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Bureau d'étude des Tempêtes (ex bureau sombre)

Folie d'Esquisse
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Folie d'Esquisse
Mer 6 Avr - 22:15

Bureau d'étude des Tempêtes



Cette porte donne sur un autre petit bureau, plus meublé que celui qui se trouve à deux ouvertures d'ici. Et surtout plus bordélique, au regard des babioles, des sachets vides et des feuilles en vrac qui en masqueraient presque le beige de la table qui se trouve en-dessous, ce malgré la présence de petites armoires contre le mur, derrière le bureau. Les pauvres semblent déborder de feuilles, de classeurs et d'objets qui n'ont sans doute rien à faire dans un tel endroit.

Au Jour 24, la pièce était faiblement éclairée, mais les actions d'un certain électricien ont permis de faire la lumière sur ce bureau, dont la véritable fonction est devenue plus évidente.

Etat de la fouille : Entamée.
Objets découverts : Théorie des Agitations, Relevés météo, Journal d’Al-Qasim
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Mar 10 Mai - 22:45
    En passant la porte ouverte par Kaoren, j’entends un peu vaguement des voix. Parmi elles, celle de Crevette qui râle, pour changer. Dans le bureau, je cherche son interrupteur, et après l’avoir trouvé, j’appuie dessus. La lumière s’allume dans la pièce, dévoilant le bazar encore présent. C’est bien le bureau où j’ai réparé les ampoules. Apparemment, c’est aussi une salle où on étudie la météo de l’Esquisse. On va donc y apprendre plus sur elle, et notamment sur les Tempêtes.
    Je me tourne vers Kaoren et lui écris :
    « Si tu es d’accord, Kaoren, je te propose de fouiller le bureau pour y chercher des informations sur les Tempêtes. »
    En écrivant ce dernier mot, il me vient à l’esprit que je ne suis pas certain de ce qu’elles sont exactement. Même si Isolde en a parlé, je trouve qu’elle a donné trop peu d’informations à leur sujet dans son discours. Elle a sans doute fait un bilan de ce qu’elle et la plupart des Dessinateurs ont appris sur elles. Cependant, je ne sais pas grand-chose sur elles hormis ce qu’Isolde a dit dans son discours.
     J’ajoute alors avec embarras :
    « Excuse-moi, Kaoren, mais même si Isolde a parlé des Tempêtes, je ne suis pas sûr d’avoir compris ce qu’elles sont. »
    J’hésite à lui demander des explications à leur sujet. Il sait sans doute mieux que moi ce que sont les Tempêtes mais je crains que sa réponse ne soit pas claire.
    Bon, il ne coûte rien de tenter de l’interroger dessus :
    « Je crois que tu es dans l’Esquisse depuis plus longtemps que moi. Qu’est-ce que tu sais des Tempêtes ? »

Résumé:
Kaoren
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Kaoren
Lun 23 Mai - 8:43
Vient des couloirs


La réponse à sa dernière question n’aura pas tardé : Kaoren est ici pour faire acte de ses connaissances sur les Tempêtes. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard, s’il a été invité à monter dans ce bureau en particulier. Dans un autre, Kaoren n’aurait rien eu de plus à partager que ce que sait tout un chacun. Peut-être aurait-il eu une réplique un peu plus personnelle, à une occasion précise : on lui aurait montré un annuaire local, l’aurait interrogé sur la question de la bureaucratie cyantifique, il aurait eu un commentaire sur la vanité qui l’enrobe. Mais ici, il peut dire ce que peu d’autres pourraient ; la question des Tempêtes est proche de lui, tellement proche qu’il en a pu ressentir le souffle jusque dans ses vêtements et ses cheveux.

Après avoir lu le carnet d’André, Kaoren se prépare donc à sa réponse. Il tire une chaise à proximité et s’installe dessus, pour suggérer que son explication sera longue, puis il prend une lente inspiration, et commence enfin d’une voix posée :

« Les Tempêtes sont l’ultime argument de l’Esquisse. Elle aime faire changer les choses à sa guise : tu la verras souvent faire s’envoler un crayon, changer de couleur une pomme, créer des chimères dont aucun mythologue ne voudrait entendre parler. Mais parfois, c’est une scène entière qu’elle a besoin de redécorer. Alors, comme lorsque l’intrigue d’une pièce de théâtre doit subitement prendre une nouvelle direction, elle fait fi de tout souci de cohérence, et laisse descendre sur scène les divinités cachées dans sa machinerie. »

Ce disant, Kaoren mime avec ses bras la descente d’une cage suspendue. Puis il marque un bref instant de silence, regardant dans les yeux cette divinité qu’il semble venir d’invoquer, avant de reprendre :

« Alors viennent les Tempêtes. Elles sont autant de coups de gomme que de coups de crayons, corrigeant d’un élan effréné toute chose se tenant sur leur passage, et ayant le malheur de ne pas plaire à l’Esquisse. Pendant quelques instants, parfois quelques minutes, peut-être même plus longtemps quand le sujet est délicat, plus rien n’a alors vraiment de sens ; là où elles frappent, on ne peut vraiment dire ce qu’on voit. Pareille au renard, on ne regarde pas la Tempête qui passe, mais on la regarde quand elle est passée. Et quand elle est passée, c’est un décor nouveau qui atteste de son passage. »

La plupart de ces informations ne lui viennent que d’ouï-dires, lui qui n’a vu de ses yeux qu’une Tempête inoffensive. Mais depuis qu’elle a déferlé devant lui, c’est comme s’il y avait tout vu, comme s’il avait lui-même été frappé de plein fouet. Alors il se permet de parler comme s’il savait ce que c’est, d’être changé à jamais par une Tempête.

De fait, son exposé pourrait s’arrêter là, mais il a encore quelque chose à ajouter : comme à ceux qui l’ont si mal écouté hier, il veut détailler ce qu’il a vu. André l’écouterait ; c’est pour ça qu’il est là. C’est même probablement pour ça que Kaoren est lui-même présent.

« Je ne prétends pas connaître les raisons qui peuvent pousser l’Esquisse à vouloir corriger les choses ; peu de gens le peuvent, et la plupart d’entre nous se contente d’observer les Tempêtes en conjecturant sur leurs causes. Mais les Cyantifiques en savent plus que nous. »

Il adopte un air plus sérieux.

« Je les ai vus, de mes yeux vus, invoquer une Tempête derrière le Laboratoire. Ils s’y sont pris en rassemblant des objets divers, d’apparence banale, bien plus que ce à quoi cet univers nous habitue. Sans doute était-ce une provocation, un appel à ce que l’Esquisse vienne corriger ces choses dont la banalité lui déplaisait. Tel Escamillo agitant son foulard pour défier le taureau, ils jouent avec le danger qui leur fait face, certainement sans se douter que le destin pourrait frapper d’ailleurs. »

Neutralité n’est plus et n’a jamais été le mot d’ordre ; Kaoren ne cherche pas à influencer André, trop fidèle à son rôle de témoin, mais il ne doute pas un seul instant de l’hybris des Cyantifiques, ni du sort que l’Esquisse leur réserve. Il appelle un chat un chat, un chien un chien, et une bande d’inconscients une bande d’inconscients. Loin de son confident de cuivre, il ne réfléchit plus vraiment à ses jugements ; ses propos sont directs et certains, pareils à ceux du professeur qu’il a été dans une autre vie.

Car c’est aussi cela que c’est, Kaoren. Entre tous les masques qu’il s’accorde régulièrement le devoir de porter, il en est un qui porte le même nom que lui, ou presque. C’est celui d’un Kaoren passé, dont il a oublié bien des traits, mais dont l’Esquisse se les rappelle sans doute tous. Son personnage exige une certaine continuité, d’hier à aujourd’hui, et c’est dans son nouveau discours qu’il la trouvera.

Alors, l’exposé ayant pris fin, il fait maintenant silence ; il croise les jambes, s’adosse sur sa chaise, et se montre ouvert aux nouvelles questions que pourrait lui poser son compagnon. Il se montre encore comme ce professeur aux vérités de prophète, que l’on viendra interroger chaque fois que la pièce prendra un nouveau tour, pour mieux en exprimer les enjeux. Car c’est aussi cela que c’est, Kaoren.


Résumé:


Dernière édition par Kaoren le Lun 4 Juil - 10:13, édité 1 fois


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Ven 27 Mai - 12:28
Kaoren tire une chaise à proximité et s’y assoit. Je sens alors que son explication va être longue, donc je me prépare à l’écouter et à prendre des notes. Il inspire longuement et commence à parler d’une voix posée.

Des changements se font dans l’Esquisse. Vu ma nouvelle forme et ce que j’ai observé dans l’observatoire, ce n’est pas moi qui vais le contredire. Parfois, c’est un lieu qui change. Avec les personnes qui s’y trouvent ? Quand Kaoren fait référence au deus ex machina, je me demande si c’est juste une métaphore ou s’il croit en l’existence des divinités qu’il évoque. On ne sait jamais, avec lui. Mais peu importe ce qu’il croit, via cette image je crois comprendre que les Tempêtes effectuent une modification d’un lieu. Kaoren me confirme cette idée par de nouvelles images. Pendant que les Tempêtes opèrent, plus rien n’a de sens dans le lieu qu’elles modifient. Quand elles ont fini, on voit un nouveau décor du lieu qu’elles ont changé. Il semblerait qu’on ne parle pas des mêmes tempêtes que sur Terre. Certes, les tempêtes terrestres altèrent aussi le paysage, mais je ne pense pas qu’on parlerait de coups de crayons et de gommes pour décrire ce qu’elles font.

Il ajoute ensuite que les Cyantifiques en savent davantage que nous. Je trouve d’abord cette affirmation trop évidente, mais en le voyant prendre un air sérieux, je comprends qu’il veut dire autre chose. En effet, il déclare les avoir vus provoquer une Tempête derrière le laboratoire en rassemblant divers objets d’apparence banale. Par les jugements qu’il fait de cet acte, je comprends qu’il ne porte pas ces personnes dans son cœur. Après son témoignage, il croise les jambes et s’adosse sur sa chaise, ouvert aux questions que je pourrais lui poser.

Concernant ce témoignage, je me demande s’il est véridique. Je ne le soupçonne pas de me mentir, mais vu sa folie, il est possible qu’il ait inventé cette histoire en la croyant vraie. Même s’il y a une part de vraie, il peut aussi avoir mal interprété ce qui se passe. Ses souvenirs peuvent aussi être déformés. On n’a pas besoin d’être fou pour que cela se produise, c’est d’ailleurs pour cette raison que les témoignages sont des preuves faibles. J’aimerais bien savoir s’il avait été accompagné, car s’il l’était, cette personne pourrait m’éclairer là-dessus. Je pourrais aussi demander aux Cyantifiques mais je suis moins sûr que ce soit une bonne idée car si c’est vrai et s’ils ont intérêt à le cacher, ils préféreront me mentir.

Si ce que Kaoren m’a raconté s’est réellement produit, alors cela soulève plusieurs questions. Pourquoi ont-ils fait ça ? Je crois qu’ils ont fait une expérience, mais pour observer quoi ? Dans quel but ? Je crois comprendre que Kaoren n’était pas au courant de cette expérience avant d’y assister. Est-ce qu’ils avaient prévenu les autres occupants du laboratoire de ce qu’ils feraient ? Si non, je trouve ça imprudent voire inconsidéré de leur part. A tout moment, un Dessinateur aurait pu se rendre derrière le laboratoire et altérer l’expérience, voire devenir une victime de la Tempête. Quand j’y pense, est-ce que les Cyantifiques contrôlaient cette Tempête ?

Après avoir réfléchi à mes questions sur ce qu’il m’a dit, je les marque sur mon carnet :

« Tu as dit que les Tempêtes modifient le décor d’un lieu. Est-ce qu’elles modifient aussi les personnes et créatures qui se trouvent dans ce lieu ? Et concernant ton témoignage, quand ça s’est produit, est-ce que tu étais avec une autre personne ? Aussi, quels objets les Cyantifiques ont utilisés, exactement ? Et comment les ont-ils utilisés pour provoquer une Tempête ? Enfin, quand ils l’ont déclenchée, qu’est-ce qui s’est passé, ensuite ? »

Une minute, qui sont les Cyantifiques, exactement ? J’ai cru comprendre que l’homme étrange aux cheveux bleus et l’homme musclé vu dans les couloirs en font partie, mais je ne connais même pas leur nom. J’ajoute une autre question :

« Aussi, qui sont les membres du groupe des Cyantifiques ? »

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Kaoren
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Kaoren
Lun 4 Juil - 18:08


Les questions fusent sur cet innocent morceau de papier. Elles demandent des précisions, des détails dont beaucoup ne semblent pas revêtir une grande importance ; faut-il bien rappeler tout ce qui s’est déroulé la veille, et que ce public ineffable qui les guette a déjà sciemment observé ? On ne parviendra qu’à le lasser. Peut-être quelques mots seront-ils de circonstances, à l’attention des spectateurs moins réguliers qui vont et viennent au cours de la représentation, ainsi qu'on le fit si longtemps ; après tout, l’Esquisse relève d’un théâtre bien populaire, comme l’ont montré tous les signes qu’elle lui a adressés à ce jour. Mais il ne se perdra pas en longues tirades.

Une par une, le regard hésitant, il détaille les interrogations sur la page du carnet, réfléchissant à l’ordre dans lequel il veut y répondre. L’audience ne peut les lire, peu lui chaut qu’elles soient présentées dans le désordre ; Kaoren cherche seulement à donner plus d’impact à son discours en réservant les questions les plus conséquentes pour la fin.

« Oui, commence-t-il enfin sans trop savoir ce à quoi il acquiesce. Il y avait cinq Cyantifiques : Hertz, le patient, Watt, le colérique, Watson, l’égaré, Curie, la taciturne, et Dalton, le guilleret. Manquaient Wilkins, l’imprévisible, et Averroès, le robuste. »
Chacun y va de son épithète : Kaoren tente de décrire le groupe aussi expressément que possible pour se focaliser sur les sujets qu’il considère plus sérieux.
« Ils avaient rassemblé des objets de toutes natures – des meubles, des outils, ou des vêtements – autour d’un petit arbrisseau, aux feuilles aussi vertes que le manteau d’Al Khadir. Nous étions deux à les observer, mais la déflagration est survenue avant que l’un ou l’autre d’entre nous ne parvienne à distinguer un geste anormal qui pût la provoquer. J’en remercie parfois le Ciel, je ne sais pas comment je pourrais vivre avec un tel savoir sur la conscience. »

Pour sûr, le pouvoir d’incanter la fureur des Tempêtes est de ceux dont Kaoren se passerait bien. Depuis qu’il a commencé à encrer les traits de son personnage, la tentation de l’outrepasser s’est faite chaque instant plus forte. S’il pouvait à sa guise bouleverser le synopsis de toute la pièce, à chaque écart qu’il lui prendrait de vouloir corriger, le conseiller des hommes pourrait bien devenir le fléau des dieux, ou s’effacer lui-même dans un ultime élan de vanité.

« Car les Tempêtes changent les hommes comme elles changent les terres. De la même façon qu’à l’entrée de l’Esquisse, on peut se découvrir un personnage nouveau à la sortie d’une Tempête. Le mien n’a été qu’une infime variation sur un thème imposé depuis longtemps, mais certains en ressortent entièrement renouvelés. Toi qui te présentes sous les traits d’une modeste libellule aujourd’hui, tu pourrais en ressortir sous ceux d’un immense léviathan demain. »

Il se tait sur cette ultime déclaration. Toutes les questions ont été traitées, et la balle renvoyée à André, car c’est lui qu'elle concerne. Toujours assis sur sa chaise grossière, trône de celui qui n’en réclame aucun, il attend que son compagnon reprenne le bâton.


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Ven 8 Juil - 13:30
    Kaoren parcourt mon carnet d’un regard hésitant. Je reste les yeux rivés sur lui, en l’attente de sa réponse.
    Après un bon moment de silence, il me répond enfin. En commençant par les cyantifiques… D’accord… Je commence à prendre des notes. En l’écoutant et en notant ce qu’il dit, je me rends compte qu’ils portent tous le nom d’un scientifique terrien. Pourquoi font-ils cela ? Serait-ce pour rendre hommage aux scientifiques terriens dont ils portent le nom ? Je poserai plus tard ces questions à l’un d’eux, si j’arrive à le reconnaître, ce qui n’est pas gagné avec cette manière dont Kaoren m’en parle. Je ne pense pas qu’un nom et une épithète pour chacun suffiraient à en identifier un seul.
    Il me décrit ensuite ce que les cyantifiques ont fait pour provoquer une Tempête. Ils ont rassemblé des meubles, des outils, des vêtements autour d’un petit arbrisseau. Je me demande comment ces objets entourant ce végétal ont pu au moins aider à déclencher cette Tempête. Il dit brièvement qu’ils étaient deux à en être témoins, sans toutefois me dire qui est l’autre personne, pour me préciser ensuite qu’ils n’ont pas pu voir un geste anormal qui aurait pu provoquer la Tempête.
    Il m’affirme ensuite que les Tempêtes changent les hommes comme elles changent les terres, en les comparant à l’entrée dans l’Esquisse. Là, j’ai du mal à voir s’il le dit au sens littéral ou imagé, mais je le vérifierai plus tard. Je comprends moins ses paroles suivantes. A-t-il été dans une Tempête, pour me parler ainsi de lui-même ? Et ce qu’il dit après, est-ce une métaphore ?
    Quand il a fini, je le regarde un bon moment, essayant de digérer sa réponse. Je tente ensuite de consulter mes notes. Il a comparé le changement des hommes à leur sortie d’une Tempête à celui auquel ils ont eu droit à leur entrée dans l’Esquisse, comme si on avait affaire au même phénomène. J’ai cette forme de grosse libellule depuis que je suis dans ce monde. En fin de compte, je ne crois pas qu’il ait parlé de ce genre de changement au sens métaphorique. Par contre, je me demande encore si Kaoren a été pris dans une Tempête qui lui aurait donné ce corps d’adolescent, ou peut-être cette folie.
    Je réfléchis aux autres questions que je pourrais lui poser. J’en ai sur l’identité des cyantifiques, mais vu sa réponse à ma question là-dessus, ce sujet n’a pas l’air de beaucoup l’intéresser. Celui concernant l’autre témoin du phénomène qu’il m’a raconté semble avoir le même souci. Le problème, c’est que j’aimerais entendre la version de cette personne, pour pouvoir démêler le vrai du faux dans ce que m’a dit Kaoren… En espérant que l’autre témoin ne soit pas aussi fou. Je pourrais aussi demander aux cyantifiques de m’en dire plus, mais je crains qu’ils refusent de m’en parler ou me le nient même si c’était vrai.
    Je décide de lui faire part de ces interrogations :
    « Tu m’as dit avoir été deux à assister à ce phénomène. Qui est l’autre témoin ? Je me pose aussi des questions à ton sujet, mais je crains qu’elles soient indélicates et indiscrètes. Si tu ne veux pas y répondre, tu peux me le dire. Est-ce que tu as été pris dans une Tempête ? Si oui, est-ce cette Tempête qui t’a donné cette forme ? Aussi, tu m’as dit que ton personnage n’a été qu’une infime variation d’un thème imposé depuis longtemps. Quel est ce thème, exactement ? »
    Une autre question me vient. Sans réfléchir, je la marque sur mon carnet :
    « Et qui tu étais, avant d’arriver ici ? »
    Je réalise que j’ai dérivé. Je voulais l’interroger sur les Tempêtes, je me retrouve à le questionner sur lui-même. Mais depuis son dernier discours, ces questions à son sujet me taraudent l’esprit, et je pense qu’on a encore le temps d’en parler. Je décide donc de les garder.
    Je lui montre enfin ce que j’ai écrit.

Notes:
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Kaoren
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Kaoren
Lun 8 Aoû - 8:51
À nouveau, Kaoren étudie la page du carnet sans dire un mot, relevant une par une les questions et les informations qui lui sont adressées. Le silence se fait long, bien plus de secondes s’écoulent qu’il n’en faut pour lire cette petite feuille ; depuis déjà quelques instants, ce n’est plus la lecture qui occupe l’esprit du garçon, mais la lente réflexion qu’elle lui inspire. Toutes ces interrogations, banales en apparence, portent sur le sujet sur lequel Kaoren a coursé le plus de doutes : lui-même. Si les réponses qu’il a données à André jusqu’ici se souciaient peu d’être justes et précises, celles qu’il s’apprête à lui présenter maintenant pèsent bien plus lourd sur sa langue. Il les forge, les façonne et les aiguise depuis hier soir, après en avoir trimballé le minerai brut pendant dix jours, et il ne se permettra pas, à ce stade de l’intrigue où son personnage se révèle, d’ y laisser une seule aspérité.

Avant toute chose, il se débarrasse de la question concernant sa compagnonne ; ce n’est pas qu’elle manque d’importance à ses yeux – bien loin de là –, mais il ne sait pas comment la concilier avec les autres. Il choisit de la traiter comme un sujet à part entière :

« À mes côtés, il y avait Alev ; cette jeune femme montrait un courage et une droiture que peu ici savent égaler, et qu’aucune des Tempêtes qu’elle a traversées n’a jamais su briser. Au contraire, quand nous avons bravé les Cyantifiques à la fin du cataclysme, elle leur fit face avec la sévérité de Gilgamesh au devant d’Ištar. Si les Tempêtes l’ont changée, ce n’est qu’en attisant encore l’aversion qu’elle leur vouait, ainsi qu’à ceux qui les provoquent. »

Kaoren se permet ce petit hommage à celle qui l’avait accompagné hier, à la même heure, et dont le panache avait sans doute inspiré une grande partie de la tirade qu’il avait adressée aux Cyantifiques. C’est à ses côtés, pour la première fois depuis des jours, qu’il a daigné jouer sur le devant de la scène, plutôt que d’aller affronter des araignées dans des recoins sombres où l’héroïsme n’est rien. Et puis…

« C’est à elle que l’on doit d’avoir vu Cyantifiques et Dessinateurs se rassembler hier où leur assemblée s’est tenue. Sans la sagesse et la tempérance dont elle a fait preuve, j’aurais brûlé d’un coup de sang les graines de cette entente. Car moi… »

C’est l’instant qu’il choisit pour répondre à toutes les questions d’André qui le concernent personnellement. Il prend encore quelques secondes de pause pour organiser ses propos dans sa tête, puis déclame enfin :

« Moi, je n’ai que faire des conséquences de mes propos. Je ne fais que parler pour les absents qui ont des choses à dire. Aujourd’hui, devant toi, je suis le témoin de tous ceux qui ont connu les Tempêtes, et c’est par leurs visions que je te les relate. Dans une autre vie, j’ai parlé pour les artistes d’antan ; j’ai enseigné leur peinture, leur poésie et leur musique à tous ceux qui n’y avaient pas assisté. Et demain, où que les vents m’entraînent, j’irai sans doute rapporter d’autres paroles à d’autres oreilles venues les quérir. Peut-être seront-ce les tiennes, celles d’Isolde, celles des Cyantifiques, ou même celle de l’Esquisse. »

Il reprend doucement sa respiration, profitant du fait que son interlocuteur ne risque pas de l’interpeller au milieu de son discours. Vieux réflexe de professeur, sans doute, ou simplement le poids de ses mots qui se fait ressentir ; c’est qu’il est encore peu serein à l’idée de décrire son personnage aussi clairement, et graver enfin dans le marbre ce qu’il avait esquissé jusqu’ici sur des feuilles qu’il laissait s’envoler.

« Sous la Tempête d’hier, j’incarnais plus de mânes que je n’en peux compter. J’ai parlé pour tous ceux qui n’avaient plus de voix, de souffle ou d’avenir, rien que de la rancune pour ce monde où ils gisent désormais. Ceux-là n’ont plus le souci de ce qui est, et moins encore de ce qui sera ; leur aversion est brute, à l’instar des propos que j’ai soutenus. »
Kaoren parle maintenant moins à André qu’à lui-même ; ce qu’il raconte ne fait plus écho qu’à des choses que la libellule n’a pas connues. Ce n’est qu’à son invisible audience qu’il les adresse.
« C’est pourquoi il a fallu un autre personnage, plus unique, capable de porter la sagesse que les victimes de l’Esquisse n’ont plus. Quelqu’un pouvant se défaire de son parti pour tendre la main à l’autre. Je ne le peux pas, je ne peux pas déformer l’âme des costumes que j’endosse. Il s’en est fallu d’Alev ; la Tempête l’a enjointe à ce rôle, qu’elle connaissait sur le bout des doigts. De la même façon que moi, le professeur, le médiateur, le comédien, elle m’a inspiré à me faire héraut des voix de tous, face aux Cyantifiques qui n’en entendaient rien. »

Car c’est bien là ce que les événements ont laissé de lui. De comédie en tragédie, le garçon fougueux qui désirait faire de l’Esquisse son roman, comme Cyrano le fit de la lune, n’a trouvé matière qu’à en faire une pièce de théâtre. Car l’Esquisse n’est pas un grand caillou volant à la vision de tous, sur la face cachée duquel la fantaisie d’un homme peut imaginer des jardins oniriques et des sociétés utopiques ; l’Esquisse est faite d’esprits et de paroles, elle est indissociable des égarés qui l’arpentent. Ses paysages fantasmagoriques importent peu, de même que l’absurdité de ses lois ou les profonds secrets qu’elle recèle. Ce qui mérite avant tout d’être raconté, c’est l’épopée des personnages qui l’ont rencontrée, ou ceux qu’elle a elle-même façonnés. Alors Kaoren ne rapporte plus des lieux, des faits ou des prophéties ; il relate des visions, des dires, et des espoirs. Peu lui importe la façon dont cette histoire, ou plutôt ces histoires, se termineront. Seuls comptent ceux qui les ont vécues.

Kaoren s’adosse sur sa chaise, le regard porté quelque part entre André et le plafond. Il prend encore un dernier instant pour songer à tout ça, puis conclut enfin :

« Voilà, à peu près, le thème de mon personnage. »

N’en déplaise à l’intrigue.


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Encre Noire
Sam 3 Sep - 15:56
Comme tout à l’heure, Kaoren lit mon carnet et met du temps à répondre à mes questions. Quand il le fait, j’essaie de prendre des notes. Au début, j’arrive à peu près à suivre. Aux paroles suivantes, je finis par décrocher, au point d’arrêter de prendre des notes. J’espère qu’il ne le verra pas. Je ne comprends plus rien de ce qu’il me raconte. Je savais que ses réponses allaient être cryptiques, mais je pensais que j’arriverais quand même à en tirer quelque chose de censé. Là, je n’en trouve quasiment pas. En même temps, à quoi est-ce que je m’attendais, à lui poser des questions personnelles ? Quand il a fini de parler, je consulte mes notes pour essayer de mieux comprendre ce qu’il a dit. Mais finalement, ça ne m’aide pas beaucoup.

D’après ses dires, le second témoin est une femme nommée Alev. Cette dernière a été prise dans des Tempêtes qui ne l’ont pas beaucoup altérée, si ce n’est en attisant son aversion envers les cyantifiques. Je me demande encore si elle et Kaoren ont été atteints par la Tempête dont il me parle depuis tout à l’heure.

Aussi, Kaoren dit avoir enseigné l’art. Il pourrait avoir été un professeur des arts, un conservateur du musée, un critique d’art sur les plateaux de télévision, ou bien un fou mystique très passionné par les arts.

C’est tout ce que j’ai compris de ses dires.

Je lui écris un poli :

« Merci pour tes réponses, Kaoren. »

Après lui avoir tendu mon carnet, je regarde le document donné par Isolde concernant les Tempêtes, en espérant y trouver plus d’informations. J’en suis satisfait. J’arrive à y trouver des informations supplémentaires et certains détails m’éclairent sur des propos de Kaoren qui m’interrogeaient. Après qu’il ait fini avec mon carnet, je le reprends et y ajoute des notes sur ce que j’ai lu dans ce document.

Je lui écris aussi ceci :

« Tu vois les objets banals qu’ont utilisés les cyantifiques pour provoquer la Tempête derrière le laboratoire ? Selon le document d’Isolde, il existe des Objets nommés les Catalyseurs qui amplifient les réactions pouvant provoquer des Tempêtes. Les cyantifiques en ont, et pour éviter des accidents, ils les ont sellés dans une boîte avec un matériel spécial fermé. Je pense que les objets que tu as évoqués font partie de ces Catalyseurs. »

Je lui tends mon carnet. En attendant sa réponse, je cherche la théorie des Agitations et les relevés de la météo qui sont évoqués dans un tableau d’Isolde. Je vois des relevés météorologiques mis en évidence dans un coin du bureau. La théorie est juste à côté. Je la consulte d’abord car elle m’a l’air plus intéressante que les relevés météorologiques.

Notes:
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Folie d'Esquisse
Mar 11 Oct - 21:06
Enfin un dé qui permet de faire avancer l'intrigue.

Fort du petit topo de Kaoren, du document d’Isolde et de ses connaissances en physique, André n'eut pas grand mal à comprendre l'essentiel de ce que le document racontait. Les termes cryptiques mis à part, le document qu'il lisait était en lui-même des plus basiques, et plus proche de pensées regroupées à la va vite que d'une théorie rigoureusement formulée et démontrée comme il en avait l'habitude d'en lire et d'en enseigner.

Dans les grandes lignes, c’était des choses qu’il savait déjà, mais exprimé d’une autre façon. L'agitation semblait être une propriété naturelle de la matière dans l'Esquisse, quoi qu'il n’était pas certain qu'elle fût valable pour toute matière et en tout lieu. La mesure semblait varier selon des critères qui ne semblaient pas directement liés à la composition de la matière elle-même, au sens où deux objets en bois pouvaient avoir des mesures complètement différentes, mais relativement stable dans le temps, tant que l'objet n'était pas modifié par une Tempête ni bougé, auquel cas sa forme et son agitation pouvaient changer.

Les cyantifiques n'étaient pas bien sûrs des effets de l'agitation à l'échelle microscopique (leurs méthodes etant relativement archaïques), mais pour ce qui relevait de l'échelle macro, en tout cas, l'agitation était souvent inconséquente, ce qui expliquait sans doute que la gravité et la matière ne changent pas en permanence dans l'Esquisse. Quand l’agitation était relativement élevée, la zone pouvait être plus chaotique, et c’était là que les risques de changement spontané commençaient à arriver, expliquant qu'une pomme lancée puisse soudainement s'élever en l'air ou devenir une poire. Ces changements touchaient plus rarement les individus que les forces et les objets inanimés, mais personne n’avait jamais pris le temps monstrueux qu’il aurait fallu pour faire de vrais statistiques sur le sujet. De même, les auteurs (parmi lesquels figurait d’ailleurs un certain Hertz) avaient émis plusieurs hypothèses, comme le fait que l’agitation était croissante avec l’altitude, mais les sols de l’Esquisse restaient inexplorés, et son ciel était… eh bien, un ciel, ce qui impliquerait d’autres contraintes logistiques.

Arrivé en fin de sa lecture, André nota qu'aucun de ces phénomènes naturels n'expliquait vraiment les Tempêtes. Certes, on savait que les Tempêtes avaient une agitation extrêmement élevée par rapport à la normale, à tel point qu'elles avaient le même effet qu'un séisme sur l'agitation environnante (ce qui rendait, en déduit André, possible le fait de les détecter de loin). On savait aussi que les agitateurs (ce qu’il devina être les catalyseurs) étaient des objets qui changeaient drastiquement l’agitation alentours, et que si l’agitation dépassait un certain seuil, une Tempête était imminente. Mais pourquoi, et comment exactement, une Tempête naissait à partir de là, soit les cyantifiques ne le savaient pas au moment d’écrire ce papier, soit ils ne l’avaient pas expliqué. Tout comme ils n’expliquaient pas réellement ce qu’était une Tempête à proprement parler, le phénomène étant seulement décrit à travers ses interactions avec la mesure d’agitation.

Il en ressortait finalement peut-être avec plus de questions que de réponses…




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Mar 18 Oct - 9:48
Cette fois, Kaoren ne s’attarde pas longtemps sur le carnet d’André. Les informations qu’il y lit ne paraissent pas d’une grande importance à ses yeux, à la seule exception des remerciements qui lui sont adressés. Ce qui concerne les Catalyseurs ne relève du détail. Qu’on les appelle ainsi ou autrement, ces objets par lesquels les Cyantifiques provoquent le courroux de l’Esquisse lui semblent déjà connus, et leur nom importe peu à son audience. Il le retiendra, bien sûr ; il l’utilisera à chaque occasion qu’il le pourra, comme un raccourci qui lui permettra d’alléger son texte toutes les fois où il abordera le sujet. Mais en cet instant, il se contente de hocher discrètement la tête sans répondre, pour laisser l’emphase de la scène sur les actions d’André, qui se montreront plus conséquentes que les siennes.

Cependant, lorsqu’il constate que son partenaire s’est plongé dans une lecture profonde, d’un document que l’on ne peut lire à distance de gradin, il comprend que l’action s’est mise en pause. La libellule a besoin de temps pour déchiffrer son tas de feuilles, et il n’y a rien d’autre à regarder ici en attendant.

L’instant pourrait se prêter à l’irruption d’un autre personnage, menant son jeu à part à l’autre bout de la scène. Peut-être y en a-t-il un, de l’autre côté de la porte ou de l’un de ces quatre murs. Peut-être les yeux de l’Esquisse se sont-ils tournés ailleurs pour le moment, et André et Kaoren sont-ils libres de prendre un moment de pause. Mais l’étude d’André doit mener à quelque chose, Kaoren le sait, que ce soit une révélation ou une déception ; l’audience n’en peut certainement pas manquer le fruit. Elle doit l’attendre, et il pourrait survenir à tout instant.

Alors le garçon décide de donner quelque chose à voir. Rien d’important, rien qui détournerait trop d’attention ; simplement des actions machinales, sans véritable début ni véritable fin, et qu’il ne coûtera rien à la trame d’interrompre. Juste une action d’arrière-plan, de quoi occuper le regard du public en attendant que se conclue celle d’André.

Il se lève, sans faire de bruit – pour ne pas déconcentrer son compagnon, mais surtout pour ne pas laisser penser que son acte ait quelque importance – ; il commence à déambuler dans la pièce, en cherchant des choses, mais en espérant qu’il ne trouvera rien.


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Mar 18 Oct - 9:48
Le membre 'Kaoren' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


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Ven 9 Déc - 12:21
Ce document contient des mots cryptiques, mais il est plus compréhensible que les discours de Kaoren. On dirait plus des pensées marquées ici et là qu’une théorie écrite avec rigueur. Globalement, il est marqué d’une autre façon des choses que je savais déjà, mais les informations sur les agitations restent intéressantes, donc j’en prends note.

Quand l’agitation est élevée, des changements spontanés peuvent se produire, ce qui expliquerait pourquoi quelque chose lancée en l’air peut s’envoler… Quand mes affaires sont montées jusqu’au ciel ou au plafond, c’était ça qui se produisait ? Ce phénomène m’agaçait, mais je ne m’imaginais pas qu’il était dû à cette agitation. Même si des statistiques n’ont pas été faites à ce sujet, j’apprends par la suite que ces changements se produisent plus souvent chez des forces et des objets inanimés que chez des individus. Je comprends mieux maintenant pourquoi cette agitation affectait plus mes affaires que moi-même.

Mais… ça n’explique pas grand-chose sur Tempêtes. Bon, leur agitation est beaucoup plus élevée que la normale, leur donnant le même effet qu’un gros tremblement de terre sur l’environnement. On peut donc les voir de loin. Aussi, les Catalyseurs – ou agitateurs dans ce document - modifient drastiquement l’agitation de ce qui se trouve autour d’eux, et si cette agitation dépasse un certain seuil, une Tempête viendra. Mais il n’y a aucune explication sur comment une Tempête naîtrait à partir de l’agitation élevée de ses alentours. Je réalise alors que j’ignore ce qu’est une Tempête. Depuis le début, on m’a parlé de ses effets, mais pas de ce que c’est exactement. Et ce document ne l’explique pas non plus.

En regardant le nom des auteurs, je remarque un certain Hertz. Parmi les cyantifiques qui sont avec nous, Kaoren en a évoqué un portant ce nom. J’envisage de l’interroger dessus quand je le croiserai… Bon, si je le reconnais avec les informations maigres – si ce n’est inexistantes – que m’a donné Kaoren. Je regarde mes notes sur les cyantifiques. Hertz le patient… Serait-ce l’homme musclé au teint hâlé que j’ai vu hier ? Je me souviens de lui comme d’un homme calme. Mais il est aussi robuste, donc il pourrait être Averroès. D’ailleurs, qui me dit qu’il n’est pas plutôt un Dessinateur ?

Je mets ce document dans mon sac, au cas où. Si je ne dois pas le faire, alors je le rapporterai là où il était. Mais pour le moment, je pense qu’il serait utile de le montrer à Isolde, et potentiellement à d’autres connaisseurs sur le sujet. Je pose mes yeux sur le relevé météorologique. Je doute qu’il m’apporte quelque chose d’intéressant, mais je ne peux le savoir si je n’y jette pas un coup d’œil. D’ailleurs, peut-être que la théorie des Agitations me serait utile pour comprendre ce relevé.

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Sam 10 Déc - 17:45
Conformément aux doutes d’André, ce document lui apporta moins que le précédent. Il s’agissait essentiellement d’un recensement de différents évènements météorologiques ayant eu lieu dans l’Esquisse, qu’il s’agisse de pluies en tous genres, de neiges, d’eaurages, de sablages ou d’autres phénomènes aux noms esquisséens dont André ne pouvait pas toujours deviner la nature exacte. Comme d’autres documents dans le laboratoire, les évènements étaient datés, selon une convention vraisemblablement propre aux cyantifiques.

Point qui pouvait faire tiquer André cependant, il n’y avait aucune Tempête mentionnée, et sur la dernière page, il était écrit : « voir le document spécifique aux Tempêtes ». Peut-être ce document était-il présent dans la pièce…


Et un MJ dit "peut-être" ça veut dire que c'est le cas.




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Dim 1 Jan - 12:26
Le silence demeure encore sur la scène. À vrai dire, il en devient presque oppressant. Kaoren peut imaginer l’impatience naissante des regards qui l’observent, lui et son compagnon ; pas un mot, ni à son attention, ni à l’attention de quiconque, et cette ambiance taciturne qui se prolonge au-delà des règles de la bienséance. Cinq secondes, on n’y prête guère attention ; c’est à peine ce qu’il faut pour suggérer que l’action ralentisse. Dix secondes, l’attente naît tout juste. Vingt, trente secondes, elle dure, on mesure tout le poids de ce calme auquel la pièce nous confronte. Une minute ? C’est très long. Ce n’est déjà plus une pièce, mais une performance. Bien sûr, l’on demeure assis dans la salle, mais l’esprit vagabonde déjà hors de l’intrigue. Deux minutes, sans doute entendrez-vous déjà les gens du public s’entretenir de ce curieux phénomène. Cinq minutes, vous en verrez probablement quitter la salle, d’abord quelques-uns sans bruit, et puis d’autres sans gêne. Certains s’en iront voir la pièce d’à côté – c’est qu’on en joue déjà beaucoup –, d’autres partiront simplement.

Depuis combien de temps André déchiffre-t-il ses maudites feuilles ? En poursuivant sa parodie de fouille, Kaoren n’a de cesse de jeter des regards derrière lui pour surveiller ses avancées, avec l’espoir de le voir écrire quelque chose qui lui soit adressé dans son petit carnet. Mais rien. Alors il intervient : il saisit à pleines mains ce journal qu’il faisait semblant de lire, s’approche de la table où étudie André, et pose l’ouvrage dessus. Il ne commente pas immédiatement – c’est déjà une action visible qu’il offre au public, assez pour captiver son attention quelques secondes de plus – ; mais passé son court répit, il s’efforce de marmonner :

« Il y a l’air d’y avoir des choses là-dedans. Ça ressemble à un journal qu’aurait tenu un Cyantifique. »

Quoi, il n’en sait rien. Il ne sait même pas de quel Cyantifique il s’agit. Ses yeux se sont posés sur le texte, mais son esprit était ailleurs. À vrai dire, il se contrefiche de ce qui s’y trouve. Il préférerait même n’y trouver rien, le moment ne lui semble pas opportun pour lancer une nouvelle sous-intrigue. Comme tantôt, il attend que se joue celle qu’il a regardé commencer.


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Dernière édition par Kaoren le Mer 25 Jan - 21:08, édité 1 fois


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Sam 14 Jan - 12:17
En lisant ce document, je note des noms de phénomènes météorologiques esquisséennes que je ne connaissais pas, et qui auraient peut-être de l’importance. Rien qu’à leur nom, je devine les propriétés de certaines d’entre elles. A part ça, il n’y a rien d’intéressant, c’est juste un simple relevé météorologique.

Mais pourquoi aucune Tempête n’est évoquée ? C’est un relevé météorologique esquisséen, donc il est censé y être marqué des Tempêtes. Je faillis relire les pages pour vérifier si je n’en ai pas raté, lorsque je vois écrit à la fin « voir le document spécifique aux Tempêtes ». Je me demande s’il est dans la pièce. Est-ce que je garde ce relevé ?...

Un bruit me fait sursauter. Kaoren a posé un livre en face de moi. Pourquoi un geste aussi brusque ? Ce qu’il marmonne me surprend aussi. En soi, ce sont des paroles banales et sensées. Mais justement, c’est Kaoren qui les prononce. Je ne comprends pas ce qui se passe, mais faisons comme si tout était normal. Je lui écris sur mon carnet :

« C’est bien, on peut y trouver des informations sur les Tempêtes. Tu veux qu’on le consulte ? »

En fait, je préférerais chercher ce document spécifique aux Tempêtes, mais je n’ose pas encore le lui dire. Kaoren semble vouloir qu’on se penche sur sa trouvaille. En soi, il a une bonne idée. Si c’est bien un journal de cyantifique, alors il est probable qu’on y trouve des choses. J’ai du mal à croire ce qui vient de se passer. On dirait qu’il a recouvré sa raison. Mais on ne la retrouve pas aussi vite, si ?

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Mer 25 Jan - 21:05
Devant le carnet d’André, Kaoren reste perplexe un moment. Ce n’est pas que la question le taraude, elle est d’une simplicité déconcertante, et sa réponse le sera tout autant ; seulement, il appréhende le nouveau silence qu’il s’apprête à provoquer. En fin de compte, qu’il tourne les pages de ce livre ou d’un autre, le résultat sera le même depuis les gradins. Son idée était impulsive, et il n’aura gagné qu’un bref moment d’attention pour en revenir au problème initial.

Cependant, il lui reste un atout : on attend une réplique de sa part, là, tout de suite, une réponse à ce qu’on suppose être écrit dans le carnet d’André. Kaoren doit la faire compter. Il pèse mûrement ses mots dans son esprit, beaucoup plus longtemps qu’on l’attendrait pour une question si peu conséquente. Il les pèse même si mûrement qu’au milieu de sa réflexion, il en vient finalement à se dire qu’il a déjà trop attendu pour se permettre de lâcher une réponse simple, le public s’en étonnerait. Bien sûr, il pourrait tabler là-dessus : s’il se contentait simplement d’acquiescer après une bien trop longue hésitation, cela susciterait des interrogations, on se demanderait à quoi il pensait, on se dirait peut-être même qu’il semble cacher quelque chose ; on aurait de quoi cogiter quelque instants, en attendant que la scène retrouve un brin d’activité. Seulement, il faudrait le justifier derrière, faire transparaître à un moment donné le sentiment de comprendre cette hésitation de sa part, sans quoi la pièce resterait sur un fil inachevé. Et Kaoren ne sait pas comment justifier cela, du moins pas encore.

Alors il cherche mieux, encore mieux. Mais il est difficile de trouver une réponse qui ne soit pas triviale à une question qui l’est autant. Désormais, il se dit qu’il aurait dû réagir du tac-au-tac, plutôt que de chercher une réponse idéale. Au pire, il aurait commencé à lire le journal à voix haute, pour mettre quelque chose sous la dent des spectateurs. Maintenant, se dit-il, c’est sans doute trop tard pour tenter quelque chose comme ça.

Et puis il lui vient une idée, simplissime. Sans plus réfléchir, il secoue brusquement la tête, et lâche nonchalamment :

« Pardon, j’ai eu une absence. »
Il ramène les yeux vers le carnet.
« Faisons cela, oui. »

Une absence, voilà un trait qui lui sied plutôt bien. Qu’elle survienne à ce moment précis pourra sembler curieux, on pensera sans doute qu’il y a quelque chose d’écrit dans ce carnet qui l’a provoquée, mais c’est un constat beaucoup moins lourd de conséquences ; pour peu que sa personnalité s’y prête – et c’est le cas –, le moindre détail anodin semblera susceptible de lui susciter une telle réaction, là où une véritable hésitation aurait suggéré une cause concrète. De fait, à partir de maintenant, il lui suffira d’adopter le même comportement dans d’autres situations similaires pour maintenir la cohérence de son personnage.

Fort de ce demi-succès, Kaoren ouvre enfin le fameux journal devant André, et y reporte doucement son attention ; il n’y recherche toujours rien, mais guette l’apparition d’un quelconque élément qui pourra lui inspirer une nouvelle réplique orale, au cas où André se replongerait dans une étude trop profonde.


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Mer 25 Jan - 23:56

Le carnet que Kaoren a trouvé semble appartenir à une cyantifique qui se fait appeler Al-Qasim, et dont le centre d’intérêt principal semble être la modification du corps humain, incluant la chirurgie autant que la fusion avec des Objets. Les entrées des premières pages sont écrites sur un style simple, et avant tout factuel, comme par exemple ici :

Journal a écrit:Ces derniers temps, nous avons expérimenté différentes façons de couper un bras. Nous perdons beaucoup de temps dans les préparatifs, puisqu’ils nécessitent d’attacher fermement le sujet et de vérifier qu'il ne peut pas bouger. Notre scie ne parvient pas à couper du premier coup, nous cherchons donc un meilleur outil. Réaumur est en train d’en faire un plus performant.

Par la suite, vous apprenez que Al-Qasim s’est livrée à différentes expériences d’amputation, dont les circonstances et le consentement de la part des sujets ne sont pas toujours très clairs, et dont la description prend la forme de compte-rendus médicaux. Elle s’intéresse ensuite à comment greffer de nouveaux bras (généralement sculptés de façon rudimentaire dans du bois, ou récupérés d’autres expériences), avec une connaissance d’abord très sommaire de l’anatomie, qui se perfectionne au fil du temps pour distinguer, notamment, muscles, veines et nerfs. Hélas, cela n’améliore pas vraiment le succès de ses opérations, qui laissent le plus souvent les sujets morts, ou bien avec un membre inactif et de sévères complications de santé.

Une entrée marque une rupture particulière dans ses travaux :

Journal a écrit:Aujourd’hui, nous avons fait une découverte importante. Lors d’une réunion avec certains collègues qui étudient les Tempêtes, l’un d’entre eux a fait la remarque que les modifications corporelles apparues à la suite d’une Tempête amènent souvent à des membres fonctionnels, par rapport aux expériences de greffe. Qu’est-ce que les Tempêtes font que nous ne faisons pas encore ? C’est la nouvelle question à laquelle nous allons essayer de répondre.

Par la suite, Al-Qasim se jette elle-même dans une Tempête avec l’espoir d’en obtenir l'une de ces greffes fonctionnelles. Après plusieurs tentatives, elle en ressort avec le corps différent, mais surtout avec un bras de crabe, qu’elle entaille à plusieurs reprises pour essayer d'en comprendre la structure. C’est aussi à ce moment-là (qui est encore tôt dans le carnet) que son écriture se fait plus erratique, plus illisible et plus dispersée. Elle commence ainsi à décrire son état de santé, qui alterne entre douleurs à divers endroits du corps (notamment la tête) et fatigue, ainsi que des anecdotes de la vie quotidienne, qui n’ont parfois ni queue ni tête, mais tournent rapidement à l’accusation de ses collègues. Il est difficile de comprendre exactement ce qui lui arrive, mais elle semble avoir de plus en plus de mal à réaliser ses expériences, voire les confonds et part sur des sujets complètement différents le temps d’une journée. Dans un rare instant de lucidité (ou de folie), elle décide de se jeter dans une Tempête pour “revenir comme avant”, mais n’en sort que plus désespérée, au point de décider de couper d’un coup son bras de crabe, et de voir si elle arrive à le recoller avec ce qu'elle a appris.

Au final, l’expérience aura échoué, et Al-Qasim sera retournée à son train de vie chaotique, sans avoir trouvé grand chose de plus.




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Ven 27 Jan - 16:31
Kaoren lit mon carnet, mais il met du temps à me répondre. Cette attente me surprend moins. Mais il s’excuse ensuite de son « absence » et accepte de lire le journal avec moi. Il semblerait qu’il a des phases durant lesquelles il se comporte normalement et des phases durant lesquelles il est dans son délire. D’un côté, cela le rend imprévisible, d’autant plus que j’ignore s’il a d’autres types de phases. De l’autre côté, je suis soulagé de pouvoir parfois converser avec lui de manière normale. Je me mets sur l’épaule de Kaoren, et nous lisons le journal ensemble…

Si j’étais encore humain, j’aurais pâli au fil de ma lecture. Qu’est-ce que je viens de lire ?! Pourquoi personne n’a empêché cette cyantifique de faire ses horribles expériences ?! Pourquoi personne n’a arrêté sa quête insensée ?! Elle n’est pas au laboratoire, n’est-ce pas ? J’ouvre vite mon carnet pour le vérifier, en consultant les noms des cyantifiques donnés par Kaoren. Je ne trouve pas celui d’Al-Qasim, ce qui me soulage. Je ne veux pas rester ici, je veux sortir de cette salle. Je ne serais pas étonné que Kaoren le souhaite aussi. J’écris très vite à Kaoren, quitte à ce que mon écriture soit brouillonne :

« J'irai vers le toit. Tu préfères me suivre ou faire autre chose ? »

Si sa haine envers les cyantifiques pouvait encore être renforcée, alors je ne doute pas que ce journal l’ait fait. De mon côté, je ne suis plus sûr de pouvoir leur faire confiance, et je commence à penser que le témoignage de Kaoren est probablement vrai. Mais il y a des gens dangereux, parmi les Dessinateurs, et ça ne veut pas dire que tous les Dessinateurs le soient. On pourrait appliquer la même logique pour les cyantifiques. Toutefois, il n’y a aucune mention dans le journal d’Al-Qasim de congénères qui auraient essayé de l’arrêter. J’espère qu’aucun cyantifique présent dans ce laboratoire n’ait assisté à ses expériences, qu’aucun n’ait de moyen de l’empêcher de continuer, qu’aucun n’en ait été au courant. Dans le cas contraire, ça veut dire qu’ils préconisent ces expérimentations, et sans doute d’autres aussi tordues. Je crains qu’ils en fassent sur nous…

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Kaoren
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Mar 21 Fév - 15:53
Les propos qui parsèment ces pages pèsent un poids que Kaoren n’aurait pas songé pouvoir leur donner. C’est une histoire entière, ou presque, lourde de sens et d’implications sur les personnages des Cyantifiques ; il y a là de quoi rebattre complètement leur image aux yeux des autres – et de l’audience. Aussitôt que ces lignes seront révélées au grand jour, leurs moindres actes susciteront méfiance et suspicions, et quand sera partagé le destin probablement tragique de cette Al-Qasim, c’est l’aboutissement de leur quête entière qui sera regardé au travers d’un nouveau prisme.

Pour le moment, personne n’en sait rien ; c’est encore une fois à Kaoren de porter les informations que les pages de ce journal et du carnet d’André ne peuvent pas véhiculer jusque dans les gradins. Bien sûr, le départ précipité de ce dernier laissera certainement comprendre que sa lecture n’a pas été anodine, et sans doute Kaoren pourrait-il se contenter de le suivre sans dire un mot. Cependant, il sait au fond de lui que la scène vient d’atteindre son point culminant, et que cette découverte qu’il vient de faire avec son compagnon ne saurait vraiment s’accompagner d’une autre – ce n’est pas le moment d’en faire une qui détournerait l’attention de la première. De fait, Kaoren a accompli son rôle, il a secondé André pour le guider vers l’information en quête de laquelle il s’était mis sans le savoir. Désormais, son compagnon n’a plus besoin de lui ; quoi qu’il ait l’intention de faire sur le toit, lieu pauvre en obstacles et en périls, il n’aura pas besoin qu’un autre l’y assiste. Alors, quand il demande à Kaoren s’il désire l’accompagner de nouveau, celui-ci répond cette fois par la négative :

« File donc méditer sur tout ça, commence-t-il en veillant soigneusement à faire comprendre à l’audience que quelque chose d’important vient de se produire. Je vais rester ici. »
Ce disant, il se rend vers la petite fenêtre du fond de la salle, à moitié cachée derrière une armoire. Il l’ouvre, du moins autant que ladite armoire le lui permet avant d’y faire obstacle, avant de se retourner vers André pour conclure :
« Si tu veux aller vers le toit – encore une information qu’il déclame surtout à l’attention du public –, tu peux passer par là, au cas où la porte serait fermée là-haut. »

Bien au-delà du geste de courtoisie, la démarche de Kaoren véhicule surtout une intention de faire sortir André par un endroit différent duquel il est entré, comme une façon élégante de montrer que celui-ci progresse. Il ne doit pas sembler revenir sur ses pas, ou l’on penserait inconsciemment qu’il retourne à sa quête alors qu’il vient d’en trouver l’objet. Seul Kaoren, dont la mission implique un éternel recommencement, devrait sembler revenir en arrière.

Ceci étant, lui n’a pas prévu de quitter la scène de sitôt. D’un point de vue extérieur, trop de questions sont restées en suspens dans le silence de cette salle, et il a la ferme intention d’y répondre dans un monologue une fois que son compagnon l’aura quittée.


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Dim 26 Fév - 20:42
J'ignore si la lecture de ce journal l'a choqué. Il n’en montre rien. En même temps, il n’a jamais été très expressif depuis notre rencontre. Je ne lui ai pas non plus manifesté mon choc. Je ne l’aurais sans doute pas fait même si j’étais resté humain. Mais quelque part, j’espère qu’au fond de lui il est choqué par ce qu’il vient de lire. Sinon, ça veut dire que c’est habituel…

Après avoir refusé de me suivre jusqu’au toit, Kaoren m’ouvre une fenêtre. D’abord surpris par ce geste, je me dis ensuite qu’elle est bienvenue. Je ne saurais différencier les cyantifiques des Dessinateurs. Si j’étais dans les couloirs, je pourrais en croiser sans m’en rendre compte. Je n’ai plus envie d’en voir un, ni même de voir un autre Dessinateur.

Je lui hoche la tête en signe de remerciement, puis je sors par la fenêtre.

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Folie d'Esquisse
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Dim 16 Avr - 22:56
(Résultat du lancer de dé général)

Le silence avait ses vertus. Pour Kaoren, c’était sans doute une scène vide, qu’il pouvait meubler de fantaisies et de songes, en attendant d’ouvrir la porte, pour aller là où ils le dicteraient de se rendre.  

Pour l’Esquisse, c’était visiblement une terre à conquérir. Entre deux errements, elle s’imposa à lui, par un grondement qui résonna sous ses pieds. Son intuition l’avait finement perçu : ce n’était pas un meuble qu’on bougeait, mais bien la terre elle-même, sous le Laboratoire, qui s’était agitée un instant. Pour quel dessein l'avait-elle fait, son imagination chercherait peut-être…




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Sam 1 Juil - 9:56
Quelques pas traînés vers le centre de la pièce, Kaoren se tient droit, debout devant le journal d’Al-Qasim. Ses yeux se promènent sur ces lignes qu’il a déjà parcourues, comme pour s’en imprégner le plus fidèlement possible avant de les relater. Prenant une première inspiration, il pose la main sur l’ouvrage pour le fermer, mais s’en retient au dernier moment ; il sera sans doute plus évocateur de le faire à un moment clé de son monologue. Il retire sa main, expire, et inspire de nouveau :

« Voilà bien des péchés commis entre ces pages. Les scribes de Sardanapale n’ont pas gravé tant d’arrogance dans les caveaux de Ninive, ni les graveurs d’Ozymandias sous les plafonds d’Abou Simbel, qu’on en peut lire entre ces lignes délétères. Faut-il que leur autrice ait eu l’âme bien noire pour n’y jamais distinguer ces taches dont elle l’a salie. »
Il pose le doigt sur un paragraphe au hasard.
« Je lis là les propos de scients inconscients ; cette Al-Qasim, sœur de Phaéton, a prétendu tenir les rênes d’un pouvoir indomptable qui n’échoyait qu’à l’Esquisse elle-même. Un pouvoir qui lui échappa sans surprise, et qui ne peut seoir à personne, car c’est celui d’être ce que l’on n’est pas. »

Kaoren ferme le journal. Puis il le prend dans ses mains, et fixe ostentatoirement sa couverture.

« Hélas, toi qui encras ces feuilles blanches du récit de tes exactions ; tes ambitions t’ont donc guidée bien au-delà de ce que tu pouvais atteindre, ivres d’une puissance qui ne fut qu’illusoire. Et pourtant, incapable de lire dans les chroniques de ton sort ce qui te le rendit si funeste, tu sembles avoir poursuivi ta quête sans concéder qu’elle fût vouée à l’échec. Gilgamesh lui-même, fort comme le bloc tombé du ciel et béni de la sagesse d’Enki, n’a-t-il pas enfin déféré à sa condition de mortel ? Quelles Tempêtes fallait-il que tu réveilles encore pour te prouver qu’il n’est ici-bas que l’Esquisse à dicter ses volontés, et que tu n’es qu’une part d’Elle qu’elle modèle à son gré ? »

Il retourne vers l’étagère dans laquelle il avait trouvé le journal. Patiemment, ses doigts inspectent les cotes des ouvrages qui s’y trouvent encore.

« Hélas, répète-t-il, tu n’es pourtant pas la première à t’être noyée dans cet écueil. Si j’ouvre les écrits de tes semblables, combien d’histoires similaires y lirai-je ? Combien des tiens se battent-ils encore à surmonter l’insurmontable, pareils aux orgueilleux qui, après avoir enduré les pluies de flammes et de grêle, les tremblements de terre et les marées de sang, descendirent encore guerroyer contre le ciel dans la vallée d’Armaguédon ? Il eût été glorieux que ce fût du panache, mais vous semblez n’agir que par inconscience. Vous jouez avec l’Esquisse comme Faust avec le Diable, et comme lui, vous ne l’asservissez jamais qu’un temps ; puis elle vous rattrape, invariablement, et vous ne pouvez plus brandir que de maigres succès pour vous consoler de votre perdition. »
Il repose nonchalamment le journal sur l’étagère près de lui, s’approchant petit à petit de la fenêtre.
« Voilà votre reflet. Voilà ce que vous fuyez en vous terrant entre ces murs d’ardoise. Si vous pouviez sortir de votre palais et le contempler de l’extérieur, voilà ce que sa façade de cuivre dirait de vous. Et voilà que l’Esquisse vient de me dire ce qu’elle vous destine. »

Le sol se met à trembler sous les pieds de Kaoren.

« J’ai raconté trop vite. Elle me rattrape. »

Puis le calme revient, laissant le garçon immobile au bord de la pièce. Il regarde vers l’extérieur, dans la direction où s’est envolé André tantôt, réfléchissant à sa propre sortie de scène. Il a dit tout ce qu’il avait à dire. Il pourrait espérer qu’un Cyantifique entre soudainement en hurlant que le Laboratoire brûle, pour donner suite aux derniers mots de son monologue. Mais il n’a pas l’impression que l’acte soit si près de se conclure, pas aussi brutalement, pas avant qu’André et les autres aient confronté les Cyantifiques sur la base de ces nouvelles révélations.

Alors il retourne vers le centre de la salle, sans dire un mot – ne jamais parler en marchant, à cause du bruit des pas sur les planches –, puis se pose devant la table où lui et son compagnon avaient étudié le journal d’Al-Qasim. Et il conclut :

« L’Esquisse semble prête à reprendre la parole. Il est temps pour moi de la lui rendre. Je la laisse me faire ombre pour l’heure, et l’on me trouvera près de ceux qui bientôt en prendront acte. »

Toujours lentement, pour laisser à l’audience le temps de peser ce qu’augurent ses mots, il marche en direction de la porte. Une fois atteinte, il pose la main sur la poignée, jette un dernier regard – aussi remarquable que possible – en direction de la fenêtre, puis sort enfin vers les couloirs.

Suite dans les couloirs.

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