Souvenirs de Serindë

Serindë
Les cartes en décident ainsi
Personnages : Serindë
Messages : 32
Date d'inscription : 20/12/2022
Serindë
Mer 1 Mar - 18:00


Assise devant le passage à niveaux avec son livre sur les genoux, c'est une jeune femme aux cheveux brun qui pleure silencieusement, les yeux perdus dans le vague. Depuis un moment, Alicia (car tel était son prénom) se sentait horriblement seule. Elle avait un nouveau petit copain qui ne plaisait pas à ses amis qui s'étaient donc éloignés et le petit copain en question n'était qu'une passade dont elle voulait profiter tant qu'elle le pouvait.

Elle regardait son livre, posé sur ses genoux. "Hésitation", de Stéphanie Meyer, la berçait depuis trois jours déjà. Elle s'identifiait particulièrement à Alice, la vampire qui avait des visions. Elle-même croyait fortement à l'occulte et au surnaturel, elle avait toujours un tarot dans son sac à main et elle jouait souvent avec des planches ouija.

Le temps passant, cela lui avait valu le surnom de "Folle" de "Sorcière" et même "D'oiseau de mauvaise augure" quand elle avait tiré les cartes à une fille et interprété un accident. Quand la demoiselle s'était cassé la cheville après une mauvaise réception en cours de sport, tout le monde avait conclut qu'elle lui avait attiré le mauvais œil. Depuis plus rien n'allait, la jeune femme avait été harcelée au lycée, ça s'était poursuivi à l'université et dans sa vie professionnelle.

Plus elle avançait, moins elle osait s'ouvrir aux gens, développer les connexions qui lui auraient permis de se sentir mieux. À trente ans, Alicia vivait toujours chez ses parents et en était malheureuse. Elle se disputait régulièrement avec sa mère pour son travail qu'elle aurait souhaité quitter pour trouver mieux ailleurs. La voix de la raison incarnée lui intimait pourtant de tenir le coup avant de partir, pour ne pas se retrouver sans rien. Mieux valait un travail pénible avec un salaire qu'une vie oisive où les problèmes financiers viendraient tout détruire.

Alors Alicia, en désespoir de cause, se sentant seule, abandonnée et cherchant quelqu'un avec qui partager tout ça avait trouvé Alexandre. Ils s'étaient rencontrés dans leur groupe de soutien et avaient plutôt bien accroché en discutant après la séance. C'était une de ces histoires banales entre une jeune femme fragile et un jeune homme manquant de confiance en lui. Comme Jasper et Alice, des personnages de son livre, deux âmes-sœurs qui s'étaient attendues, trouvées et ne se quittaient plus depuis elle ne savait combien de dizaines d'années.

C'était tout ce qu'Alicia voulait, une moitié pour se sentir complète. Ses rares amies avaient beau lui dire qu'on est complète en tant que femme à part entière, aucune d'elles ne comprenait ce besoin de validation, d'amour et de plénitude que cherchait la jeune femme. Elle soupira et reprit sa recherche pour continuer l'écriture de son nouveau roman. Enfin si l'on pouvait dire, elle en commençait des dizaines, les abandonnant au fur et à mesure que de nouvelles idées germaient dans son esprit.

Elle reçu un sms, une photo et tout à coup, son monde entier semblait s'être effondré en l'espace d'une fraction de seconde. Alexandre embrassant une autre fille de leur groupe de soutien. La photo était d'aujourd'hui, Alicia reconnaissait le pull de la réunion du jour. Il lui avait pourtant qu'il n'était pas disponible... Le bruit du passage à niveau aurait dû la tirer de sa rêverie, mais tout fonctionnait au ralenti dans son cerveau. Un instant plus tard, le livre était abandonné sur le banc...

Quand Serindë ouvrit les yeux, elle avait un mal de crâne improbable et passa sa tête sur son crâne lisse. Elle pensait y trouver quelque chose, mais elle ne se souvenait plus de quoi. Ses ongles longs au bout de doigts faméliques grattèrent un crâne à nu, un os doux. Elle regarda le ciel sans trop comprendre pourquoi elle s'était réveillée ici ni comment elle était arrivée là la veille. Littéralement, elle ne se souvenait de presque rien comme si sa vie n'était qu'une page blanche sur laquelle il fallait écrire des mots.

Un soupire de lassitude souleva ses épaules et elle claqua du bec, tout naturellement puisqu'elle en était pourvue. Un claquement sec, agacé, qui ne lui ressemblait pas, mais peu importait au fond. Des rares bribes de souvenirs qui flottait encore dans la brume de son esprit, elle n'entendait qu'un nom, Serindë la tisseuse. Un paquet de tarot dans sa poche lui fit se souvenir qu'elle était ici pour prédire l'avenir du monde et peut-être accomplir ainsi une tâche encore inconnue.

Dans la tapisserie du monde, Serindë savait qu'elle serait un fil et qu'elle ne pouvait dévier de sa trajectoire au risque de détruire le dessein du monde.

- Hey machine là ! On va à la ville, tu viens avec nous ?

Elle tourna son orbite vide pour scruter les compagnons de fortune qui l'accompagnerait jusqu'à la ville et se contenta de s'incliner pour les remerciés.

Son ancienne vie oubliée aussi vite que roule un train, la tisseuse se joignit à une petite compagnie pour quelques heures de marches, filant vers un destin dont elle ne doutait pas qu'il s'imposerait à elle en temps voulu.
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