Kahaüz.

Description

Un homme dangereux, un tueur à gage surement. Personne ne sait, et heureusement pour eux, parce que s’ils savent, c’est qu’ils sont déjà morts. Un homme de l’ombre, un homme inconnu, un homme que la société préfère ignorer, pour sa propre sécurité. Un homme qui aurait pu avoir un autre parcours, un homme à qui on n’a pas laissé le choix, au final.

Cet homme est coupé en deux, sans l’être réellement, appelons ça plutôt de bonne humeur ou de mauvaise humeur. Je vous souhaite qu’il soit toujours de bonne humeur, lorsque vous le croiserez.

L’homme de bonne humeur est calme, raisonné, capable d’avoir une discussion banale, bien qu’on ait l’impression qu’il n’en a rien à faire de ce qu’on lui dit. L’homme de mauvaise humeur est tout aussi calme, dangereusement calme. Il a un regard noir, fou, avec un sourire presque inhumainement fendu. Discussions et négociations sont clauses, quoi que vous fassiez, quand bien même vous avez le meilleur avocat de la terre, vous êtes dans la merde. Le seul moyen de le calmer, un hibou ou une chouette, ou autres strigidés. Le simple chant de ces bestioles lui fait reprendre ses esprits.

Seule une personne a pu le dompter, et ce, grâce à de nombreux enregistrements de chants de ses volatiles favoris. Enregistrements qu’il garde toujours sur lui. Elle lui fit découvrir une vie plus normale à lui qui n’avait connu que violence. Elle lui fit découvrir à quel point plus que le sang, c’était la personne elle-même qui était importante. Elle lui fit découvrir se que voulait dire le mot « amour » qu’il détestait tant.

Mais ce jour-là, l’amie était en danger. L’amie se faisait agressée. L’homme voulait la défendre. Il lui aurait été presque plus souhaitable qu’il ne s’en mêle jamais. Parce que lorsqu’il commence à sentir cette odeur de sang, voir cette exquise couleur, sentir cette chaleur si enivrante. Il en voulu plus. Plus. Plus !

Et un chant. Serein. Un whoo-ooh donnant l’impression d’une nuit calme. Devant lui, une femme. Du sang. Partout. Autour de lui, des corps. Rouges. Cette couleur qui l’excitait tellement il y a quelques secondes, l’horrifiait. L’homme mit l’enregistrement dans sa poche, mettant ses écouteurs, les chants à fond dans les tympans. Pour le calmer. Pour réfléchir. Il s’enfuit. On ne le revit plus jamais.

Il l’avait tuée.

L’homme redevenu le tueur à gage qu’il était. Parce qu’il ne savait rien faire d’autre que ça. Parce qu’il ne mérite que ça. Parce qu’il est juste incapable de comprendre. Parce qu’il ne connaît que l’exaltation de voir du sang et la culpabilité de l’avoir enlevée à ce monde. Parce qu’il l’avait trouvée tellement magnifique ainsi souillée par le sang.

Finalement, l’amie lui avait juste permis de récupérer plus facilement les idées claires. L’amie lui avait permis de lui montrer qu’il ne trouvait rien de plus charmant que la couleur rouge. L’ami lui avait appris la culpabilité et surtout, le poids d’une vie.

Et puis, du rose.
Avec des images folles.
Une sensation désagréable.
Comme s’il devenait fou.
Même s’il sait que c’est déjà le cas.

Le son du chant d’une Ninoxe puissante à fond dans les oreilles. L’homme se releva, regardant autour de lui. Ce qu’était ce monde ? L’homme n’en savait strictement rien, mais ça l’énervait. Du rose mais une ambiance tendue. L’homme sentait le danger mais quelque chose le dérangeait. C’était niais. Ce rose. Il va en faire une fixette. Ou était son monde ? Il se surprit malgré lui à vouloir fuir de cet endroit. L’homme n’était pas tranquille. L’homme ne comprenait pas. L’homme était en train d’assouvir une envie plus qu’inquiétante. Un mafieux incapable de rester discret. C’est son dernier vague souvenir.

L’homme n’est pas dans la réalité. Ce rose est irréel. Mais l’homme n’est pas dans un rêve. Parce qu’il est incapable de se reposer en une fois assez longtemps pour arriver dans la phase paradoxale. Quand bien même il est sous somnifère. L’homme est toujours sur le qui-vive. Comment il est arrivé là ? Aucune idée et ça l’énerve encore plus.

Les objets bougent et semblent hostiles. L’homme préféra ne pas s’en approcher. Son instinct le lui dictait. Et parce que les objets n’ont pas de sang. Même si, comme ils étaient vivants, c’était possible. Mais là n’était pas la question. La question était, pourquoi ? Lui, ici. Il ne comprenait pas. Il n’aime pas ne pas comprendre.

Changeant sa Ninoxe contre le chant d’un hibou moyen-duc, l’homme s’avança prudemment dans ce monde dont il se méfiait, relativement calmement. Tout du moins, le plus calmement possible.