

Dans ce cas, omment manger, si l'on ne voit ni n'entend ? Comment penser atteindre quelque nouvelle assiette, quand toutes sont déjà vides, et que l'on est trop énorme pour bouger ? Comment la Faim parvient-elle à ses fins ? Allons… a-t-Elle aussi dévoré votre imagination ?

Bien qu'elle puisse être apparentée à l'Ogre ou assimilée à quelque monstre folklorique, notre Reine sait aussi prendre son temps. Choisir le met le plus succulent, attendre qu'il s'approche imprudemment, le cuire - son instinct, mieux que ses sens, lui donne le temps précis - et le déguster avec tous ses arômes, cela demande patience. Ainsi la Faim sait-elle également s'adapter à ses ingrédients. Certains sont prêts plus vites que d'autres, et il est bien normal de ne pas ouvrir la bouche trop vite - le repas en serait indigeste !

La Faim, a un jour dévoré Tee. Succulent magret à la fois canard et homme, saupoudré de sa propre folie l'ayant cuit à point. N'était-il pas aussi accompagné de son Réglisse - mais si ! Là était bien cet arôme qui avait donné un goût si particulier à l'ensemble, si unique parmi les saveurs déjà présentes. Ce genre de plat que vous ne pouvez pas oublier, et que vous choisissez de ne pas finir tout de suite car vous savez qu'il peut devenir encore meilleur. Le mot "Délicieux" ne suffirait simplement pas !

Mais là où Tee - que la Reine se souvienne d'un plat au moins de le nommer, voilà bien l'une de ses excentricités - avait outrepassé les limites de la divine Gastronomie, c'était dans une caractéristiques des plus uniques. Tee n'était pas seulement ce plat copieusement garni, il était aussi assaisonnement. Répandu en fins morceaux sur un met en apparence ordinaire, il le sublimait, le révélait, l'embaûmait. C'était sans doute en renversant par erreur une partie de son doux magret sur ce qu'elle s'apprêtait à manger ensuite que la Faim avait réalisé ce miracle. Un peu de sauce, un peu de réglisse, et voilà qu'un nouveau délice prenait peu à peu ses aises dans son assiette. Deux beaux victuailles en interaction, sa Majesté était ravie ! Quel festin n'allait pouvoir se faire ?

Aucun !
Là où la Faim fut en réalité des plus étranges, dans l'émotion sans doute, est sans conteste ce moment où elle a rapproché ses doigts du tendre magret au réglisse - qui n'était jamais fini, un autre miracle - pour mieux apprécier son toucher. Dès lors, la Faim suggère à son plat qu'il n'est plus seulement Plat, mais aussi son premier Cuisinier. En tant que bras droit, ne va-t-il pas s'attabler avec Elle pour goûter à sa première création ?

Ce plat quelque peu insipide que l'on recouvrit par accident, et que l'on transcenda donc pour en faire quelque chose qui méritait aussi d'avoir un nom : ce serait Thalès.

Quelle sérendipité !

La Faim, qui n'aurait jamais cru que le fruit deviendrait si mûr, ou plutôt qui n'avait jamais attendu quoi que ce soit d'un tel rôti fade, se prépare maintenant à festoyer avec son cuisinier. Si tout cela est bien permis, passons donc à table sans plus attendre !

« Moi aussi… Je… J-... Je suis... »

La Faim dégustait la cerise qui coulait sur le bord de l'assiette. S'adressant à son cuisinier, elle déclara : « Rajoutons ici des épices, ils s'accorderont parfaitement avec le coulis ! », avant de dégainer basilic et curry.

« Je suis ravi. » s'exclame alors le met prometteur, sans une once d'hésitation dans cette voix que la Faim ne peut de toute façon pas entendre. Elle ne fait que sentir, avec un énorme nez dont elle n'a croqué que l'extrémité (pardonnez-lui quelques accès de gourmandise), toutes les odeurs qui émanent du rôti. Peur, angoisse, confusion : la Faim sent ce qui nuit à la saveur et sait que le sucre est le seul remède. Beaucoup de sucre par-dessus les épices ! Toujours du sucre !

« Restons ensemble… Maintenant.. »

Cela ne suffit pas, le rôti n'est pas aussi bon sous la dent que celui qui l'a corrompu. Plus de goût ! Plus de saveur ! Quitte à utiliser encore un peu le magret au réglisse, quitte à ce qu'il soit source d'un nouveau changement. Et du sucre, pardi, beaucoup de sucre, qu'attendez-vous pour changer de sachet si celui-ci est déjà vide ? Notre Reine ordonne et ses mains, aussi nombreuses qu'il est possible d'en imaginer, s'attèlent à leurs diverses besognes. Grâce à la Faim, et pour que la sauce prenne, les deux mets s'entrecroisent temporairement.

« Je suis désolé… »

L'un enlaçant l'autre… Ah, après tout, que de douces retrouvailles !

« Je vais... rattraper le temps perdu…  d'accord ? »

Un sourire à la dentition parfaite se distingue sur le visage de la Faim. Son premier cuisinier ne peut pas encore passer à la casserole, ou du moins pas en entier. Comment manger convenablement, après tout, quand on a déjà goûté ce qui se fait de meilleur ?

« Ça fait si.. Longtemps…. »

Eh bien, la réponse est simple : il faut créer quelque chose d'encore plus succulent.
Notre Reine sait aussi prendre son temps.

Maintenant que le Sucre glisse et se mêle à la sauce, qui sait quel délice naîtra de ce fameux mélange ? Sera-t-il plus doux, plus amer, plus exotique, plus croustillant que le magret ? Ou sera-t-il un réglisse de bas étage, que l'on mastiquera sans conviction ?


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Mer 28 Sep - 21:32
« Moi aussi… Je… J-... Je suis... Restons ensemble… Maintenant… »

Voilà des paroles des plus palpitantes !

Sourire incessant, pensées amusées et ventre gargouillant, j’avais réussi à poser la paume de ma main contre de dos du poignet de la sienne, faisant alors descendre l’acier tranchant vers le sol.

Rester ensemble, maintenant ? Il était là d’une pensée dont son contraire ne m’avait pas même traversé l’esprit… Etait-ce la peur de perdre à nouveau un pair qui charcutait l’esprit de mon camarade de table ? Etait-ce l’envie insatiable de réaliser notre hors-d’œuvre qui ainsi l’animait ? Quoi qu’il en fut, nul doute que la faim devait s’en trouver recluse dans son estomac…

Que faire alors, si ce n’était la rassasier !

« Je suis désolé… »

Puis alors, comme premier en-cas, nous nous enlaçâmes. Cependant, je n’étais pas né de la dernière fournée… Le voleur de réglisse, lui, me prendre dans ses bras ? Lui qui n’osait s’approcher de mes succulentes plumes que par l’intermédiaire de fioles ici et là balancées ? Eh bien… Il fallait croire que la faim, mêlée à un zeste de peur, savait faire des miracles !  

Sous cette pensée…

« Je vais... rattraper le temps perdu…  d'accord ? »

Sous cette pensée, un sourire à la dentition parfaite se distinguait sur mon visage caché aux yeux de tous, mon crâne posé sur l’épaule de ce cher Thalès. Je voyais là comme une adorable glace vanillée, teintée de quelques touches roses et noires dispersées sur toute sa surface ; une fraicheur mélangeant de nombreuses saveurs exotiques que nous ne connaissions que trop bien, mais dont nous ne pouvions jamais nous passer !

« Ça fait si.. Longtemps…. »

Je resserrais mon étreinte, passant la paume de ma main droite recouverte d’une cerise s’asséchant lentement dans ses cheveux, comme pour forcer son crâne contre mon épaule, sans agressivité. Il se trouvait là comme la pierre précieuse que nous avions trouvée de nombreux jours avant, entre les ailes d’un canard… Cependant, elle… La faim ne la tiraillait pas autant en ce temps !

Les coins de mes lèvres redressés par ce sourire indélébile, j’exécutais comme un infime geste de mon cou, rapprochant à peine ma bouche de son oreille droite tout en jouant de ma main pour ajuster son crâne, ce en faisant en sorte qu’il ne le relève de suite.

Alors, je chuchotais…

« Nous rattraperons le temps perdu comme il se doit, que tout se déroule pour le mieux… Mais avant… »

Cela prononcé et ma phrase laissée en suspens, je relâchais la faible pression de ma main posée contre sa tête, et alors je redressais la mienne, affichant un sourire mêlée à une moue légèrement interrogatrice, un sourcil à peine rehaussé.

« Combien font quatre fois quatre ? »


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Sam 8 Oct - 17:54
(Tout comme son interlocuteur, Thalès reprit une narration des plus ordinaires et en profita d'ailleurs pour présenter les pensées du personnage.)

Ah, quelle belle étreinte. Si longtemps désirée, si longtemps espérée, la douce entrave procurée par la retrouvaille des deux frères… En toute innocence, le pauvre et frêle être aux cheveux blancs se laissait avoir par ce monstre déguisé, et dont le sourire tout à fait carnassier se cachait. Il voyait à peine la cerise, il n'entendait qu'à moitié ; c'était la folie là-dedans, avec chaque sens que pouvait prendre ce terme.

Derrière l'euphorie, c'était bien Elle, la faim, la folie, qui le prenait. Thalès n'était pas qu'un pauvre être inconscient d'un danger qui lui susurrait candidement que tout allait se dérouler pour le mieux. Il était une partie de ce danger, un petit oeuf sur le point de laisser éclore une tragédie dont il regrettait déjà l'issue… mais c'était naturellement en toute omniscience que le lecteur se gaussait, lui qui savait si bien, depuis ses lointains gradins, que Pythagore n'était rien d'autre qu'un pauvre canard dégénéré. Comment traiter avec sérieux, dans ce cas, ces retrouvailles qui n'étaient ni plus ni moins qu'un quiproquo ? Comment ne pas se fendre la poire devant un homme qui regrettait déjà ce qu'il n'avait pas encore fait ? Comment sentir que toute logique s'échappait, ou s'était déjà évanouie, pour ne former qu'un noeud brûlant et confus à l'intérieur de sa tête ?

Comment croire donc…
Comment savoir ce qui lui restait de la notion de nombres…
Comment se convaincre qu'un quatre était toujours un quatre ?

Est-ce qu'un quatre se mangeait, d'abord ? Est-ce qu'un quatre pouvait se tenir dans les mains, s'enfourcher, se peser, se déguster ? Est-ce qu'un quatre pouvait soigner, sauver des vies ou blesser ? Qu'est-ce qu'était un "fois" ? Qu'est-ce qu'était un "combien" ?

« Tout cela a disparu.. »

Désormais, il ne pouvait qu'espérer courir après le temps perdu. D'autres choses, elles, étaient sans doute… Déjà..

« Tu le sais bien… Quoi qu'on compte... »

Le résultat n'est jamais le bon.

« Tout va de travers ici… »

Alors sur quoi compter exactement ? Sa fourchette, son couteau, ses mains, son espoir, son instinct, son frère ? Il n'y a rien parce que tout ce que la Faim agite comme un flacon de sucre n'est qu'un malheureux cendrier dont elle répand les poussières.

Dès lors qu'il en était recouvert, ce Thalès qui était devenu fou n'avait plus qu'une réponse, elle aussi dégénérée, pour un tel calcul.
Seize the day.


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Dim 9 Oct - 14:09
Mur délabré, faisant face à mon regard… Arpenté de fissures, de craquelures, abimé par le temps, à l’image de l’enveloppe croquante d’un royal frappé d’un coup de cuillère trop brusque. Surplombant cette protection futile, il y avait cette couche, cette fine barrière salée qui l’empêchait de couler, de déverser son flot sucré au doux goût de fraise… Devais-je m’en remplir le palais pour nous en débarrasser, ou nous suffisait-il de nous rendre à l’extérieur, pour ne plus avoir à faire souffrir nos yeux de ce plafond trop terne ?

Bien que la première option me paraisse des plus alléchante, je dû bien m’y résoudre : la seconde se trouvait être bien plus aisée à accomplir, et ce même pour un quelconque canard…

Dans l’élaboration de cette idée, je me délectais en un même temps des paroles de celui que je tenais entre mon bras et mon aile, elle qui n’était plus qu’un appendice identique au premier... Elle que je regardais depuis mes dernières paroles d’un regard interrogateur. Et soudain, je compris. Les plats de ce splendide buffet auquel nous prenions part…

Immondice…

Le gourmet ne mangeait plus, il ne cherchait plus à planter son infiniment grande cuillère au sein de la glace fondante, et peut-être même ne l’avait-il jamais voulu… Mon propre corps et mon esprit quittant sa vision embrumée venaient de me le faire comprendre : ce goinfre indigne ne cherchait pas à éliminer la saleté.

Je me redressais subitement, comme ayant récupéré l’intégralité de mes forces, me retrouvant alors debout face à celui qui restait encore là, à terre.

« En effet, tout va de travers… »

Deux pas en arrière, couplés à ce rictus qui n’était maintenant plus la véritable expression de mon ressenti. Mes pupilles, toujours, restaient sur Thalès, et je menais l’ongle de mon pouce jusqu’à ma mâchoire, jusqu’à l’une de mes canines, commençant à jouer de mes dents sur ce surplus de réglisse translucide. Mon autre main entreprenait un geste dont j’avais pris l’habitude : elle se déployait, dévoilant l’arrivée d’un discours croustillant.

« N’en découle-t-il pas une conclusion des plus évidentes, Thalès ?  »

Je mourrais maintenant autant d’une envie de rire à m’en déchirer les poumons que d’une envie de m’empiffrer à m’en faire exploser l’estomac. Un rire colérique, voilà une chose qui ne demandait plus qu’à être libérée… Mais qui ne le fut pas. La faim l’emportait sur le ressenti, et alors l’emportait-elle sur le goinfre ! Lui qui, plus que s’être moqué de la saleté qui grouille dans son plat, commettait l’impardonnable… Un tel rire, il ne méritait en rien le plaisir de le savourer.

« Ce n’est pas la glace qui se répand, mais la saleté ! »

Mon ongle quittait l’émail de mes dents, mes deux mains se mettant alors à orchestrer quelques gestes éparses accompagnant ma présentation.

« Le gourmet commet l’irréparable : glace et barba-papa ne sont plus pour lui que des jouets donnés à la saleté… Aussi le golem ne se limite-t-il en rien à une infâme structure de chair combattant le flot de la glace, mais elle est érigée en son sein même, y parsemant sa pourriture sans gêne aucune !  »

Encore quelques pas en arrière, et je me retournais, me retrouvant de dos à l’auditoire. Ma main droite passa dans mes cheveux pour les ramener vers l’arrière, certainement dans un geste traduisant le même ressenti que celui se dévoilant lorsque l’on prenait une large bouchée violente au sein d’une gaufre croustillante…

« Regardez, regardez Thalès ! Le glace fond, elle fond sous les coups de la bête ; vous comprenez, n’est-ce pas ? Le gourmet ne cherche pas à éliminer la saleté que nous sommes, la saleté qu’ils sont, il ne cherche en rien à dévorer cette glace, et j’en suis la preuve vivante ! La glace nous dévore, vous et moi, mais eux, eux ! Ils y insufflent le poison, ce goinfre, ce golem ! »

Mon ventre gargouillait, et encore une fois, je tournais sur moi même pour me retrouver de nouveau face à Thalès. Ma mâchoire se trouvait serrée de mes déductions évidentes. Ce goinfre… Ce goinfre jouait avec la nourriture.

« Vous comprenez ? Nous devons agir de suite, avant que la glace ne soit emplie de moisissure, et qu’elle ne s’étende à nos fruits par leur propre maladresse, nous devons leur faire goûter ce poison qui est le leur… »


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Jeu 20 Oct - 22:37

Mon frère, c'est drôle…

Il était pétrifié. Glacé par les mots de l'homme qui se fracassaient à l'intérieur de son cerveau. Brisaient le miroir. Crevaient l'illusion par morceaux.

Je connais quelqu'un. Tout en lui respire la mauvaise fréquentation. Il fait de grands gestes et bouge dès qu'il parle. Tu en dirais au moins qu'il est burlesque, sinon qu'il est malsain, surtout lorsqu'il déploie l'un de ses bras qui est en fait une aile noire.

Alors que cette étreinte factice l'avait apaisé, voilà que la respiration reprenait de l'allure, s'excitant dans tous les sens, agitant les veines et le teintant le regard d'adrénaline. Il avait peur. Il crevait de fuir ou de se battre. Les mots l'assommaient, le déchiraient, l'étranglaient au point qu'il sente sa propre gorge s'étouffer encore plus. Il n'arrivait pas à se lever. Le sol était… glissant. Ses mains aussi, tremblant comme des chatons dans la neige, tenant à peine à leur poignet qui lui même ne tenait plus à son bras qui lui même se détachait se fissurait s'ouvrait se brisait se décomposait en morceaux---

Ses discours tournent autour de quelques éléments dont il ne démord jamais. Les gaufres, le sucre, la glace, le poison, la saleté, le golem, le gourmet… Au début, tu vas me rire au nez, je cherchais un sens exact à ce qu'il disait. Je cherchais à relier les mots, la logique, la symbolique, le sens. Je voulais voir des paroles sensées qui me diraient où aller pour te retrouver sans que le pire n'arrive.

Il ne pouvait pas. Il ne savait pas qui était ce type en face de lui. S'il était l'illusion dans la réalité ou la réalité dans l'illusion. Ce qu'il voyait, ce qu'il entendait, rien de tout ça ne concordait… Rien de tout ça ne…

Il devait agir.
Se relevant, il se précipita sur l'homme aux cheveux roux et l'agrippa par le col, avec une force soudaine. Plus de tendresse, plus de douceur, plus d'amitié, plus rien de familier ne transparaissait dans cette poigne glaciale, mue par une force dont il se croyait dépourvu.

Maintenant, ce qui est encore plus drôle, c'est que toi, mon frère… J'entends ta voix, je reconnais ton visage, je sais que tu es en face de moi, je sens ta présence… Je sais que tu es là, mon frère, et pourtant c'est ce type que j'entends. J'ai l'impression qu'il est là, dans ta gorge, dans ton regard, qu'il te parasite.

Il le regarda droit dans les yeux. Comment n'avait-il pas pu voir à quel point ces pupilles avaient quelque chose de différent ? Comment s'était-il laissé aveugler…
« Tu n'es… pas lui… »

Il n'avait pas de certitude à ce sujet. Pas de preuve à fournir pour soutenir son affirmation… Mais dans le cas où elle était fausse, il aurait de toute façon voulu se persuader du contraire. Il voulait croire que c'était juste un sosie. Un type qui lui ressemblait affreusement, et avec lequel il l'avait confondu.

« Pour l'instant.. Le seul poison que je vois est... en face de moi.. »

Plus de délicatesse.
Plus de médecine.
Plus de rien.
Sans s'en rendre compte, il avait commencé à étrangler son faux frère, les ongles plantés dans sa chaire. Agir tout de suite..

J'ai peur.

« Mais en parlant de fruit.. Tu n'as pas touché au mien, n'est-ce pas ? martela-t-il, alors qu'il continuait à s'acharner. Dis-moi... sans métaphore comment et où tu as eu ce corps… »

C'est ce type que j'entends mais c'est vraiment toi que je vois.
Toi à qui je fais du mal…



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Jeu 3 Nov - 23:51
Mes lèvres durent se taire et ma mâchoire se crisper… Un silence de ma part fut porté face à la surprise, cette succulente surprise qui se trouvait être aussi brutale et soudaine que la cassure croustillante d’un biscuit au beurre soumis à la force indéniable des doigts de l’affamé… Une surprise excellente, préparée avec passion ! Elle était de celles qui rappelaient de vieux souvenirs, des souvenirs d’une autre vie, qu’elle fut la première, la seconde… Ou la troisième ?

Je ressentais cette poigne, encore, bien que différente… Mais la faute n’en était pas à l’empreinte ! L’affamé venait juste de plonger ses ongles dans un beurre nouveau, et n’y avait-il là rien de plus normal, lorsque le précédent était épuisé ? Mais alors me venait une question… Le beurre ressentait-il la douleur ? J’en venais à envier le beurre salé, qui avait en lui ce qu’il lui fallait pour cautériser ses blessures d’une traite… Un procédé des mieux pensés, et une preuve encore que certain beurres ne manquaient pas d’ingéniosité !

Cependant…

Lui qui criait la faim, lui qui plongeait encore, je venais à me demander… Se questionnait-il sur l’intellect du beurre ? Lui qui enfonçait les doigts dans la pâte qu’il nommait poison, aveuglé par ce qui ne tenait plus d’un bête gargouillement d’estomac…

Certainement mon visage ne le laissait-il pas transparaître au mieux sous l’effet d’une douleur inhabituelle, mais… ses mots, quelles fabuleuses paroles ! Elles n’avaient point changé : mon ventre se délectait toujours autant de l’amusement provoqué ! Face aux miennes, les siennes ne se ternissaient point, dévoilant sans cesse un abîme noirâtre tapissé de mûres que je ne pouvais que désirer engloutir…

Les engloutir…

Une chose que je faisais sans cesse, m’en barbouillant le palais dans un plaisir étrange.



Cela étant, malgré toute la réjouissance que pouvait apporter quelques phrases, je ne devais pas non plus oublier que… Je me faisais étrangler.

Si c’était une situation de danger ?

… Oui.

J’entrepris alors d’enrouler mes doigts autour de ses poignets, les tirant vers l’extérieur pour réduire du mieux que je le pouvais la pression qui s’exerçait sur ma gorge, reprendre ma respiration, un tant soit peu…

Appuyé par le souvenir d’une scène passée, mon visage affichait un sourire amusé, se crispant quelque peu sous l’effort mis en place aussi bien pour respirer que résister. Puis ma voix se força à répondre, la pression me rendant la parole difficile.

« Sans… Métaphore… ? … Pour parler en vos mots… »

Reformuler le poison.

« Cela arrive… sans faire la différence… Alors vous en savez autant que moi. »

Et suite à cela, contrairement à ma présentation précédente, je cessais de m’exprimer de suite, ne laissant place qu’à cette courte phrase alors qu’il venait cette fois-ci de me demander de nombreuses justifications. Mais qu’y pouvais-je ? Une dizaine d’ongles enfoncés dans la chair se voulaient fort peu pratique pour déblatérer, et, pour cette fois, l’intégralité de mon discours ne devait tenir qu’à ces simples mots.

Mes pupilles ne quittaient pas les siennes… Mes mains ne lâchèrent pas ses poignets si peu qu’ils ne s’éloignèrent de mon cou… Et encore, je souriais.



Cependant…



Ah, quelle importance... Seule la faim l’emportait !

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Jeu 10 Nov - 0:42
Je voudrais que ce cauchemar s'arrête.

Face à la résistance évidente de son pauvre patient dont il allait soigner la gorge, Thalès eut d'abord une sorte de panique qui le poussa à appuyer encore plus fort. Puis, soudainement, un retour-arrière qui le poussa à faire le contraire, et de la relâcher drastiquement face à l'insistance des doigts enroulés autour de son poignet.

Tu me souris, mais je n'arrive pas à savoir si c'est lui qui se moque ou toi qui tente de m'attendrir. Parce que je ne vois plus qu'un rictus déformé.

L'imposteur parlait. Il en citait un autre - il le citait lui-même. N'avait-il pas assez que de voler un corps ? Pourquoi se gaussait-il, cet enfoiré ? Pensait-il échapper ainsi au sort ? Il allait déchirer les deux ailes de ce malheureux canard. Puis... lui…. clouer le bec à jamais.... Puis le…. débarrasser…. de ses plumes…. Puis de... ses…. pattes. Puis un à un…. tous les organes…. ôtés par les griffes... privés de... leur demeure…

Dévorés ? Son regard brûlant comme celui du gourmand en manque, il jaugeait les deux noisettes qui servaient d'iris à ce faux frère.

Ce sont les mêmes. Eux aussi. Je réalise à quel point cela fait longtemps que je ne t'ai pas vu, et c'est comme si je te retrouvais après des années. Pourquoi fallait-il… que ce soit ainsi ?

Finalement, vaincu par ce duel d'esprit, vaincu par les mots qui sonnaient à la fois comme une insulte et une cruelle vérité, il lâcha brutalement son interlocuteur, le poussant en arrière.


Pour lui intimer de fuir ?
Non. Cette "chose" ne fuyait pas.
N'était-elle pas au contraire déterminée à rester, fut-ce au risque de sa propre vie ?
Et lui, fuirait-il une fois de plus l'acte qu'il avait failli commettre ? Fuirait-il le passé qui le regardait en souriant ? Fuirait-il la folie auquel il était de toute façon éternellement lié ?


« Tout va de travers.. » répéta-t-il en marmonnant, jaugeant à nouveau le dilemne qui s'offrait à lui.


Il s'approcha de celui qu'il avait jeté, partagé entre la rage et l'indifférence la plus totale. Il aurait tout aussi bien pu se jeter à nouveau sur lui. Le broyer. L'achever. Mais quelque chose le retenait, ou plutôt le soustrayait au devoir.


« Je ne peux y remédier… mais je dois... m'assurer d'une. Chose. » ajouta-t-il, toujours pour lui-même.


Une chose qui comptait plus que tout golem, toute histoire de corps usurpé… Que toute incohérence grotesque dans ce monde.
La cyance lui soufflait alors au creux de l'oreille, et Thalès se mordit légèrement la lèvre avant d'ajouter, cette fois à l'intention du bouffon en face de lui :


« Nos plans vont devoir… Changer… quelque peu… Il faut qu'on retrouve le type qui te ressemble.. Au. Plus. Vite. (il martelait ses mots comme pour s'assurer que l'autre n'en louperait aucun) Et tout ira bien si lui va bien… »


Le mangeur pense encore toujours à son fruit originel, celui qui a plus de goût que tous les autres et l'aura poussé à fuir le paradis. Ce fruit, c'est le frère qu'on ne veut pas tuer, c'est les souvenirs que l'on ne veut pas (totalement) oublier. C'est l'humanité que l'on ne veut pas (entièrement) perdre. C'est le coeur. C'est l'anima. À la fois espoir et désespoir, qui défilent, qui se succèdent, qui se complètent et s'affrontent. La raison du conflit et l'étendard de la paix.


« Sinon… il y aura. Un. Magret. Parmi. Nous… »


Ainsi qu'une personne pour succomber définitivement à sa tentation…
Il ponctua sa tirage d'un long et délicieux sourire.


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Mer 23 Nov - 22:20

Plus d’entrave, fin des caresses, strangulation achevée… Ayant réalisé quelques brefs pas en arrière pour me tenir hors de la portée d’un agresseur potentiel, je remarquais l’étrange absence de ce corps couleur de mûre qui aurait dû se tenir là, à mes pieds. Main pressée contre la gorge, quelques raclements de celle-ci s’enchaînant suite à des évènements récents, je compris par des mots, malheureusement… Que quelques grumeaux de raison s’étaient perdus dans une gaufre à la pate prometteuse…

Des paroles sûres. Des syllabes appuyées. Une fraise.

Une fraise…

J’en mourrais d’envie ! Mais…



Je perdis mon sourire.

Encore à l’écoute des dernières syllabes de mon interlocuteur, mon corps sembla s’animer d’infimes spasmes, tels des frissons ; était-ce là une réaction aux termes de mon voisin de table, à une quelconque menace prononcée de ses lèvres ? Non… Une réalisation… Une réalisation futile, mais de plus en plus pénible à oublier…

Je toussotais une dernière fois, comme pour extraire un dernier raclement, un râle, couvrant mes lèvres de mon poignet teinté d’une cerise presque gélifiée.

Et une fois redressé, j’arborais de nouveau ce rictus digne des canards.

Des termes ? Un changement ?

Qui donc pouvait ne pas s’amuser des surprises d’un repas empli d’imprévu ?

Personne !



Et pourtant… Ce buffet ne m’amusait soudainement plus.

Par ces mots, les plats devinrent fades, le poivre raisonné…

Et enfin, les mûres s’armèrent d’un rouge éclatant.



Tout va de travers.



Et là se trouvait toute la raison de ce sourire !

Ces paroles imbuvables n’étaient point la fin d’un dîner aux saveurs éclatantes, elles n’étaient en rien le rassasiement du goûteur à l’estomac d’oiseau qui venait de se repaître de sa ridicule dose de sucre, loin de là !

Elles étaient tout ce qui devait être su, elles formaient une formule parfaite, la recette d’un plat tout autre que celui que nous nous tendions l’un l’autre depuis si longtemps… Un plat que je me devais de mener à bien, pour qu’il vienne ensuite à mes lèvres…

Sera-t-il accompagné d’un succulent coulis de mûres assombries, ou bien sera-t-il orné d’une cerise au rouge reluisant ?

Ah ! Qui donc pouvait ne pas s’amuser des surprises d’un repas empli d’imprévu ?

Personne !

Alors, des plus enjoués, je pris la parole, répondant à ces nouvelles propositions forcées dans un sourire :

« Si nos plans doivent ainsi changer, j’ai peur que nous ne puissions encore nous asseoir côte à côte dans notre dégustation… »

J’entrepris quelques pas en arrière.

« Pour tout vous dire, il semblerait que nos faims ne puissent plus se repaître du même plat... Une chose attristante… Mais que peut-on reprocher au choix si singulier des désirs, venant d’un estomac gargouillant ? »

Je déployais la main dans un geste amusé.

« Au moins nos papilles goûteront-elles des mets aux saveurs différentes ! Et peut-être pourrons-nous, un jour… en partager l’expérience ? »

J’ai faim…

Et finalement, je me retournai, me mettant à courir sans attendre la moindre réponse, porté par l’excitation qu’amène l’expérimentation d’un plat nouveau.

Un plat...

Excentrique.



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Lun 19 Déc - 0:21
Faut-il se réjouir ?
Faut-il croire que le mangeur, pourtant prêt à passer à table, a su au dernier moment renier la Faim et tous ses mets, ne trahissant ainsi pas ses engagements ? Faut-il penser qu'il a laissé la pomme sur l'arbre ?


Non. C'est la Faim, dont la fourchette est plus que jamais entre les mains de Thalès, qui vient elle-même de changer la danse. Elle et lui, d'un côté et de l'autre de la table où trône le délicieux magret, mais aussi bien d'autres gâteries encore, entendent tous deux les variations du tempo. Et puisque la musique est son, puisque les sons sont odeurs, puisque l'odeur est goût, puisque la Faim s'empare de tous les sens à la fois pour ôter le sens lui-même, c'est comme si le magret lui aussi changeait. Ainsi donc, le futur mangeur n'échappe à rien, et c'est la Faim, maîtresse des lieux, qui se lève pour monter le volume, tout comme c'est la pomme qui s'esquive à la main.

Les places sont inversées, et c'est ainsi que Thalès vit fuir celui qui avait l'apparence de son propre frère. Pendant quelques secondes, il eut ce mouvement de réflexe, tout aussi naïf qu'instinctif ; celui de s'avancer pour lui courir après. Rattraper son jumeau, rester quelques minutes de plus avec ce visage qu'il n'avait pas vu depuis si longtemps et qui lui manquait terriblement. Ces gestes-ci traduisaient un cruel désir ; celui de continuer l'étreinte, quand bien même elle était fausse. Celui de rester ensemble à partir de maintenant.

Passé le vertige, l'hésitation, le temps d'habituer son oreille, l'ex-médecin à la peau blafarde se ressaisit. Il n'avait cure de ce que qu'un canard toqué pouvait bien baragouiner. Ce type reviendrait. Ou bien Thalès le retrouverait, quelle qu'en soit la raison. Quitte à le chercher indéfiniment, couteau en main paré à répandre son coulis.

Il fit quelques pas en rond, sans se décider à prendre la même direction que son faux frère, mais le véritable tournis se tenait bel et bien dans sa tête. Sentiments, sensations, fragments de logique, souvenir, projets et même désirs l'assommaient. De nouveau. Un mélange dégoûtant, paré d'autant de folie et de bordel que ce monde si détestable.

Pourtant...

Il se laissa aller contre un mur, puis glissa jusqu'au sol. Ses mains un peu tremblantes s'enfoncèrent dans son sac, duquel elles tirèrent ses doux précieux. Une fiole, d'abord, qu'il fit tourner entre ses doigts, avant d'en répandre délicatement le contenu sur le sol. Puis une autre. Tout du moins, c'était ce qu'il aurait voulu faire, la scène de rédemption que son esprit idéalisait. Celle où il se purifiait du sucre par un geste symbolique.
La plus triste vérité était qu'il avait laissé son regard planté dedans, sans se lasser de voir tous les liquides en sa possession.

Dans ce banquet de la Faim, il ne peut même pas se débarrasser du vin qui coule dans son verre. Pire, il lui porte un toast, bras levé vers la pomme qui se balance comme un pendule.

Oh, pas de plus grande certitude que celles de leurs retrouvailles.
Pas de plus grand plat que celui qu'ils allaient partager..


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