[Songe Continu] Et si quelqu'un regrettait les dessinateurs ? (2014)
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Ven 28 Nov - 22:10
Les disparus
En 2012, plus de 200 personnes avaient disparu dans le néant. Aux quatre coins du monde, des disparitions totalement inexpliquées. Certains avaient tourné dans une rue sans qu’on ait pu jamais les retrouver, d’autres étaient simplement allés se coucher et avaient disparu malgré les fenêtres fermées. On avait signalé les cas localement, on avait fait la traque au voyous et inventé un kidnappeur en série dans les journaux des villes, jusqu’à ce que les régionaux s’en emparent et laissent à peine plus tard – dès que l’affaire avait pris une teinte dramatique – la place aux nationaux. Les témoignages et enquêtes s’étaient alors enchaînées, tout comme l’évolution des médias sociaux avait créé une vague de théories toutes plus extravagantes les unes que les autres. La mafia avait été accusée, ainsi que tous les mouvements terroristes en vogue. Il fallait désigner un coupable. Trouver qui avait fait disparaître tous ces gens dans la nature et qui allait les rendre. L’absence totale de traces et d’indices, les paradoxes et l’absurdité de la situation avaient pris au fil du temps une teneur angoissante.
Tout du moins, jusqu’à ce que d’autres sujets plus importants viennent prendre la place de l’affaire des Disparus à l’antenne. En 2014, on n’en discutait plus que comme une histoire paranormale entre amis ou pour évoquer ces associations de victimes qui sans arrêt harcelaient la police afin d’avoir une meilleure enquête – mais il y avait de nombreuses associations alors on ne leur accordait qu’un faible temps. Avec une recherche Google, on retrouverait facilement tous les témoignages de ces familles détruites en un clin d’œil, de ces amis désemparés…
Notre réalité était loin de se douter que ces 200 personnes erraient, pour les rares qui avaient survécu, dans une Esquisse qui n’avait aucune pitié pour elle. Mais qui serait devenu assez fou pour croire qu’un seul des deux mondes soufrait ?
Petite explication
En gros, le but de ce sujet est d'imaginer qu'en 2012 tous les personnages ont disparu mystérieusement (ça a pu être différent, mais supposons) sans raison dans l'Esquisse et que 2 ans plus tard, ces temps-ci en 2014, leurs proches ont fait leur petite vie... Comment ont-ils vécu la disparition, l'absence, l'absence de solution ?
(en clair, c'est surtout un prétexte pour écrire un truc un peu différent et teinté de dramaaaaa)
Ah et, on peut participer autant de fois que l'on veut, bien entendu, pour montrer plusieurs points de vue si on veut ou.. bref. Ce n'est pas vraiment un RP mais plus un recueil de textes, amusez-vous comme pour la Mosaïque ♥
Et hop, car c'est bien de montrer l'exemple, je vous l'ai fait pour Ambros vite fait :
Par ici, les choses n’étaient pas devenues plus vides. Parce que la narration ne veut pas redire que quand un être manque tout est dépeuplé, parce qu’elle ne veut pas parler de cette quatrième assiette sur la table à tous les repas et qui d’ailleurs n’existe pas (ça salit de la vaisselle pour rien, tiens), parce qu’elle ne veut pas creuser les rides de la mère déjà propices à accueillir un fleuve, parce que les meubles ont tous été recyclés quelque part et que le petit cadre photo sur la commode se perd au milieu de tous les trophées de pêche ainsi que les bouteilles vides, il était bien difficile d’imaginer cette petite maison italienne comme étant l’ancienne demeure d’un dessinateur aujourd’hui en plein déboire dans l’Esquisse. Difficile de décrypter la mine du père, qui crevait tout seul depuis le temps, qui parlait de moins en moins et aurait pu s’endormir dehors sans qu’il s’en rende compte. Difficile de voir un quelconque changement chez Dalia, qui avait continué dans sa voie de fille brillante et exemplaire au milieu de cette famille qui se cassait la gueule. C’était sans parler du village, dont les gosses avaient tous grandi et choisi d’étudier plus loin tandis que leurs parents vieillissaient.
La vérité, c’était qu’on s’en remettait. On disait juste qu’Omar était parti et qu’il faisait sa vie, sans savoir qu’on avait en quelque sorte raison, et on n’espérait même pas qu’il en revienne grand et dégourdi un jour. Peut-être parce que c’était une utopie, ou bien que l’espoir était trop douloureux ? Ils ne savaient pas, ils ne comprenaient pas, mais plutôt que de retourner le monde en croyant qu’il allait répondre, ils avaient subi le changement. Tourné la page. Ce qui avait disparu n’est pas indispensable, voilà avec quoi ils avaient tenté – et réussi – à tuer la peine.
Voilà ce qu’il verrait, s’il revenait. Un monde presque identique à ce qu’il avait été, sans aucun champ de ruine planqué derrière le fauteuil dans lequel il aimait bien s’avachir.
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Sam 29 Nov - 0:19
Dès les premiers accords et les premiers arpèges, un silence presque religieux s'empara du public. Une faible rumeur le parcourait, mais aucun mot n'était perceptible. Comme des sanglots que l'on aurait tus. Comme des prières muettes, ou murmurées du bout des lèvres. Les paroles soufflées, avant d'être comprises, s'évanouissaient dans l'atmosphère. Des mains frémissantes et pâles s'élevèrent lentement vers les étoiles, pour se balancer aux rythme des guitares mélancoliques, qui se mêlaient au silence plus qu'elles ne le troublaient.
« So, so you think you can tell Heaven from Hell, blue skies from pain...
Can you tell a green field from a cold steel rail?
A smile from a veil?
Do you think you can tell? »
La batterie éclata et des sanglots avec elle.Can you tell a green field from a cold steel rail?
A smile from a veil?
Do you think you can tell? »
« Did they get you to trade your heroes for ghosts?
Hot ashes for trees?
Hot air for a cool breeze?
Cold comfort for change?
Did you exchange a walk on part in the war for a lead role in a cage? »
Des pleurs étouffés s'élevèrent doucement des chœurs ténus qui se mêlèrent aux voix douces des musiciens, couvrant presque les instruments, qui, redoublant de douleur, déchirèrent à pleines mains le silence.Hot ashes for trees?
Hot air for a cool breeze?
Cold comfort for change?
Did you exchange a walk on part in the war for a lead role in a cage? »
« How I wish, how I wish you were here.
It's been two damn years since you've been gone and, year after year, we're running over the same old ground.
What have we found?
The same old fears.
Wish you were here. »
Les larmes coulaient sur toutes les joues, impuissantes, tandis que les notes s'échappaient des gorges frémissantes. Chanter ses souvenirs et ses prières dans ces chœurs, c'était tout ce qu'il restait à faire. Deux ans sans nouvelles, malgré les recherches, deux ans d'espoirs déçus et de deuil, deux ans d'angoisse et de peine.It's been two damn years since you've been gone and, year after year, we're running over the same old ground.
What have we found?
The same old fears.
Wish you were here. »
Tandis que les derniers accords rendaient sa place au silence endeuillé s'éleva un vent sifflant et glacé qui portait avec lui l'odeur des sapins qui bordaient le Båven.
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Sam 29 Nov - 0:26
-Disparition Amère-
Deux ans, deux longues années qu'il était parti. Tout comme elle l'avait fait treize ans plus tôt.
Affalée jour après jour sur le comptoir, Amélia se demandait encore et toujours pourquoi, comment, et où. Au début, elle se montra forte, comme à son habitude, puis elle perdit cela, se fatiguant au fil du temps, se mordant les lèvres de plus en plus violemment, perdant son temps à penser sur le lit de l'arrière de la boutique: pourquoi, comment, et où?
Elle le connaissait mieux que quiconque, elle savait qu'il avait une raison, un objectif, que quelque chose le poussait à ne pas se révéler et à disparaître de la sorte. Elle l'avait après tout fait elle-même des années de cela, se faisant passer pour morte et disparaissant deux ans afin de leur permettre une échappatoire. Jamais elle n'aurait pensé la souffrance qu'elle lui fit endurer si forte. Mais quel était le pire? Il avait cru pendant bien un an qu'elle était morte, mais elle ne savait pas ce qu'il était advenu de lui, s'il se faisait passer pour mort, s'il l'était, s'il avait disparu pour une bonne ou une mauvaise raison... Elle envisagea tout les cas, priant pour que les meilleurs soient.
Les pensées qui se ramifiaient sans cesse dans son esprit réduisaient son sommeil. Amélia le savait: son mari avait parfaitement conscience de chacune de ses actions, du moindre petit acte. Ainsi cela devait avoir une raison, mais laquelle? Dans ce genre de village, tout se transmet par le bouche à oreille, si le but était de disparaitre il l'aurait prise avec lui et ne l'aurait pas laissée ici, seule face au danger qui pouvait menacer. Puis, l'organisation de ses affaires faisait perdre sa logique à la fuite, trop de choses restaient, trop de preuves, et il ne l'aurait pas oublié. Même s'il avait été prit au dépourvu il serait venu lui expliquer les faits et aurait disparu avec elle de manière organisée une nouvelle fois, sans mauvais coup.
Alors quoi? Pensait-elle. Enlevé, mort, tué? Elle ne pouvait se permettre d'y penser. Elle ne pouvait pas, mais enfin se rendait-elle compte de ce qu'elle lui avait fait subir, sentant le poids de l'anxiété sur ses épaules qui devenaient de plus en plus lourdes. Cela n'empêchait pas à Amélia de garder face aux clients sa légèreté et son entrain habituels, mais dès lors qu'ils disparaissaient les pensées remontaient si peu qu'elle n'ai pas autre chose à penser. Même en deux ans, le temps ne voulait pas effacer cette peur longue et douloureuse que son imagination troublée alimentait des images du cadavre de son mari. Immondes images.
Cette expérience n'était pas une remise en question de lui, mais d'elle-même. Elle était seule. Seule, elle pouvait penser. Était-ce son châtiment pour lui avoir fait subir la même chose des années plus tôt? Non, il l'avait compris et accepté, il l'en remerciait même. Alors, lui rendait-il la pareille en faisant à son tour la même chose pour elle? Idée stupide, il savait qu'il n'y avait plus de temps à perdre pour eux deux... L'avait-elle quittée, disparaissant totalement pour qu'elle ne puisse plus le retrouver? Après tout, elle ne pourrait en rien le dénoncer, ce serait marquer d'elle-même sa propre condamnation. En deux ans, cette idée avait réussi à lui traverser l'esprit, et lui semblait être des plus logiques face aux autres. Elle ne pouvait rien faire contre lui, ni pour le retrouver ni pour le dénoncer, elle n'aurait de toute manière que nullement envie de la dénoncer à qui que ce soit, elle l'aimait. Mais lui, l'aimait-elle...? Elle se frappait le front, se demandant comment le temps pouvait arriver à lui faire douter d'une chose pour elle aussi fondamentale.
Lorsqu'elle passait face au miroir, Amélia comprenait ce qu'avait été le monde pour lui ces deux années, celles pendant lesquelles il l'avait crue morte. Elle voyait dans son reflet ses yeux qui commençaient à se fatiguer, son sourire devenir de plus en plus faible, son calme, au contraire, de plus en plus élevé. Ses cernes dévoilaient son manque de sommeil, les mêmes que celles de son mari treize ans plus tôt qui avaient quelques semaines ou mois plus tard finalement réussi à s'effacer.
Elle était fatiguée.
Elle voulait qu'il revienne...
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Sam 29 Nov - 17:55
« Et pour clôturer en beauté… »
Et son rire frais résonna avec les premiers riffs qu’il se souvenait avoir fait vibrer, à quelques pas d’elle.
« You need coolin’, baby I’m not foolin’… I’m gonna send you back to schoolin’… Way down inside, honey, you need it ! I’m gonna give you my love ! I’m gonna give you my love ! Yeah ! »
Il se souvenait que Lillemor et lui s’étaient avancés sur scène. Tout près d’elle. Et qu’ils avaient chanté les harmonies que les deux filles avaient mis l’après-midi à mettre au point.
« Wanna whole lotta love ? Wanna whole lotta love ? Wanna whole lotta love ? Wanna whole lotta lo ‒
— Tu écoutes quoi ?
— Oh. Euh. L’enregistrement du concert de... Tu sais, l’été.
— Oh. Ouais.
— Ouais. Celui-là.
— Ah. Cool. »
Lillemor avait changé de ton. Elle ne voulait pas parler de ce concert. Elle ne voulait plus entendre prononcer les noms des disparus. Le nom-même de Ljungström lui hérissait les cheveux sur la nuque. Il se souvenait encore des jours qui avaient suivi la disparition. Elle explosait de rage à toute occasion, insultait l’univers entier et quittait immanquablement les lieux comme une furie hurlante, comme un coup de vent infernal. Lui, il aimait y repenser. Plus exactement, il avait besoin d’y repenser. Ce n’était jamais un plaisir, en fait, c’était plutôt douloureux. Mais c’était nécessaire. Car c’était toute une partie des repères du lycée qui était partie avec eux, et toute une partie de sa vie à lui qui avait suivi. Et il ne pouvait pas croire qu’elle avait bel et bien disparu. Elle ne pouvait pas disparaître, il ne pouvait pas tout effacer, comme Lillemor tentait de le faire. Deux ans s’étaient écoulés depuis la tragédie, deux ans sans nouvelle, et à mesure que le temps passait, il comprenait de moins en moins comment la bassiste pouvait ainsi réagir. A mesure que le temps passait, il devenait plus douloureux, plus inutile, et pourtant plus vital, de se souvenir.
Et son rire frais résonna avec les premiers riffs qu’il se souvenait avoir fait vibrer, à quelques pas d’elle.
« You need coolin’, baby I’m not foolin’… I’m gonna send you back to schoolin’… Way down inside, honey, you need it ! I’m gonna give you my love ! I’m gonna give you my love ! Yeah ! »
Il se souvenait que Lillemor et lui s’étaient avancés sur scène. Tout près d’elle. Et qu’ils avaient chanté les harmonies que les deux filles avaient mis l’après-midi à mettre au point.
« Wanna whole lotta love ? Wanna whole lotta love ? Wanna whole lotta love ? Wanna whole lotta lo ‒
— Tu écoutes quoi ?
— Oh. Euh. L’enregistrement du concert de... Tu sais, l’été.
— Oh. Ouais.
— Ouais. Celui-là.
— Ah. Cool. »
Lillemor avait changé de ton. Elle ne voulait pas parler de ce concert. Elle ne voulait plus entendre prononcer les noms des disparus. Le nom-même de Ljungström lui hérissait les cheveux sur la nuque. Il se souvenait encore des jours qui avaient suivi la disparition. Elle explosait de rage à toute occasion, insultait l’univers entier et quittait immanquablement les lieux comme une furie hurlante, comme un coup de vent infernal. Lui, il aimait y repenser. Plus exactement, il avait besoin d’y repenser. Ce n’était jamais un plaisir, en fait, c’était plutôt douloureux. Mais c’était nécessaire. Car c’était toute une partie des repères du lycée qui était partie avec eux, et toute une partie de sa vie à lui qui avait suivi. Et il ne pouvait pas croire qu’elle avait bel et bien disparu. Elle ne pouvait pas disparaître, il ne pouvait pas tout effacer, comme Lillemor tentait de le faire. Deux ans s’étaient écoulés depuis la tragédie, deux ans sans nouvelle, et à mesure que le temps passait, il comprenait de moins en moins comment la bassiste pouvait ainsi réagir. A mesure que le temps passait, il devenait plus douloureux, plus inutile, et pourtant plus vital, de se souvenir.
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