Épreuve n°4 - Ami imaginaire [B3, C3 / A6, C6]
Qu'est-ce qui est jaune et qui traverse les murs ?
Personnages : Al, Sydonia, Even, Dylan et Al'
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Eelis
Sam 23 Fév - 0:03
Épreuve n°4 - Ami imaginaire
Victime d'une malédiction, pris par une hallucination, en proie à la démence… Quelle qu'en soit la raison, vous voilà accompagné par un être que seul vous pouvez voir et qui vous suit où vous alliez. Qui est ce nouvel "ami imaginaire" ? Tenterez-vous de vous en débarasser à tout prix ou éluciderez-vous le mystère de son apparition ?
Staff a écrit:Rappel du fonctionnement de l'épreuve
Il s’agira cette fois d’une écriture en one-shot, mais qui fonctionnera par binômes. Le thème sera posé, et chacun des deux binômes devra écrire un texte de 1500 mots maximum dessus, avec la contrainte de devoir le relier à celui de son binôme d’une certaine manière. Il peut s’agir d’un enchaînement (l’un des deux textes est la suite de l’autre), d’une rencontre intradiégétique (les personnages des deux textes se croisent à un moment de l’histoire), d’un même texte raconté sous deux points de vue différent, de deux histoires différentes racontées avec des tournures similaires employées différemment… libre à vous de choisir ça entre vous.
Rappel des duos :
- B3 (Cataldo) et C3 (Kaoren)
- A6 (Athéna) et C6 (Jaune)
Quelques petites consignes :
• Tout le monde poste à la suite son propre texte (pas d'obligation de poster en même temps). N'oubliez pas, cependant, de préciser qui est votre duo !
• Pour vous organiser, n'oubliez pas de passer sur la shoutbox : http://interforumcrastest.chatovod.com/
• N'oubliez pas la balise de transformation !
- Code:
<transformation invite perso="Nom de votre perso" avatar="Lien de votre avatar" forum="Nom de votre forum" lien="URL de votre forum ou fiche" />
Non, non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !
Personnages : Kaoren, Penrose
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Kaoren
Sam 23 Fév - 15:48
Alors que Hertz et Watt, têtes pensantes et méprisantes du mouvement Cyantifique, s’apprêtent à jeter Kaoren dans un énième sursaut d’impétuosité, l’attention de ce dernier se détourne soudain vers un hululement qui vient de passer la porte. Sous le linteau, il voit voler une chouette toute paniquée, qui tourne par deux fois au-dessus des regards dont un seul l’observe, avant d’aller se poser sur une étagère. Tandis que les Cyantifiques se plaignent de l’attention que Kaoren ne leur porte plus, celui-ci fixe l’oiseau inconsidérément. Son esprit n’a pas besoin d’aller se perdre dans des songes trop lointains pour reconnaître dans cet animal les traits de la sagesse qui lui fait défaut, l’incarnation de Pallas, Minerve, Athéna. Juste avant qu’il se laisse aller à sa témérité.
Watt rappelle Kaoren d’un mouvement de bras devant ses yeux, en déclamant grossièrement :
« Tu le dis, si on t’emmerde ? »
Kaoren lui lance un regard aussi noir que les murs d’ardoise de la pièce, pour montrer au braillard ce à quoi il s’adresse.
« Quand quelqu’un s’invite dans ta réunion, fût-ce un oiseau, c’est beaucoup demander que de lui accorder un brin d’attention ? »
Certains commencent à observer les lieux pour saisir de qui il parle, d’autres se confortent dans l’idée qu’il s’agit simplement d’une de ses métaphores chroniques. Hertz lance froidement :
« Qu’est-ce que tu racontes ? »
Kaoren relève ses yeux vers ceux de la chouette. Son regard oscille entre l’égarement et l’incrédulité. Elle le fixe quelques instants, puis bat deux timides coups d’aile et demande d’une petite voix :
« Où suis-je ? »
Où est-elle ? Quel est ce monde que Kaoren et les autres ont bâti pendant qu’elle volait ailleurs ? Un monde sur lequel la sagesse ne règne plus, et qu’elle ne reconnaît plus. D’une allégorie porteuse d’une idée, la chouette devient rapidement la porteuse d’un message dans l’esprit de Kaoren. Il y revoit cette attitude tempétueuse qui l’a porté dans ses conflits avec les Cyantifiques, et mené à refuser l’aide de leur parti pour bâtir un monde meilleur.
« Bon, c’est quoi ton problème ? »
« Elle demande où elle se trouve. »
« Kaoren, on n’a aucune idée de quoi tu parles, mais pour ce qui est d’accorder de l’attention… »
Kaoren voyant déjà venir ce commentaire avec ses grands sabots, il monte sur les siens et hurle sans plus de sages considérations :
« J’ai bien compris que vous la voyiez pas ! Mais moi, je la vois, et je peux pas l’ignorer ! Alors traitez-moi de fou si ça vous chante, mais je lui porterai toute l’attention qu’elle me demande ! »
Là-dessus, il sort de la salle en claquant des pieds, puis continue son chemin jusqu’à sortir du bâtiment. Le grand air convient mieux aux allégories ailées. Il part s’asseoir contre un mur de l’édifice, et en guette l’entrée pour y voir la chouette sortir à son tour. Elle passe les portes laissées ouvertes, puis vient s’installer sur son genou. Enchanté de sa confiance, il s’adresse enfin à elle.
« Je suis désolé que tu découvres notre monde ainsi. Ta présence lui a manqué, et il tend désormais à ce chaos que vos olympiennes figures cherchent à défaire. »
La chouette fronce son regard, puis lance d’une voix beaucoup plus sévère qu’avant :
« Non, vraiment, où suis-je ? »
Kaoren se sent inconfortable à l’idée de n’offrir à cette figure divine qu’une réponse incertaine. L’inverse serait prétendre avoir compris comment est venue l’Esquisse, ce à quoi aucune sagesse ne saurait l’amener seule.
« Nous venions de la Terre, nous voilà dans l’Esquisse. Je ne saurais pas t’expliquer ce qui nous y mena, de notre harmonie cosmique où tout semblait faire sens, à ce méandre chaotique qui n’en fait aucun. Plus rien n’est tel que l’ordre naturel l’a bâti, et il semble que nous n’ayons pas assez d’ordre humain pour l’y ramener. »
La chouette soupire, mais son allure redevient plus mélancolique. Kaoren s’assène des tourments par vagues, mais il a au moins le sentiment d’avoir formulé une réponse convenable. Il espère que sa dernière phrase était celle qu’attendait ce coryphée ailé que l’ordre des choses lui attribua.
« Et… comment sort-on d’ici ? », lance l’oiseau de sa voix timide.
À nouveau, Kaoren comprend cette question comme celle qu’il est invité à se poser. Bien sûr, elle a surgi de nombreuses fois depuis qu’il a été jeté dans cet univers. Et le plus souvent, elle s’est accompagnée d’une solution miracle : l’entente, l’esprit d’équipe. L’acceptation de devoir se serrer les coudes pour parvenir à quelque chose, à défaire ce monde redoutable qui menace ceux qui le foulent de mille folies et dangers. Ce vers quoi il faut tendre, au-delà des impétueuses querelles intestines qui font leur quotidien, pour avoir une chance. Ce que prône la sagesse.
« Oui, balbutie-t-il, je vois ce que tu veux dire. »
La chouette le regarde avec des yeux totalement incrédules, puis reprend sa voix grave :
« Oh, mais c’est fini de détourner chaque réponse !? »
Kaoren se confond en pensées apologiques, lisant dans ce reproche celui d’être assez prétentieux pour penser comprendre ce qu’il est incapable d’appliquer. Oui, il détourne la réponse. Il s’y soustrait, même. Depuis le temps qu’il est conscient de cette réalité, que l’entraide est la seule voie vers le salut de tous, combien de fois a-t-il su s’y conformer ? C’est facile de dire qu’on a compris, beaucoup plus que de comprendre.
Il adresse à l’animal un air totalement soumis à la déférence de sa sagesse, puis reprend finalement.
« Je suis désolé… Aussi sincèrement que je le peux. C’est difficile de garder les pieds sur terre quand on les a posés dans l’Esquisse. Quand l’univers lui-même semble s’en prendre à nous, et que nous lui résistons, la tentation de nous prendre pour son égal dans un élan d’hybris nous envahit facilement. Alors nous pensons tout savoir, tout posséder du cadeau de Prométhée, sans constater l’orgueil qu’il nous a transmis ce jour-là. »
La chouette lui rend son regard bas, redessinant son expression pour l’adoucir à nouveau.
« Je compatis. Votre condition semble dure à supporter. »
Interdit devant une telle compassion qu’il n’aurait jamais attribuée à l’image sévère d’Athéna, la sagesse qui châtie justement, Kaoren reconsidère l’oiseau pour y déceler la marque d’une autre entité. Un autre symbole. Mais incapable de lui figurer un nouveau portrait, il se risque à lui demander :
« Tu portes un nom ? »
Elle répond timidement :
« Gertrude. »
Gertrude. À l’instar de la mère d’Hamlet, qui boira le poison destiné à son fils. Comme cette stryge en parure de chouette boit son humeur noire pour la garder en elle. Sans doute est-ce également la raison pour laquelle elle virevolte si vivement de l’empathie à la sévérité, s’efforçant de lutter contre cette humeur nocive qu’elle renferme, mais la laissant parfois la dominer pour rendre sa sécheresse à son rôle de mère. Et Kaoren, perdu dans le dilemme d’être où de ne pas être, s’y soumet promptement.
« Merci, lui renvoie-t-il, de subir ma personne pour moi. »
Elle répond sèchement :
« Tu crois que je suis là par choix ? »
Bien sûr, c’est un devoir. N’a pas de grand pouvoir qui n’a pas de grandes responsabilités. À nouveau, l’ambivalence s’illustre dans la voix de l’oiseau, qui donnerait l’air de se contredire dans les oreilles d’un mortel. Les figures divines s’affrontent pour redresser Kaoren à leur manière. Athéna affronte quelque déesse compatissante sous le plumage de Gertrude.
La chouette reprend une énième fois sa personnalité docile, dans un mouvement de tête s’excusant presque de sa dernière interjection, puis elle termine enfin :
« Je vais essayer de poser la question à quelqu’un d’autre. Bon courage. »
Elle dégrippe ses serres du genou de Kaoren, se retourne d’un pas hésitant, puis reprend son envol. Le garçon ne lui en tient aucunement rigueur. Elle est venue l’interroger sur lui-même et le remettre sur le droit chemin ; qu’elle s’envole donc réitérer son acte auprès d’autres âmes égarées. Cette terre a grand besoin de sagesse.
En relevant le regard, Kaoren aperçoit la chouette qui part s’adresser à quelqu’un d’autre. D’où il est, il l’entend répéter :
« Faites qu’il me voie, faites qu’il me voie… ohé ! Bordel ! »
Hélas, beaucoup ici ignorent l’appel de la sagesse. Même Kaoren aurait pu être le premier. Peut-être certains trouveront-ils un jour la même bonne foi que lui, mais en attendant l’échéance, l’Esquisse est sans doute condamnée au règne du chaos.
La sentence tombe. Personne ne parvient à apercevoir la pauvre Gertrude. Elle pousse un hululement désespéré, puis abandonne l’espoir de tirer quelque réponse à ces perdus, et s’en va disparaître dans la sereine ironie de l’éternel ciel rose d’Esquisse, mal armée qu’elle était contre lui.
…
« Quand même, il avait l’air d’avoir besoin d’aide… »
« Il était complètement taré, oui ! »
En duo avec Cataldo
- Distinctions:
- Les tarty's du temps où ça s'appelait encore comme ça:
Cataldo Lagioia
Invité
Sam 23 Fév - 18:18
Le savant turinois était de retour dans son laboratoire de Torcello après avoir passé deux longs mois à Venise où l'Académie des Sciences avait réclamé sa présence. De retour chez lui dans les marais de la lagune vénitienne, il avait retrouvé sa petite maison en proie à un chaos invraisemblable. En allant se pencher sur ses anciennes recherches, il avait trouvé ses manuscrits en miettes, rongés par des saletés de souris. Ou des gros mulots tout noirs. Il venait d'en voir passer un sur l'une de ses étagères, avec son affreuse queue rose!
C'étaient ces sales petites vermines qui avaient rongé ses papiers! D'abord stupéfait, il avait sorti ses bésicles de l'une des poches de son veston pour les poser sur son nez et y regarder à deux fois. C'était bien un gros mulot, qui couinait en se baladant sur son étagère. Il ouvrit de grands yeux, la bouche bée, et en entendant couiner derrière lui, il fit volte-face aussi sec pour en apercevoir un autre qui grattait au sol.
Il recula pas à pas vers la porte, et s'adossa contre elle avant de poser la main sur la poignée d'un long et lourd maillet de bois. La dernière fois qu'il s'en était servi remontait à une expérience très douloureuse pour lui. Il avait voulu faire jouer une flûtiste avant de lâcher devant elle des couleuvres gardées captives dans un sac pour voir si elle saurait les charmer. Malheureusement, c'étaient des couleuvres qu'il avait lâché, apparemment hermétiques à la musique, et l avait du les pourchasser à travers sa demeure avec cette masse pour les exterminer. Cette fois encore, il allait falloir brandir cet instrument de son courroux.
En le levant bien haut au dessus de sa tête, il s'élança en direction de son étagère. Le maillet s'abattit lourdement, et il pulvérisa l'étagère, et tout ce qui s'y trouvait dégringola bruyamment au sol. Mais il avait raté le mulot, qui s'échappa pour aller se percher sur un gros sac de farine en toile de jute. Il l'y poursuivit en poussant un cri aigu, et abattit une nouvelle fois sa grosse masse de bois. Un gros nuage blanc de farine s'éleva, en poudrant tout son visage. Mais le mulot cavalait toujours, et alla prendre place sur un pot de confiture de groseille, qui ne tarda pas à exploser sous le maillet. La confiture macula le visage et l'habit du scientifique, se collant en plus dans la farine qui le recouvrait abondamment.
C'est à cet instant qu'il entendit toquer à la porte de son laboratoire. Le temps qu'il tourne la tête, le rongeur s'était carapaté. Le turinois souffla sur une mèche rousse de sa chevelure en bataille et la renvoya sur le côté de son front. Il alla ensuite ouvrir la porte et plissa les yeux en ne voyant personne. Ses bésicles étaient de guingois sur son nez, et il les rajusta, mais non, il n'y avait toujours personne.
Un raclement de gorge lui fit toutefois baisser les yeux, et il découvrit une chouette qui sautilla à l'intérieur de sa demeure. Avec la concentration de rongeurs au m² dans son laboratoire, il n'en fut même pas étonné. Les chouettes étaient bien les prédateurs naturels des souris et autres nuisibles à longues incisives.
"Mais... qu'est-ce que tu fais là? Et t'es qui toi?"
La chouette avait fait un bon mètre à l'intérieur quand elle se retourna vers lui pour le fixer avec ses grands yeux étonnés, avant d'avoir un mouvement de recul en voyant sa tête maculée de farine et de confiture rouge. Lui-même eut peur de son geste et fit un pas en arrière pour bousculer un petit meuble. La chouette s'avança en penchant la tête vers lui, et il fit de même, en laissant sa porte grande ouverte, son gros maillet toujours à la main, avec la masse qui frottait son plancher.
"Je suis Gertrude. On est où ici?"
Le turinois fit un bond en arrière en entendant l'animal parler, et c'est le poids de son maillet qui l'empêcha de se replier au fond de son laboratoire. Il écarquillait les yeux et dévisageait le volatile comme s'il était face à un prodige. D'ailleurs, un animal qui parle n'en était-il pas un?
"Tu es dans mon laboratoire, à Torcello, dans les marais de la lagune, pas loin de Venise. Mais qu'est-ce que tu fais là? Ce n'est pas un endroit pour les chouettes ici. Et encore moins pour les mulots!"
Il venait d'en revoir passer un, et il leva son lourd maillet de nouveau bien haut pour s'élancer vers un coffre où il rangeait des vêtements, sur le couvercle duquel un mulot trottinait. Le savant enjamba la chouette qui leva la tête en voyant le talon de sa botte la frôler de près. Une nouvelle fois, le maillet s'abattit en enfonçant le couvercle en son milieu. Le mulot sauta sur une table juste à côté et se retourna en faisant un "shhhhhhhh" agressif. Le turinois fit un grand bond en arrière, effrayé. Puis il se tourna vers la chouette, en pointant le mulot du doigt.
"Attaque Gertrude! Allez! Attaque! Le mulot là!"
La chouette sautilla pour se mettre bien en face de cet improbable tableau, puis elle cligna des yeux à plusieurs reprises, avec une mimique d'incrédulité propre aux chouettes et autres volatiles nocturnes. Puis elle secoua la tête.
"Non, je ne suis pas là pour ça.
Mais...
J'ai dit non!
Mais le mulot est là! Attaque!
Non!
Mais si!
Je t'ai déjà dit non!
S'il te plait?
Toujours non."
De désespoir, le savant baissa la tête, les bras ballants, tenant du bout des doigts le manche de son grand maillet, avec des yeux tout tristes et larmoyants. C'était un peu la faute à la farine qui lui irritait violemment les yeux, mais ses yeux étaient aussi en partie rougis par l'immense tristesse qui le submergeait en même temps que la déception. Cette chouette n'était décidément pas très coopérative. Presque comme ces sales petits mulots qui saccageaient son laboratoire et grignotaient ses textes. Ses précieux textes!
En désespoir de cause, il essaya de parlementer.
"Mais regarde Gertrude! Ils mangent mes ouvrages de médecine, et même mes formules mathématiques! Tu vas pas laisser faire ça quand même? Pense à Pythagore et à Thalès! C'est pour la science."
Le volatile restait imperturbable et continuait à cligner des yeux. Pire encore! Un mulot passa devant elle, s'arrêta pile devant, à moins d'un petit mètre, couina, renifla, et repartit comme si de rien était, sans être le moins du monde inquiété par cette chouette.
"Mais enfin Gertrude! Les chouettes mangent les souris! Et ça... C'est une souris! Il faut la manger! Allez quoi! Un peu de bonne volonté! Un bon geste! Alleeeeeeeeeeeeeez!"
Blasée. La chouette était tout bonnement blasée, et insensible à la vue d'un bon gros petit rongeur bien dodu et nourri au parchemin de vélin. Pour le turinois, c'était complètement insensé. Pour la chouette, voir un rouquin à bésicles lui demander de manger ses souris alors qu'elle venait lui taper la causette devait être tout aussi insensé. Après avoir cligné des yeux, elle fit demi-tour, et sautilla vers la porte encore grande ouverte. Une fois sur le pallier, elle se retourna en marmonnant.
"Complètement siphonné celui-là."
Cataldo l'avait suivie du regard et fit quelques pas vers sa porte alors que l'animal usait de ses ailes pour redécoller et voler vers d'autres cieux. Egoïste, pensa en son for intérieur le savant, qui lui avait toujours son problème de souris sur les bras. Un des mulots était même venu se poster sur son train arrière entre ses jambes, le nez levé pour voir volé cette chouette mal lunée. En grommelant dans sa barbe alors que le mulot cavalait se mettre aux abris, le scientifique referma sa porte en la faisant claquer.
Visiblement, pourchasser les mulots avec son maillet n'était pas une très bonne idée. A ce rythme-là, il n'aurait plus de mobilier avant la nuit. Il fallait donc opter pour quelque chose de plus subtil. Il alla à la malle qu'il avait ramené de Venise et dans laquelle il avait ses effets personnels. Il y a farfouilla après l'avoir ouverte, la tête enfouie à l'intérieur du coffre tandis qu'il était agenouillé devant. Quand il se releva, il tenait son tromblon à la main. Ils allaient voir, maintenant, les mulots. Ca allait moins rigoler maintenant. Peu après, au loin, on put entendre une détonation tonitruante et un cri désespéré.
"Encore raté!"
C'étaient ces sales petites vermines qui avaient rongé ses papiers! D'abord stupéfait, il avait sorti ses bésicles de l'une des poches de son veston pour les poser sur son nez et y regarder à deux fois. C'était bien un gros mulot, qui couinait en se baladant sur son étagère. Il ouvrit de grands yeux, la bouche bée, et en entendant couiner derrière lui, il fit volte-face aussi sec pour en apercevoir un autre qui grattait au sol.
Il recula pas à pas vers la porte, et s'adossa contre elle avant de poser la main sur la poignée d'un long et lourd maillet de bois. La dernière fois qu'il s'en était servi remontait à une expérience très douloureuse pour lui. Il avait voulu faire jouer une flûtiste avant de lâcher devant elle des couleuvres gardées captives dans un sac pour voir si elle saurait les charmer. Malheureusement, c'étaient des couleuvres qu'il avait lâché, apparemment hermétiques à la musique, et l avait du les pourchasser à travers sa demeure avec cette masse pour les exterminer. Cette fois encore, il allait falloir brandir cet instrument de son courroux.
En le levant bien haut au dessus de sa tête, il s'élança en direction de son étagère. Le maillet s'abattit lourdement, et il pulvérisa l'étagère, et tout ce qui s'y trouvait dégringola bruyamment au sol. Mais il avait raté le mulot, qui s'échappa pour aller se percher sur un gros sac de farine en toile de jute. Il l'y poursuivit en poussant un cri aigu, et abattit une nouvelle fois sa grosse masse de bois. Un gros nuage blanc de farine s'éleva, en poudrant tout son visage. Mais le mulot cavalait toujours, et alla prendre place sur un pot de confiture de groseille, qui ne tarda pas à exploser sous le maillet. La confiture macula le visage et l'habit du scientifique, se collant en plus dans la farine qui le recouvrait abondamment.
C'est à cet instant qu'il entendit toquer à la porte de son laboratoire. Le temps qu'il tourne la tête, le rongeur s'était carapaté. Le turinois souffla sur une mèche rousse de sa chevelure en bataille et la renvoya sur le côté de son front. Il alla ensuite ouvrir la porte et plissa les yeux en ne voyant personne. Ses bésicles étaient de guingois sur son nez, et il les rajusta, mais non, il n'y avait toujours personne.
Un raclement de gorge lui fit toutefois baisser les yeux, et il découvrit une chouette qui sautilla à l'intérieur de sa demeure. Avec la concentration de rongeurs au m² dans son laboratoire, il n'en fut même pas étonné. Les chouettes étaient bien les prédateurs naturels des souris et autres nuisibles à longues incisives.
"Mais... qu'est-ce que tu fais là? Et t'es qui toi?"
La chouette avait fait un bon mètre à l'intérieur quand elle se retourna vers lui pour le fixer avec ses grands yeux étonnés, avant d'avoir un mouvement de recul en voyant sa tête maculée de farine et de confiture rouge. Lui-même eut peur de son geste et fit un pas en arrière pour bousculer un petit meuble. La chouette s'avança en penchant la tête vers lui, et il fit de même, en laissant sa porte grande ouverte, son gros maillet toujours à la main, avec la masse qui frottait son plancher.
"Je suis Gertrude. On est où ici?"
Le turinois fit un bond en arrière en entendant l'animal parler, et c'est le poids de son maillet qui l'empêcha de se replier au fond de son laboratoire. Il écarquillait les yeux et dévisageait le volatile comme s'il était face à un prodige. D'ailleurs, un animal qui parle n'en était-il pas un?
"Tu es dans mon laboratoire, à Torcello, dans les marais de la lagune, pas loin de Venise. Mais qu'est-ce que tu fais là? Ce n'est pas un endroit pour les chouettes ici. Et encore moins pour les mulots!"
Il venait d'en revoir passer un, et il leva son lourd maillet de nouveau bien haut pour s'élancer vers un coffre où il rangeait des vêtements, sur le couvercle duquel un mulot trottinait. Le savant enjamba la chouette qui leva la tête en voyant le talon de sa botte la frôler de près. Une nouvelle fois, le maillet s'abattit en enfonçant le couvercle en son milieu. Le mulot sauta sur une table juste à côté et se retourna en faisant un "shhhhhhhh" agressif. Le turinois fit un grand bond en arrière, effrayé. Puis il se tourna vers la chouette, en pointant le mulot du doigt.
"Attaque Gertrude! Allez! Attaque! Le mulot là!"
La chouette sautilla pour se mettre bien en face de cet improbable tableau, puis elle cligna des yeux à plusieurs reprises, avec une mimique d'incrédulité propre aux chouettes et autres volatiles nocturnes. Puis elle secoua la tête.
"Non, je ne suis pas là pour ça.
Mais...
J'ai dit non!
Mais le mulot est là! Attaque!
Non!
Mais si!
Je t'ai déjà dit non!
S'il te plait?
Toujours non."
De désespoir, le savant baissa la tête, les bras ballants, tenant du bout des doigts le manche de son grand maillet, avec des yeux tout tristes et larmoyants. C'était un peu la faute à la farine qui lui irritait violemment les yeux, mais ses yeux étaient aussi en partie rougis par l'immense tristesse qui le submergeait en même temps que la déception. Cette chouette n'était décidément pas très coopérative. Presque comme ces sales petits mulots qui saccageaient son laboratoire et grignotaient ses textes. Ses précieux textes!
En désespoir de cause, il essaya de parlementer.
"Mais regarde Gertrude! Ils mangent mes ouvrages de médecine, et même mes formules mathématiques! Tu vas pas laisser faire ça quand même? Pense à Pythagore et à Thalès! C'est pour la science."
Le volatile restait imperturbable et continuait à cligner des yeux. Pire encore! Un mulot passa devant elle, s'arrêta pile devant, à moins d'un petit mètre, couina, renifla, et repartit comme si de rien était, sans être le moins du monde inquiété par cette chouette.
"Mais enfin Gertrude! Les chouettes mangent les souris! Et ça... C'est une souris! Il faut la manger! Allez quoi! Un peu de bonne volonté! Un bon geste! Alleeeeeeeeeeeeeez!"
Blasée. La chouette était tout bonnement blasée, et insensible à la vue d'un bon gros petit rongeur bien dodu et nourri au parchemin de vélin. Pour le turinois, c'était complètement insensé. Pour la chouette, voir un rouquin à bésicles lui demander de manger ses souris alors qu'elle venait lui taper la causette devait être tout aussi insensé. Après avoir cligné des yeux, elle fit demi-tour, et sautilla vers la porte encore grande ouverte. Une fois sur le pallier, elle se retourna en marmonnant.
"Complètement siphonné celui-là."
Cataldo l'avait suivie du regard et fit quelques pas vers sa porte alors que l'animal usait de ses ailes pour redécoller et voler vers d'autres cieux. Egoïste, pensa en son for intérieur le savant, qui lui avait toujours son problème de souris sur les bras. Un des mulots était même venu se poster sur son train arrière entre ses jambes, le nez levé pour voir volé cette chouette mal lunée. En grommelant dans sa barbe alors que le mulot cavalait se mettre aux abris, le scientifique referma sa porte en la faisant claquer.
Visiblement, pourchasser les mulots avec son maillet n'était pas une très bonne idée. A ce rythme-là, il n'aurait plus de mobilier avant la nuit. Il fallait donc opter pour quelque chose de plus subtil. Il alla à la malle qu'il avait ramené de Venise et dans laquelle il avait ses effets personnels. Il y a farfouilla après l'avoir ouverte, la tête enfouie à l'intérieur du coffre tandis qu'il était agenouillé devant. Quand il se releva, il tenait son tromblon à la main. Ils allaient voir, maintenant, les mulots. Ca allait moins rigoler maintenant. Peu après, au loin, on put entendre une détonation tonitruante et un cri désespéré.
"Encore raté!"
Milena Zenone [LS]
Invité
Sam 23 Fév - 23:00
Le réveil est lent et plutôt difficile. Encore endormie, je me redresse et prends place dans mon lit. Mes poings fermés viennent effleurer mes yeux en gestes circulaires. Vague bâillement. Je me relève définitivement et quoi qu'un peu trop vite, chancelant presque instantanément.
Merde.
Je glisse ma main contre un pan de mur et en un soupir tente de stabiliser tout ce qui tourne autour de moi. Je fais les gros yeux, tentant de distinguer le réel de l’irréel. Mes pieds nus sur le sol froid me maintiennent tant bien que mal à la réalité alors qu'une douce odeur de nourriture parvient à mes narines.
Vague sourire.
Vague gargouillement. Il n'en faut guère plus pour que je me redresse et me pavane comme un coq endormi jusque à la cuisine. Sur mon chemin, je croise Catullo et esquisse un poli sourire en sa direction. Ah, mon neveu, ce sale morveux. Que je l'apprécie.
La voix en moi semble endormie. Elle aussi, parfois, je l'apprécie. Surtout lorsque elle se tait. Se montre calme. Aujourd'hui, tout semble bien se passer. Tout semble calme alors je franchis le seuil du grand salon et prends place à table. Les serviteurs amènent un sacré lot de victuailles et je les remercie. Il n'y a pas de sous-peuple, de sous-mérite ou de sous. Enfin, des sous... Il y'en a ici puisque mon neveu est riche de ses inventions, de ses créations et que je suis riche des décès inopinés de mes anciens maris.
Quoi ?! Inopinés ? Milena ! Tu les as tous tués ! C'est qu'elle tente d'avoir bonne conscience tata-gueuse ! Mais qu'elle s'observe, qu'elle regarde ses mains tâchées un nombre incalculable de fois par le sang ! Hein ! La tata si, la tata ça mais la tata n'est plus si saine que ça !
Glissant mes mains tremblantes contre mon crâne j'inspire une bonne goulée d'air. Elle ne m'avait pas manqué, cette voix qui danse perpétuellement dans ma tête et me souffle ses caprices les plus fous. En une inspiration nouvelle, je détache ma dextre de mon crâne et me saisis d'un petit pain que je porte à ma bouche.
Mains tremblantes, coeur agité... Mauvais signe. Je croque et mâche instantanément pour occuper mon crâne en doux sons croustillants. Mélangé à la mie, le goût du pain réveille mes sens et je tente, vainement, d'y être sensible. Je tente de me concentrer sur ce vacarme alors que la voix, elle, s'agite désormais au loin. De plus en plus silencieuse, de moins en moins présente, elle s'efface pour quelques instants et je termine de déjeuner avant de retourner à l'étage pour me donner un peu de prestance car... Aujourd'hui, c'est jour de marché dans la grande et belle Venise ! Je pars seule, à la recherche d'étoffes. Inutile d'avoir un garde, inutile de partir avec une quelconque amie car en ces lieux saints je suis seule. Moi, seule. Seulement moi et cette voix, cette présumée amie qui martèle mon crâne de ses bons conseils. Quelques goûtes de parfum, une jolie robe, des chaussons confortables, une feuille, mon encrier, le tout dans un sac quelconque et me voilà parée pour l'aventure.
A pieds.
Oui ! A pieds. Je n'aime pas dépendre d'une calèche quelconque. A chaque fois, c'est la même. La calèche me dépose à Venise, s'éclipse en me promettant de revenir avant la tombée de la nuit et le coche finit ivre mort au bon milieu d'une taverne, entouré de quelques putains et surtout, d'une multitude de verres d'alcools divers.
Non, j'ai donné.
Alors, avec mes petits pieds je foule d'abord les chemins des jardins. L'hiver s'efface progressivement, j'apprécie les rayonnements du soleil. Je...
Bah ton mari aussi, il appréciait les rayonnements du soleil ! Avant que tu l'étrangles. L'ET-RAN-GLE, TATA ! Il appréciait même le bon petit pain que tu t'es enfilé ce matin ! Quoi ? Un retournement d'estomac à l'idée ? Oh, pauvre petite chose ! N'oublie pas que tu es une meurtrière et qu'ensemble, on va faire de grandes choses ! D'ailleurs, c'est quoi ce bruit répétitif ? Tu n'entends pas ? Tu m'entends que moi ? Oh Milena ! Cesse donc de vouloir me faire taire ! Tu ne peux pas lutter contre moi ! Je gagne toujours. Et quand je gagne, tu sais toi même ce qui se passe.
Sur le chemin poussiéreux désormais qui mène à la ville, je ralentis le pas. Je...
BAH ALORS ?! Magne toi le cul bon sang ! La ville ne va pas venir à toi ! Tu penses qu'en te nommant Milena Zenone, tout va venir à toi ?! Et puis, pourquoi tu prends place sur un tronc d'arbre ?! On avait dit les étales du marchés ! C'est même pour ça que t'as une grosse bourse entre les deux jambes ! Bah ouais, reliée à ta ceinture tata ! C'est pour acheter une multitude de choses. Ne t'arrête pas je...
Qu'est-ce qu'il veut le pouilleux à tes côtés ? Pourquoi il vient voir comment tu te portes ? C'est quoi ce personnage ?! La bienveillance pathologique, moi, ça m'fait peur ! Alors tu vas gentiment lever ton cul d'cet arbre et on va gentiment voir ailleurs. Quoi ? Tu blêmis tu ne te sens pas bien ? MAIS RELÈVE TOI BORDEL A CUL ! Ecoute moi ! T'es censé m'écouter car toi et moi, c'est à vie Milena ! A vie ! Tu m'entends ?! JE SUIS TA SEULE AMIE !"
Fébrilement, je tente. Je tente le tout pour le tout alors que l'inconnu qui me regardait de façon étrange s'éclipse, m'abandonnant à mon triste sort. J'extirpe de mon baluchon mon encrier, mon calepin. Mon plan de secours. Mon unique chance de survivre. Mon unique espoir de vivre et je note de ma plume tremblante, assise sur le tronc, en équilibre précaire avec tout mon beau matériel :
"Cher toi,
Si un jour tu en viens à lire ce papier, c'est que je suis probablement morte. Oui, comme mes maris. Comme ceux que j'ai pu chérir jusque alors. Alors, permets moi de te dire que ma vie n'a pas été un long fleuve tranquille, ici, à Venise. J'ai actuellement, quelqu'un qui me suit au quotidien. Quelqu'un qui n'a de cesse chanter, clamer, ses intentions, ses envies et ses bons conseils. Cette personne ne cesse jamais de parler. Elle ne s'efface que très rarement et si elle le fait, c'est pour mieux revenir ensuite. A ma connaissance, elle n'a pas de nom, n'a pas de prénom. Elle est simplement présente, oppressante.
J'ai peur.
Je ne sais pas si tu connaîtras la descendance des Morgloria. Sache qu'elle crie, beugle, autant que eux et que c'est un enfer que de vivre avec elle au quotidien.
Malheureusement, nous sommes liés. D'une façon ou d'une autre, je ne suis rien sans elle et elle n'est rien sans moi. Je la vois actuellement, au moment où j'écris en relevant parfois mon regard en sa direction, comme étant élancée, grande et assez fine. Elle est recroquevillée. Car je ne l'écoute plus. Je fais abstraction de ses paroles. De ses volontés. Elle n'est pas bien. Elle se cache derrière sa tignasse. Ses cheveux sont longs, bruns et un sourire narquois marque son visage car elle sait, car elle voit ce que je te note. Son regard semble assez vide, étrangement et seules des lueurs malicieuses y sont visibles. Ou démoniaques, au choix selon ses humeurs. Tu sais, elle est recroquevillée sur elle même lorsque je hurle, elle jubile lorsque je tue.
Si elle existe toujours dans le futur, j'espère qu'elle ne te tuera point.
Cette personne est persuadée de bien œuvrer pour moi. Elle est persuadée de me donner les bons conseils, au bon moment. Moi, je ne suis qu'amour. Elle, elle n'est que haine. Ensemble notre duo d'insatisfaites et d'insatiables de la vie ne tient pas vraiment la route.
Pour exemple, je viens de croiser une personne. Elle aurait apprécié que je porte mes mains autour de son cou et que je l'étrangle. Tu sais pourquoi ? Toi du futur ? Parce-que cette personne s'est un peu trop approchée de moi ! Et que ce brave homme nous a regardé, selon elle, de travers !
Alors, aujourd'hui j'ai décidé d'écrire. Ecrire pour moins souffrir en m'adressant à une personne du future. Une personne qui pourra émettre tous les jugements qu'elle veut car moi, je ne serai déjà plus de ce monde.
Milena Zenone, jour 1, premier samedi, du second mois de l'année 1479."
Inspiration.
Expiration.
Maximum 100 caractères !
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Date d'inscription : 22/01/2019
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Jaune
Dim 24 Fév - 1:20
Ces divagations ne conduisent nulle part, n’ont aucun sens, avanceraient même les plus sceptiques et, pourtant, au sein de l’absurde qui règne en Esquisse elles prennent tout leur sens – non pas car le dada y est maître, mais car le dessinateur dédaigne les poursuites intellectuelles qui lui permettraient de comprendre ce qui l’entoure et, au contraire de la bulle de savon, de s’approprier son destin en façonnant l’Esquisse. Ce n’est toutefois pas une telle destinée que le cyantifique nommé Wittgenstein poursuit à travers ses réflexions sur le sujet, mais bien une contribution aux premières ébauches – déjà – de la Révocabulation, lorsqu’il était encore compréhensible sans que l’alcool ne coule de ses lèvres à ses veines – avant qu’il n’ait ajouté à son dictionnaire tous ces mots bien sensés et constroposistinents pour lutter contre l’épistessence rigéfaillante de tous, dessinateurs comme cyantifiques. À la place, ce sont sur les Objets que ses pensées se fixent, ces entités bien étranges qu’il ne comprend guère lui-même mais auxquelles ces collègues affublent des noms ridicules et inexacts, bien loin du pyjamarteau de Wittgenstein ; il ne revient donc qu’à lui de corriger, changer, et nommer tout ceci proprement d’autant plus qu’il vient, justement, d’en découvrir une sorte qui n’a encore été que peu observée, celle qui s’immisce dans la réalité à partir de vos pensées, qui prend forme charnelle et disparaît comme une bulle de savon lorsque la pensée divague pour revenir à l’assaut lorsqu’elle se fixe à nouveau sur l’Objet.
Cette découverte, le cyantifique la doit à une lettre qu’il a découverte au détour d’un chemin, semblant se diriger par elle-même du marché à la bibliothèque mais ne rechignant pas à être lue, être décortiquée par un Wittgenstein toutefois incrédule comme à son habitude face aux mots qu’il y a lus, aux tournures de phrases qui y sont employées, et à l’exactitude associée à tout cela. Cela sans bien sûr accorder la moindre attention aux spécificités informationnelles associées : l’optimisation de l’entropie et la poursuite de ses précédents travaux ne peut décemment se faire qu’à partir d’un langage commun, d’un parlé qui permet convenablement l’analyse des fonctionnalités spécifiques de la traduction automatique esquisséenne de part la rigueur et l’exactitude des fonctions impliquées dans la création des mots ainsi que leurs liens aux hypothèses émanant des recherches antérieures – la justesse et le maintien d’une cohérence épistémologique jusque dans les mots eux-même, et tous les bénéfices pouvant en découler tant pour les cyantifiques que les dessinateurs n’étant que cerise sur le gâteau imagé du langage. La lettre en question, il avait comencé à la reprendre, la réécrire à sa manière et selon les souhaits de la Révocabulation – inventant au passage des mots sur celle-ci, mots qu’il ajouterait ou non à ses travaux à la suite des tests pratiques indispensablement associés à toute démarche cyantifique et innovante au sein de la Révocabulation, à l’élévation du langage ainsi esquissé au-dessus du statut-même de langage.
Griffonnant au cours de la lecture sans même prendre le temps de tout comprendre, de tout connaître du contenu de cet Objet – chaque mot, même faux, pouvant toujours resservir par la suite puisqu’il resterait correct pour la situation initialement supputée – il avait substitué des mots ça et là, et la lettre en était même venu à se débattre vigoureusement entre les mains de son ravisseur à force d’être raturée et salie par la plume du cyantifique – tant de déboires auxquels elle n’avait pas consentie lorsqu’elle ignorait encore à qui elle avait affaire, à quel fou appartenait cette main l’ayant empoignée. Les salutations initiales trop peu précises furent dûment remplacées par une série de caractères découverte par Wittgenstein au cours de ses travaux précédents, et qui avait – elle – le bon sens de s’adapter à son lecteur, formant le nom avec lequel il s’identifiait plutôt qu’une appellation générale. De mêmes, les jours laissairent naturellement leur place aux « griljours » selon les constats des recherches les plus avancées de l’Esquisse en la matière et les normes associées – qu’il ne rechignait pas à employer puisqu’ayant aidé à leur création. La mort, elle, en vînt à être dûment relativisée par un effacement possiblement temporaire de l’existence pour lequel le juste mot fut « exiffacement » faute de réflexion plus aboutie de la part du cyantifique, mais qui commente à merveille la situation face à laquelle il se retrouve désormais confronté. En effet, au milieu de tout ce travail de la plus haute importante, l’intrus se tenant désormais devant lui est apparue.
Celle étant décrite dans la lettre.
Cet être à la morale discutable qui, sous couvert d’être votre ami et ne vouloir que votre bien, tente tant bien que mal de vous distraire de considérations plus importantes voires urgentes à l’instar de la Révocabulation tant appréciée par Wittgenstein. Cet ami qui ne cesse d’apparaître et de disparaître au gré des pensées du cyantifique comme en ont témoigné – et continuent à le faire – les bruits d’objets tombant par terre ou faisant des pirouettes jusqu’à s’envoler d’eux même dans le Ciel – ceux saisis par l’Objet que l’auteure de la lettre osait décrire comme une simple personne mais dont l’existence est autre, l’intermittance de sa présence se faisant ressentir sans l’ombre d’un doute. Dans un premier temps ignorée par un esprit trop occupé par ses corrections, la présence devient enfin le centre de l’attention de Wittgenstein lorsqu’il se retrouve confronté à la difficulté de la nommer – puisque laisser une appellation telle que « quelqu’un » ou « personne » être employée dans le texte ne serait que honte et trahison de la part de celui-ci. Cela le conduit par ailleurs à penser aux bulles de savons, à s’interroger sur l’ontologie d’une telle existence et la continuité de sa conscience au cours du temps, celle qui est somme toute au cœur de l’être.
La machine ainsi mise en route se met à poser des questions, à forcer interactions et analyses pendant ce qui serait, sur Terre, considéré comme plusieurs heures mais n’est même pas une fraction de ce jour dans l’Esquisse. Cela s’avère toutefois inutile, cogiter ne résolvant qu’à moitié le problème – qui plus est lorsque la réflexion se trouve continuellement interrompue par des bruits inopportuns et des commentaires dont pourrait se passer Wittgenstein. Ce n’est finalement qu’en relisant encore une fois tout ce qu’il a soumis à la Révocabulation, tout ce texte déjà remanié et n’attendant désormais plus qu’une touche finale de sa part que se produit l’épiphanie. Toutefois, elle ne vient pas consacrer tous ces efforts puisque provenant à la place de divagations de l’esprit fatigué du cyantifique, de pensées intrusives consacrées à des romans qu’il lisait précédemment et pour lesquels les mots laissaient également à désirer. Prenant sa plume, il baptise finalement celle qu’il a dû supporter tout ce temps déjà, la condamnant par la même occasion à ne plus faire partie de ses pensées puisqu’elles se tournent fatalement vers le reste de sa mission, à ne plus exister que par autrui. Tout cela avec un unique mot : Bulle-Ami.
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