ÉPREUVE 4 - TERRAE ET ESQUISSE
Piu[Te]
Invité
Dim 24 Mar - 22:21
Salut moi c’est Ipiu Raspberry, néo-master tonnerre solaire sur Terrae, si vous comprenez pas j’vous invite à v’nir lire le contexte. #placementdeproduit. Je suis para, parallèle, parachutiste, paraplégique, paradoxale. T’as pas besoin d’en savoir plus pour lire mon texte. Bisous.
***
Je me sens actuellement comme une licorne qui vient de pondre un œuf. Mitigée entre la surprise et l’incrédulité. Pourtant c’est rare que je ressente ce genre de sentiment, je vis à Terrae après tout.
Quand les eaux morphes transforment leur couloir en soirée mousse et se transforment en phoque pour voir qui glissera le plus loin ou se pavanent dans tout l’institut transformés en licorne j’hausse à peine un sourcil. Quand les terres télépathes s’amusent à faire croire aux novices qu’ils ont changé de couleur pendant la nuit, ça ne me tire qu’un demi sourire. Quand Ys propose de tazer les initiés tonnerre pour les aider à maîtriser leurs nouveaux pouvoirs ça ne me choque même plus… Et ne parlons pas de voir des airs voler d’une fenêtre à l’autre pour distribuer le courrier… Je crois que j’ai atteint un niveau de tolérance à l’absurdité plutôt élevé…
Seulement actuellement j’me sens conne, j’viens d’ouvrir ma boite aux lettres et d’y trouver un Desert Eagle Mk XIX de quatre-vingt-dix-neuf. Alors ouai effectivement, cela peut sembler banal comparé à ce qu’il se passe entre nos murs habituellement… Mais c’est justement ça qui est incroyable : personne n’a besoin d’armes à feu ici. PER-SON-NE. Si j’veux dézinguer quelqu’un j’fais monter les volts, et je ne parle pas de musique. Alors qu’on dépose un flingue dans ma boite-aux-lettres c’est clairement du foutage de gueule.
Le truc le plus chelou c’est qu’il y a une petite notice d’utilisation à côté de l’arme : pour faire disparaître tous vos problèmes. Un ami qui vous veut du bien. Non mais sérieux il doute de rien. DE RIEN. Je soupèse la machine à tuer, peu désireuse de le ramener chez moi. Mouai. Bon. J’ai toujours pas oublié comment tenir une arme… Et ouai elle est chargée. Si je choppe le con qui a mis ça là il entendra parler du pays… Et j’dis pas seulement ça parce que je suis master.
Un crissement dans le jardin me fait tourner la tête me demandant lequel des chat d’Erik vient de se ramasser… Ok. C’est pas un chat. C’est clairement pas un chat. C’est un nez d’un mètre de haut sur tentacules. J’ai le réflexe mettre en joue et de tirer. Un « paf » se fait entendre mais rien ne se passe. Je reprends contenance et rage à voix haute :
« Si je choppe le connard de télépathe qui a fait ça j’le démonte. »
Clair net concis. Certains ont vraiment trop d’imagination, cette fois-ci je ne prends même pas la peine de dégainer, me contentant de soupirer, il m’a surprise une fois pas deux. Je détourne mon regard du gros pif prenant la direction de la maison, il se rapproche et brusquement je sens le contact gluant d’un tentacule sur ma main. Ni une ni deux cette dernière transmet une grande quantité de courant électrique. Le nez tombe à la renverse. J’crois qu’il ne respire plus.
Alors. Comment dire ? C’est chelou, juste chelou. Les illusions des terres ne sont pas tactiles. Je jette un regard au corps étendu sur le sol… Inquiète soudainement qu’il ne s’agisse du corps de Tiffa… Je me penche par-dessus l’accoudoir de mon fauteuil pour toucher l’appendice facial qui repose sur le sol. Si je ne peux me fier à ma vue, mes mains ne me mentiront pas. Non. C’est bien un nez. Ok. Non. Mais tout est normal. Comment j’vais expliquer ça à Hideko moi ?
Oh. J’viens d’avoir une idée. Je pointe l’arme sur le corps du mort-nez et je tire. Il disparaît. BIEN. Je viens de comprendre comment ça marche. Je crois. Ou pas. Ce flingue sert littéralement à faire disparaitre mes problèmes. Utile. Il me semble que la machine à laver a rendu l’âme tout à l’heure. Même plus la peine de demander à Nathou de venir aider Erik pour l’amener à la casse. Un petit tir de pistolet et l’engin disparaît… Seulement il faut que je comprenne pourquoi cela n’a pas fonctionné tout à l’heure.
Je rentre et remarque avec curiosité que mon geek de coloc a ramené un nouvel artéfact pour décorer l’étagère du salon. Si je ne me plante pas, c’est un cube de voyage de Portal ? Je n’y ai joué qu’une fois, à part Mario Kart j’ai du mal avec les jeux-vidéos. Bref, revenons à nos moutons. Je me dirige vers la poubelle et tire sur un déchet au hasard qui disparaît dans la seconde. Je retente l’aventure avec un pot de yaourt qui disparaît aussi. Des chiffons poussiéreux ? ça disparait. Un bol fissuré ? ça disparait. Un serpent aux écailles clignotantes comme une boule à facette ? ça ne disparait pas. OH WAIT. Le serpent se love bien tranquillement contre le radiateur. Tout est normal. TOUT EST NORMAL. C’est moi ou je viens de l’entendre ronronner ? AH.
« NON. AELIS NE TOUCHE P… Bon ok. »
La chate de mon coloc vient de décapiter le serpent. Il nettoiera, c’est son chat. Quand elle ramène des souris mortes c’est SON problème, même si à chaque fois j’avoue que j’fais une prière pour que ce ne soit pas un morphe. Bon, je crois que j’ai compris, quand c’est un truc qui n’a rien à foutre là je ne peux pas le faire disparaître… En tous les cas j’peux faire disparaître le sac poubelle quasi plein. Erik ne pourra plus dire que je profite de mon handicap pour ne pas faire mes corvées.
Une voix inconnue s’élève dans le salon. Le cube de tout à l’heure est en train de discourir sur le sens de la vie en anglais victorien. L’absurde ne m’atteint pas. L’absurde ne m’atteint pas. Je le vise, et il ne disparaît pas. Okay. Bon. On va avoir un souci et j’dis pas ça parce qu’il est hors de ma portée et qu’il refuse de s’arrêter quand je lui demande. Okay. Erik s’en chargera aussi. Là de suite j’ai juste la flemme de m’en occuper. J’en étais où de mes tests ?
Jusqu’à présent qu’est-ce qui a disparu ? Les choses communes, qu’est-ce qui n’a pas disparu ? Les choses absurdes. Sauf le nez… Mais le nez une fois mort j’ai pu le faire disparaître, sauf qu’une fois mort il était moins absurde, étrange nez de jardin décoratif. Donc j’en déduis logiquement que cette banane va disparaître ! Non ? Et cette chaise ? Non. Et ce coussin ? Non. Mais what ? Je l’ai cassé ? Attends, cette arme… Elle a bien onze balles dans le barillet pourtant ! Le gros nez. Deux balles. La machine à laver. Une balle. Le déchet, le pot de yaourt, le chiffon, le bol, le sac poubelle. Cinq balles. Le serpent disco et le cube qui parle. Deux balles. Donc je n’ai utilisé que neuf balles…
NON MAIS ATTENDS ! Le pistolet a pu être utilisé avant que je ne le récupère… OMG. Faut que je retrouve le connard qui m’a gâché deux balles… Comment ça j’en ai gâché neuf ? Je vois pas de quoi vous parlez, c’est faux. C’est pas moi, j’ai un alibi : j’étais au cinéma.
Petit pimousse au rapport !
Personnages : Crevette, Rosalina Ngwenya, Amundsen, Agate Withcroft-Molina, Langouste, Crevette des Câbles
Messages : 1052
Date d'inscription : 07/01/2019
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Stilgar
Lun 25 Mar - 21:21
- Salut salut ! :
- Je reviens avec Rosalina. Pour ceux qui ne l’ont pas déjà vu dans l’autre épreuve libre avec Lombard, Rosalina Ngwenya est une trafiquante d’arme ultra-riche mozambicaine cosmopolite et qui déteste l’Esquisse. Bonne lecture, et encore merci, Ipiu, de m’avoir permis de participer à cette épreuve, que pour des raisons qui n’auront échappé à PERSONNE, j’avais très envie de faire. D’autant plus que ta participation est d’un niveau qualitatif rare, c’est chaud de passer après.
Au loin, il pleuvait des hallebardes. Expression à prendre très littéralement, dans l’Esquisse. Rosalina contemplait la météo insensée de ce monde, qu’elle détestait plus que tout. Elle avait rejoint – bien malgré elle – un groupe de survivants affairés à fouiller un bâtiment abandonné, mais elle-même s’était portée pâle à ces activités idiotes, préférant rester à l’extérieur, extérieur qui restait moins agressif pour l’esprit que toutes les absurdités illogiques qu’on trouvait à l’intérieur, les pires étant peut-être les comportements des autres survivants. Ce genre de sentiment était courant. Après tout, au fond d’elle, Rosalina n’acceptait pas du tout cette nouvelle réalité, elle n’était en rien une Dessinatrice comme on disait. Elle restait bien de la Terre.
« Hé, mais, je vous connais, vous…
– Plaît-il ? »
Alors qu’elle s’était assise dans le sable, sur sa mallette, un étrange personnage, dans un costume trois-pièce impeccable, accompagné d’un autre dans des vêtements similaires, se tenaient là, droits, à la fixer.
« Madame Rosalina Ngwenya ?
– C’est mademoiselle… et vous êtes en tongs. »
Il était vrai. Des tongs très laides, en plastiques fluorescents à couleurs vives, n’allant pas du tout ensemble.
« Oui, il est vrai. Mon compagnon et moi-même sommes arrivés ainsi vêtus. Nous ne les portions pas… il y a cinq secondes. Sur Terre. Dans notre voiture. »
Ladite voiture semblait s’être fusionnée avec un arbre. Rosalina comprit de quoi il en retournait. On lui avait expliqué le principe des arrivées dans l’Esquisse, qui impliquaient parfois des transformations plus ou moins importantes. Ces deux quidams devaient être arrivés en voiture, voiture qui était apparue dans un arbre, et les chaussures des occupants avaient été transmutées. Rosalina avait mal à la tête rien que d’y penser.
« Et donc, vous disiez que vous me connaissiez.
– Oui, tout à fait. J’ai dû enquêter sur votre dossier, votre coopération avec des milices terroristes ennemies des États-Unis, et vos très nombreuses fraudes fiscales sur le territoire américain.
– Ce qui est ma spécialité. Mon confrère et moi-même étions d’ailleurs en train d’enquêter sur un trafiquant d’armes particulièrement irrégulier, et voilà qu’un livreur de pizza nous tire deux balles dessus en pleine rue. »
Était-ce possible. La Terre venait de lui envoyer ses deux pires ennemis : un membre de la CIA et un agent du fisc. Cette pensée activa un réflexe, un mouvement de défense purement instinctif : elle envoya un violent coup de mallette dans la bouche du second. Le premier sortit son arme de fonction, et força par quelques tirs Rosalina à fuir dans la forêt.
« C’est pas possible. C’est pas possible. Je déteste cet univers. Je déteste cet univers. Je déteste cet univers. Et même là, ils continuent de m’emmerder, oh misère. »
Mais alors qu’elle geignait, en proie à la panique, planquée derrière un arbre, qui était en fait un grand doigt levé bien haut dans le ciel, Rosalina sentit un contact visqueux sur sa jambe. Une tentacule. Et avec au bout, un nez. Un très gros nez. Elle manqua de hurler, mais l’autre Américain énervé n’était pas loin. Il lui fallait une arme, et très vite. C’était là une réflexion qu’elle se faisait depuis un certain temps, en vrai professionnelle : dans ce monde, on a mortellement besoin de flingues.
Heureusement pour elle, l’Esquisse pouvait causer autant de solutions que de problèmes. Il se trouva qu’un fusil lui tomba dessus.
« Aïe ! Un Mosin-Nagant ? D’un goût intéressant. Bon, mais j’aurais préféré quelque chose d’un peu moins rustique. »
Cette arme soviétique comportait cinq balles dans sa chambre. Elle utilisa la première sur l’horrible pseudopode qui commençait à se montrer insistant. Il disparut avec un petit « pouf » étouffé.
« Une arme létale peu importe où on touche… Ah, si seulement c’était vrai. »
Sa prochaine munition était adressée à son ennemi. Ce n’était pas le genre de Rosalina que de se salir les mains, mais dans cette situation, il fallait bien passer outre sa préciosité. Heureusement qu’en tant que grande collectionneuse d’armes à feu, elle savait manier ce fusil légendaire à la perfection.
La balle toucha l’agent de la CIA, mais sans rien faire. Oh, par pitié. Il n’était mortellement efficace qu’une fois sur deux ?
« La prochaine fois, n’utilise pas un pistolet d’airsoft, sale n — »
Les cailloux, ça fonctionne aussi très bien. On attend que son adversaire rendu idiot par la colère s’agite partout et trébuche, on en choisit un bien gros – et si possible un qui n’a pas de bouche et qui ne récite pas des vers – et on lance très fort.
« Enfin tranqui – »
Réplique interrompue pour cause de chute de cadavre de nez à tentacules inopinée Ils disparaissaient, mourraient, revenaient, donc. Il serait bien qu’ils évitent de revenir sur son crâne, Rosalina y avait déjà bien assez mal comme cela.
Sortie de la forêt, revenue aux abords du laboratoire, son arme en bandoulière, Rosalina put enfin souffler un coup, et récupérer sa mallette cabossée, traînant aux côtés de l’agent du fisc en tong assommé.
« Comment je vais expliquer ça aux autres, moi… »
Une machine à laver apparut et tomba sur le crâne dudit agent, le broyant avec un craquement atroce. Sous le choc de ’impact, Rosalina tomba en arrière, et un coup partit, en direction de l’entrée du bâtiment, où un des autres survivants, un binoclard roux, qui tenait un cube parlant, venait de sortir, sans doute attiré par les coups de feu et les cris. La balle toucha ce dernier, qui disparut.
« Oh, désolée ! Tu n’as rien ?
– Mon état de santé reste optimal, mais je me demande dans quelle dimension parallèle a été transposé mon cubique compagnon…
– Cubique compagnon ?
– Il était doué de la faculté de parler. »
On ne s’en étonnerait presque plus. Les paroles du jeune homme firent réfléchir Rosalina. Était-ce possible que l’arme qu’elle tenait pût faire voyager des objets dans les dimensions ? Ces deux hommes venaient de la Terre. Ils disaient s’être fait tirer dessus, avant d’arriver ici ? Il y aurait donc un Terrien équipé d’une arme comparable qui l’utiliserait ?
L’apparition soudaine de déchets divers – un emballage, un pot de yaourt, un chiffon sale, un bol fissuré – confirma sa supposition. Il y avait quelqu’un, sur Terre, qui faisait joujou avec cette arme surpuissante, et s’en servait pour faire son ménage, semblait-il. Et elle devait avoir renvoyé le nez, sans doute un peu agacée de recevoir un aussi atroce visiteur. Cela signifiait quelque chose de simple : elle avait là un moyen de revenir à la maison.
Rosalina prit une longue inspiration, et contempla le paysage, une ultime fois, espérait-elle. Sous peu, elle serait de retour en 2012, quelque part aux États-Unis. Comme pour essayer de la retenir, ce monde lui envoya un serpent lumineux multicolore, qui s’approcha avec un air menaçant. Une balle l’envoya ailleurs. La réponse de celui qui était de l’autre côté ne tarda pas, en la présence d’un sac poubelle.
« J’apprécie déjà sa conversation. »
Rosalina plaça sa main sur le canon. Elle se préparait à appuyer, quand elle aperçut le pot de yaourt. Il lui semblait familier, mais aussi, étrangement discordant, avec ce qu’elle se souvenait des yaourts d’Amérique du nord. Cette marque lui était inconnue.
Énorme doute. Rosalina attrapa le sac de déchets, et fouilla ce qu’il contenait. Des prospectus politiques, des emballages, des tickets de caisse, diverses choses. Elle ne reconnaissait rien. Était-ce possible ? Ses jambes lâchèrent, alors qu’elle tenait un journal, daté de 2019, à propos d’événements n’ayant aucun sens pour elle. Le papier imprimé essuya ses larmes. Lui montrer un espoir de retour, pour le condamner aussitôt. Cette Terre n’était pas la sienne, mais une autre, une parallèle, qui partageait des points communs, mais avec de subtiles différences. Peut-être existait-il une Rosalina Ngwenya dans ce monde, ou peut-être pas. Et si elle se tirait dessus, le voyage serait un aller simple, aucune chance de retourner dans l’Esquisse, et de retenter de voyager entre les univers. Le précédent à avoir testé, le nez, était mort.
« Je reste donc prisonnière, il semblerait. »
« Hé, mais, je vous connais, vous…
– Plaît-il ? »
Alors qu’elle s’était assise dans le sable, sur sa mallette, un étrange personnage, dans un costume trois-pièce impeccable, accompagné d’un autre dans des vêtements similaires, se tenaient là, droits, à la fixer.
« Madame Rosalina Ngwenya ?
– C’est mademoiselle… et vous êtes en tongs. »
Il était vrai. Des tongs très laides, en plastiques fluorescents à couleurs vives, n’allant pas du tout ensemble.
« Oui, il est vrai. Mon compagnon et moi-même sommes arrivés ainsi vêtus. Nous ne les portions pas… il y a cinq secondes. Sur Terre. Dans notre voiture. »
Ladite voiture semblait s’être fusionnée avec un arbre. Rosalina comprit de quoi il en retournait. On lui avait expliqué le principe des arrivées dans l’Esquisse, qui impliquaient parfois des transformations plus ou moins importantes. Ces deux quidams devaient être arrivés en voiture, voiture qui était apparue dans un arbre, et les chaussures des occupants avaient été transmutées. Rosalina avait mal à la tête rien que d’y penser.
« Et donc, vous disiez que vous me connaissiez.
– Oui, tout à fait. J’ai dû enquêter sur votre dossier, votre coopération avec des milices terroristes ennemies des États-Unis, et vos très nombreuses fraudes fiscales sur le territoire américain.
– Ce qui est ma spécialité. Mon confrère et moi-même étions d’ailleurs en train d’enquêter sur un trafiquant d’armes particulièrement irrégulier, et voilà qu’un livreur de pizza nous tire deux balles dessus en pleine rue. »
Était-ce possible. La Terre venait de lui envoyer ses deux pires ennemis : un membre de la CIA et un agent du fisc. Cette pensée activa un réflexe, un mouvement de défense purement instinctif : elle envoya un violent coup de mallette dans la bouche du second. Le premier sortit son arme de fonction, et força par quelques tirs Rosalina à fuir dans la forêt.
« C’est pas possible. C’est pas possible. Je déteste cet univers. Je déteste cet univers. Je déteste cet univers. Et même là, ils continuent de m’emmerder, oh misère. »
Mais alors qu’elle geignait, en proie à la panique, planquée derrière un arbre, qui était en fait un grand doigt levé bien haut dans le ciel, Rosalina sentit un contact visqueux sur sa jambe. Une tentacule. Et avec au bout, un nez. Un très gros nez. Elle manqua de hurler, mais l’autre Américain énervé n’était pas loin. Il lui fallait une arme, et très vite. C’était là une réflexion qu’elle se faisait depuis un certain temps, en vrai professionnelle : dans ce monde, on a mortellement besoin de flingues.
Heureusement pour elle, l’Esquisse pouvait causer autant de solutions que de problèmes. Il se trouva qu’un fusil lui tomba dessus.
« Aïe ! Un Mosin-Nagant ? D’un goût intéressant. Bon, mais j’aurais préféré quelque chose d’un peu moins rustique. »
Cette arme soviétique comportait cinq balles dans sa chambre. Elle utilisa la première sur l’horrible pseudopode qui commençait à se montrer insistant. Il disparut avec un petit « pouf » étouffé.
« Une arme létale peu importe où on touche… Ah, si seulement c’était vrai. »
Sa prochaine munition était adressée à son ennemi. Ce n’était pas le genre de Rosalina que de se salir les mains, mais dans cette situation, il fallait bien passer outre sa préciosité. Heureusement qu’en tant que grande collectionneuse d’armes à feu, elle savait manier ce fusil légendaire à la perfection.
La balle toucha l’agent de la CIA, mais sans rien faire. Oh, par pitié. Il n’était mortellement efficace qu’une fois sur deux ?
« La prochaine fois, n’utilise pas un pistolet d’airsoft, sale n — »
Les cailloux, ça fonctionne aussi très bien. On attend que son adversaire rendu idiot par la colère s’agite partout et trébuche, on en choisit un bien gros – et si possible un qui n’a pas de bouche et qui ne récite pas des vers – et on lance très fort.
« Enfin tranqui – »
Réplique interrompue pour cause de chute de cadavre de nez à tentacules inopinée Ils disparaissaient, mourraient, revenaient, donc. Il serait bien qu’ils évitent de revenir sur son crâne, Rosalina y avait déjà bien assez mal comme cela.
Sortie de la forêt, revenue aux abords du laboratoire, son arme en bandoulière, Rosalina put enfin souffler un coup, et récupérer sa mallette cabossée, traînant aux côtés de l’agent du fisc en tong assommé.
« Comment je vais expliquer ça aux autres, moi… »
Une machine à laver apparut et tomba sur le crâne dudit agent, le broyant avec un craquement atroce. Sous le choc de ’impact, Rosalina tomba en arrière, et un coup partit, en direction de l’entrée du bâtiment, où un des autres survivants, un binoclard roux, qui tenait un cube parlant, venait de sortir, sans doute attiré par les coups de feu et les cris. La balle toucha ce dernier, qui disparut.
« Oh, désolée ! Tu n’as rien ?
– Mon état de santé reste optimal, mais je me demande dans quelle dimension parallèle a été transposé mon cubique compagnon…
– Cubique compagnon ?
– Il était doué de la faculté de parler. »
On ne s’en étonnerait presque plus. Les paroles du jeune homme firent réfléchir Rosalina. Était-ce possible que l’arme qu’elle tenait pût faire voyager des objets dans les dimensions ? Ces deux hommes venaient de la Terre. Ils disaient s’être fait tirer dessus, avant d’arriver ici ? Il y aurait donc un Terrien équipé d’une arme comparable qui l’utiliserait ?
L’apparition soudaine de déchets divers – un emballage, un pot de yaourt, un chiffon sale, un bol fissuré – confirma sa supposition. Il y avait quelqu’un, sur Terre, qui faisait joujou avec cette arme surpuissante, et s’en servait pour faire son ménage, semblait-il. Et elle devait avoir renvoyé le nez, sans doute un peu agacée de recevoir un aussi atroce visiteur. Cela signifiait quelque chose de simple : elle avait là un moyen de revenir à la maison.
Rosalina prit une longue inspiration, et contempla le paysage, une ultime fois, espérait-elle. Sous peu, elle serait de retour en 2012, quelque part aux États-Unis. Comme pour essayer de la retenir, ce monde lui envoya un serpent lumineux multicolore, qui s’approcha avec un air menaçant. Une balle l’envoya ailleurs. La réponse de celui qui était de l’autre côté ne tarda pas, en la présence d’un sac poubelle.
« J’apprécie déjà sa conversation. »
Rosalina plaça sa main sur le canon. Elle se préparait à appuyer, quand elle aperçut le pot de yaourt. Il lui semblait familier, mais aussi, étrangement discordant, avec ce qu’elle se souvenait des yaourts d’Amérique du nord. Cette marque lui était inconnue.
Énorme doute. Rosalina attrapa le sac de déchets, et fouilla ce qu’il contenait. Des prospectus politiques, des emballages, des tickets de caisse, diverses choses. Elle ne reconnaissait rien. Était-ce possible ? Ses jambes lâchèrent, alors qu’elle tenait un journal, daté de 2019, à propos d’événements n’ayant aucun sens pour elle. Le papier imprimé essuya ses larmes. Lui montrer un espoir de retour, pour le condamner aussitôt. Cette Terre n’était pas la sienne, mais une autre, une parallèle, qui partageait des points communs, mais avec de subtiles différences. Peut-être existait-il une Rosalina Ngwenya dans ce monde, ou peut-être pas. Et si elle se tirait dessus, le voyage serait un aller simple, aucune chance de retourner dans l’Esquisse, et de retenter de voyager entre les univers. Le précédent à avoir testé, le nez, était mort.
« Je reste donc prisonnière, il semblerait. »
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