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Intraforum #1 ▬ Kaoren & Rallumeuse d'étoiles

Folie d'Esquisse
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Folie d'Esquisse
Sam 14 Oct - 20:33

Intraforum #1

Cousu de fil rouge - Kaoren & Rallumeuse d'étoiles


Il y a cette coïncidence qui revient souvent.

Ce n’est pas grand chose en soi. Juste une rencontre comme une autre, qui n’avait pas vraiment de raison d’arriver une première fois, mais c’est ainsi que se font les rencontres. Au bout de la troisième, c’est plus étonnant, mais pourquoi pas, après tout. On dit bien que le monde est petit.

En attendant, ça revient. Encore. Parfois même dans des situations problématiques, voire carrément embarrassantes.

Et quand c’est une énième fois, vous réfléchissez. Peut-être que l’autre aussi. Si ce n’est pas une coïncidence, qu’est-ce qui s’évertue à vous pousser l’un vers l’autre ? Et pour quelle raison ?


*

Voici donc le thème que nous vous proposons pour ce premier Intraforum ! On a pas mal hésité, mais on est finalement partis sur un thème qui vous donne une ligne directrice et justifie l'interaction entre vos personnages, sans spécialement imposer la façon dont ils se rencontrent, tant les situations peuvent être variées, et tant vous pourriez avoir envie de jouer là-dessus. Libre à vous de considérer qu'un personnage a changé de monde, imaginer qu'un brisé a vieilli jusqu'à rejoindre les Sables (ou inversement), provoquer une fusion des univers à la cause plus ou moins connue (Folie qui s'énerve, Dalton qui tord l'espace-temps pour s'amuser…), balancer vos deux personnages dans un univers qu'aucun des deux ne connaît… Ce qui est central, c'est que vos personnages se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises, quoique ces rencontres furent probablement brèves (à vous de voir s'il y a déjà eu conversation ou non), et qu'ils n'ont aucune idée de pourquoi. Là aussi, la raison est évidemment libre : vous pouvez autant partir sur du méta, du complètement absurde, du symbolique, réinscrire ça dans une série d'évènements imprévus de tout ordre ou encore autre chose !

Rappels des règles et précisions :
■ Vous pouvez jouer avec n'importe lequel de vos personnages, qu'il soit des Brises, des Sables, des Câbles ou des Vagues. Les personnages peuvent être du même univers ou non, mais c'est dans tous les cas un thème qui est plutôt fait pour marcher avec des persos qui ne se connaissent pas dans le canon.
Cinq posts par personne, pour un total de dix.
Maximum 350 mots par post, à quelques ânes près. Si besoin d'une référence, on utilisera ce site avec les options pour ignorer les tirets et les apostrophes. Si vous utilisez LibreOffice, c'est l'équivalent, mais en ne comptant pas les caractères spéciaux (?, !, «…) qui sont entourés d'espaces.
■ Vous pouvez choisir (ou tirer au sort) celui qui commence.
Vous avez jusqu'au 29/10 à 23h59 pour poster tous les messages à la suite.
■ Vous pouvez faire un mini-spoiler en début de premier post pour rappeler un peu des éléments sur votre perso ou préciser une éventuelle adaptation que vous avez faite.
■ Vous pouvez éditer vos messages, écrire sur google doc ou user de tout autre moyen pour faciliter l'écriture. Évidemment, après le 29/10, vous ne pourrez plus rien toucher.
■ Vous pouvez utiliser vos codes de transformation habituels, ou une transformation invité si la situation y appelle. Voici le code de cette dernière (pour l'univers, enlevez les mentions inutiles) :
Code:
<transformation univers="sables|cables|brises" perso="Nom du perso" avatar="Lien vers l'image" titre="Titre affiché sous le pseudo" />

Si vous avez du mal à comprendre le thème ou quelque élément que ce soit, n'hésitez pas à nous ping au plus vite pour qu'on clarifie.

Bon courage et amusez-vous bien !




(Merci à Ara' pour la super signature ♥)
Kaoren
Non, non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !
Personnages : Kaoren, Penrose
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Date d'inscription : 22/09/2015
Kaoren
Sam 28 Oct - 22:04
Ah, ça y est, c’est ouvert. La tête à peine redescendue des étoiles, Elsa se lève de son banc, et grimpe le petit escalier qui sort du parc. Au bord de la route, le feu piéton est rouge ; les voitures des gens s’en allant travailler défilent comme si elles avaient le diable aux trousses. Elle se tient sur le trottoir, promenant ses yeux vers le modeste carré de verdure qu’elle vient de quitter. Le clapotis de la fontaine ne s’entend déjà plus sous le vacarme de la ville, et les haies la lui cachent à moitié. Au-dessus, il y a juste des bâtiments ; le clocher de la cathédrale dépasse à peine de leurs toits. Elle le verra sans doute mieux de l’autre côté de la rue. Ah, ça y est, c’est vert.

Elsa traverse la route diligemment, puis rejoint la file d’attente qui patiente devant le fleuriste. Seulement trois personnes, et elles ont l’air d’être ensemble. Elle regarde du côté de la cathédrale, on ne la voit pas beaucoup mieux. Le client précédent sort déjà, sans bouquet à la main ; les trois autres entrent. Elsa s’avance un peu.

Dans le ciel, les étoiles ne se voient presque plus. Même en décembre, il est déjà tard pour elles. Il fait un peu frisquet. Les trois clients sortent, sans bouquet non plus ; Elsa entre. Elle sort avec un bouquet, le pas pressé.

Entre le fleuriste et la maison de repos, il n’y a pas grand-chose à regarder, seulement les panneaux. Elle arrive au lieu-dit sans avoir bifurqué une fois. Devant elle, une herse lui crie son adresse en grandes lettres, décorées d’un peu de feuillage. Elle regarde à droite et à gauche, une petite cour s’étend sous des oliviers et des amandiers. La porte d’entrée est cachée derrière un cade un peu touffu. Elsa s’y dirige.

Elle a laissé le bouquet à l’accueil, et se met déjà sur le départ. Juste avant de s’en aller, elle rôde un instant entre les arbres, les employés et les résidents. Il y a une très vieille dame assise à côté d’elle. Elle la salue poliment.





Avatar d'Elsa par Dolcexxx.


Dernière édition par Kaoren le Sam 28 Oct - 22:49, édité 2 fois


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Faire des erreurs c'est progresser, se prendre au sérieux c'est régresser
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Sam 28 Oct - 22:05

« Il fait frais aujourd’hui. » je réponds poliment à la femme qui m’a saluée.

Entre deux branches d’un arbre dénudé s’engouffre un chiche rayon de soleil qui vient réchauffer mon visage.

« Tenez Mamie ! »

Ma petite fille dépose sur mes genoux l’étoffe que nous avions oublié dans sa voiture. Elle a les joues rosies par la course qu’elle vient de faire.

« Merci. »

Elle pousse mon fauteuil au travers des allées, écrasant quelques branches et feuillages que je n’aurais réussi à franchir seule. Mon regard s’arrête sur une fontaine, mais elle ne s’arrête pas pour me laisser la regarder. Je ne le lui demande pas. Je n’ai pas envie de la déranger.

« Et puis ici vous avez un jardin entretenu par les résidents ; vous allez voir Mamie, vous allez plaire ici. »

Je hoche la tête, je ne veux pas lui faire de peine. Ma maison me manque.

~~


« Vous voulez du thé ou du café pour goûter madame Aguilar ?
- Rien merci.
- Un jus de fruit alors ?
- »

Elle me sert un jus de fruit que j’abandonne sitôt versé.

~~


Pieds nus j’arpente les dalles glacées d’un couloir qui me semble sans fin. Les lumières s’allument sur mon passage, me brûlant les rétines. Chancelante je me tiens au mur où une rambarde vient me porter renfort. Il faut que j’aille au marché, je dois trouver Josie pour qu’elle vienne avec moi.

« Josie ! T’es où Josie ! On va être en retard ! »

Où peut-elle être cachée ? Maman va m’assassiner si on n’est pas prêtes à temps, et je ne peux pas la laisser seule à la maison pendant que je suis au marché !

« Josie ! On va encore se faire gronder !!! »

Il faut qu’on se dépêche, si on n’est pas parties avant l’aube ce sera une catastrophe ! Mais où est passée cette gamine ?

« Ah madame vous n’auriez pas vu ma petite sœur ? Elle a sept ans, elle est haute comme ça… »


Il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous.
Kaoren
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Kaoren
Sam 28 Oct - 22:06
Ça y est, c’est ouvert. Cette fois, Elsa s’attarde une minute devant la fontaine avant de se lever. Son regard se promène un dernier coup sur les haies qui l’entourent. Lorsqu’elle quitte enfin son banc, des moineaux viennent rapidement reprendre sa place ; ils sifflotent déjà dessus quand elle monte le petit escalier. Devant la route, elle se perd encore à regarder le ciel, mais il fait grand jour. C’est le mois de juillet. Il y a moins de voitures, aussi, moins de gens qui vont travailler. Elle entend presque souffler le vent entre leurs passages. Du moins, il y a un grondement de fond qui s’y apparente. Le feu est vert, elle traverse.

Pas de queue non plus devant le fleuriste, elle entre et sort avec un bouquet. Son regard passe sur les panneaux sans avoir à les déchiffrer, ils lui parlent plus clairement. Elle ne prête même plus attention au bout de clocher qui dépasse des toits, et sinue sereinement avec les rues jusqu’à la maison de repos.

La herse de l’entrée aussi, s’est mise à lui tenir un langage plus doux. Les lettres n’ont pas changé, ni de couleur ni de taille, mais elles ne cherchent plus à faire impression. Devant l’accueil, le gros cade touffu ne cache plus grand-chose non plus, et la porte lui apparaît distinctement derrière. Elsa passe y poser son bouquet en vitesse, avant de retourner voir les oliviers et les amandiers.

Les feuilles ont jauni avec l’été, mais leurs ombres sont devenues plus vives sur le sol. Dans les branches, les fruits ont commencé à pousser ; juste assez discrets pour qu’on les remarque sans qu’il vienne à l’esprit de les ramasser. Elsa se promène dessous. Elle ne s’était pas autant aventurée la dernière fois. Après quelques pas, elle croise une infirmière, s’occupant de la vieille dame qu’elle avait rencontrée lors de sa première visite. Elle les salue poliment, et se laisse même faire la conversation un moment.


Dernière édition par Kaoren le Sam 28 Oct - 22:50, édité 1 fois


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Sam 28 Oct - 22:08

« Mamie, tu vas bien ?
- Pardon, qui êtes vous jeune fille ?
- Mamie c’est moi ! »

J’ai entendu dire que les Alvès avaient une fille demeurée, ce doit-être elle. Je ne dois pas la brusquer.

« Tu es perdue ? Tu dois avoir peur. Tu veux que je t’aide à rentrer chez toi ? Qui sont tes parents ? Les Alvèz ?
- Mamie… dit-elle d’une petite voix. Je pose ma main dans son dos.
- Tout va bien. »

Elle semble sur le point de pleurer.

« Julia tu viens ? On va être en retard ! Dis aurevoir à Mamie. »

Je souris à la petite et lui souffle.

« Tu vois tu n’étais pas perdue. »

Il ne lui faut que trois pas pour atteindre une dame qui n’est pas Marina Alvèz qu’elle suit d’un pas pressé.

~~


Le soleil décline, les ombres s’étirent, les visages sont flous. Je suis perdue. Je ne reconnais rien autour de moi. J’ai peur.

« Madame Aguilar, il ne faut pas marcher pieds nus comme ça dans les couloirs, je vous ramène dans votre chambre. »

Je m’accroche au bras de la jeune femme, seul rempart aux ténèbres de la nuit.

« Merci ma petite. Il fait si sombre aujourd’hui. »

Je ne connais pas son nom, n’ai pas le courage de lever les yeux vers elle. Ma bouée de sauvetage.

~~


« Madame Aguilar, il ne faut pas crier sur votre petite fille. Elle était toute triste en repartant.
- Vous devez vous tromper ! Ma petite fille n’est pas venue me voir  depuis longtemps. J’espère qu’elle va bien… Vous savez depuis que mon fils est mort, c’est dur pour elle. Elle travaille beaucoup, elle est très forte à l’école. Elle veut être professeur, vous imaginez ? On n’a jamais vu ça chez nous ! Du coup elle étudie tout le temps ! Je n’ose même pas l’appeler de peur de la déranger. »

Mes yeux brillent de fierté.


Il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous.
Kaoren
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Kaoren
Sam 28 Oct - 22:09
Le feu est vert, les voitures passent ; Elsa fait un détour. Le chemin du parc est plus accueillant. Les platanes y sont plus bavards, et surtout moins bruyants. Sur la route, aussi, la terre et le gravier sont moins rigides à son passage. Et puis il y a l’herbe, partout ; elle, elle ne semble pas l’ignorer quand elle l’effleure. Les murs de pierre sont toujours indifférents.

Au tournant d’une haie, un écureuil s’enfuit ; il ne s’est pas encore habitué à sa présence. Pourtant, elle vient de plus en plus souvent, depuis qu’elle n’a plus besoin d’acheter des fleurs. Mais il est vrai qu’elle n’est pas tout à fait d’ici. Les buissons la boudent moins, eux ; ils se dandinent aussi bien en sa présence qu’en son absence. Les écureuils sont plus délicats. Il faut dire qu’ils sont plus jeunes.

Un chemin débouche sur une rue qu’Elsa ne reconnaît pas. La brique rouge lui est vaguement familière, mais elle ne la connaît vraiment que de loin, elle n’a jamais essayé de découvrir son entourage. Aujourd’hui, elle a le temps ; elle s’enfonce dans la rue. Un premier panneau lui donne son nom, puis tour à tour, des portes aux ornements anciens, des fenêtres aux linteaux sculptés et des pavés finement taillés se présentent à elle. L’endroit n’est pas désagréable. Il n’y a pas de voitures, aussi, et pas trop de passants non plus. Seulement des éléments calmes, qui ont du temps à lui accorder. Peut-être un peu orgueilleux dans le fond, mais pas vraiment envahissants.

D’autres panneaux l’accrochent, d’un virage à l’autre. Plus elle avance, plus elle reconnaît leurs noms ; ce petit quartier roux était plus relié à ses connaissances qu’elle le pensait. Au bout d’un moment, elle est même interpellée par les grandes lettres d’une herse qu’elle connaît bien. Les oliviers, les amandiers et le grand cade touffu sont venus la retrouver jusqu’ici. Elsa passe le portail. La vieille dame est assise près de l’entrée, comme à la première fois. Elle la salue poliment, lui fait un bout de conversation, et vient s’asseoir auprès d’elle. Les sapins du cimetière attendront.


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Sam 28 Oct - 22:11

Le hall d’entrée est le dernier rempart contre l’obscurité, la solitude. Nous nous y amoncelons, observons la valse des soignants et des familles. Leurs temps ne sont pas les mêmes, mais ils partagent ce lieu. A défaut de voir la mienne, je regarde les familles des autres. Je les envie.

« Il fait gris aujourd’hui. » dis-je à ma voisine pour rompre la solitude.

~~


J’aime ce chemin, je l’ai arpenté mille fois enfant, le moindre de ses brins d’herbe me semble familier. Faut dire que je les ai vus pousser, et jaunir. Nous prions tous pour qu’il pleuve. La récolte sera bien pauvre cette année.

« Madame Aguilar ? Qu’est-ce que vous faites ici ? Il fait encore nuit ! Vous allez attraper froid !
- ¡Estoy trabajando! »

Je ris, cela me semble évident. Elle croit que je me lève avant l’angélus pour bailler aux corneilles ? Si on ne ramasse pas le raisin alors qu’il fait encore nuit la chaleur sera trop harassante. Je lui pointe du doigt la rangée d’à côté, pour qu’elle puisse se mettre au travail.

« Madame Aguilar, il faut rentrer maintenant. »
- ¡Qué tontéria! »

Elle empoigne mon avant bras fermement.

« ¡DEJAME! »

J’ai un mouvement de recul. Je sens que je perds l’équilibre. En un instant je… AÏE.

« OH MERDE. »

J’entends des pas qui s’éloignent rapidement.

« Tu l’as trouvée comme ça en arrivant ? Madame Aguilar, vous m’entendez ? CARMEN ? Je sens son pouls, elle respire appelle le samu. »

J’ai mal.

« Carmen, si vous m’entendez ouvrez les yeux ! »


~~


La perfusion goutte, formant un ruisseau qui irrigue mes veines. L’infirmière rentre dans ma chambre, elle bidouille je ne sais quoi et ressort sans un mot. Elle re-rentre avec le médecin.

« J’ai une bonne nouvelle pour vous madame Aguilar, vous allez pouvoir rentrer à la maison, mais ne jouez plus les cascadeuses ! »


~~


Le hall d’entrée est aussi celui des départs. Le vieux cade n’arrive pas à le rendre accueillant. Je ne serais jamais chez moi ici.


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Sam 28 Oct - 22:11
Les allées promènent Elsa sans lui révéler leur destination. Depuis le temps, la confiance règne, elles ne s’amusent plus à lui faire des mauvaises farces ; parfois de brèves plaisanteries, quelques instants d’égarement, mais jamais de sorte qu’elle se sente perdue. Aussitôt qu’une traverse montre un but incertain, un arbre, un mur ou un vieux clocher apparaît toujours à l’horizon pour la rassurer. Et quand il fait trop noir pour qu’elle les distingue, les étoiles prennent immédiatement le relais, toujours d’autant plus tôt que les nuits sont longues et froides.

Ce soir, comme souvent ces derniers temps, elles l’ont emmenée revoir sa plus vieille connaissance. Dans la pénombre, la grande herse l’accueille timidement ; ses barreaux noirs, si fiers et imposants le jour, se font discrets dans l’obscurité. Elsa les caresse en marchant. Le cade la salue d’un mouvement de ses branches, les infirmières qui la reconnaissent aussi. Un banc l’attend sous les oliviers et les amandiers, avec cette vieille dame qu’elle salue poliment. Elsa s’assied à côté d’elle et lui fait la conversation. Elle répond comme les jeunes saules, en opinant du chef sur de petits grognements. Elsa continue.

Ça fait maintenant des années qu’Elsa continue. Où qu’elle suive les sentiers qui la prennent par la main, c’est toujours dans cette cour, sous ces oliviers et ces amandiers, et devant cette vieille dame qu’ils finiront par l’emmener. C’est l’accord tacite qu’ont fini par se passer toutes les allées, les rues, les avenues et les impasses de la ville, le serment qu’ont prêté tous ses panneaux, ses murs, ses arbres et ses haies, pour qu’elle accepte de s’aventurer parmi eux : celui qu’elle pourra toujours revenir s’asseoir près de cette même vieille dame. Parfois tendre, parfois grincheuse, et le plus souvent insaisissable, mais inlassablement au bout de son chemin. Pendant un moment, ayant appris qu’on l’avait emmenée, Elsa hésitait même à fréquenter les rues. Puis elle est revenue, et les sentiers ont de nouveau pointé vers elle. Les étoiles, aussi. Toutes les étoiles, elle est redevenue leur destination. Toutes ces étoiles qui répètent à Elsa qu’elle sera toujours chez elle ici.


Dernière édition par Kaoren le Sam 28 Oct - 22:50, édité 1 fois


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Sam 28 Oct - 22:13

C’est l’heure de se lever.

C’est l’heure de petit-déjeuner.

C’est l’heure de déjeuner.

C’est l’heure de la télé.

C’est l’heure de goûter.

« Pensez bien à boire madame Aguilar. »

C’est l’heure de dîner.

C’est l’heure de se coucher. Vient alors le temps de vivre.

~~


Les genoux posés sur le prie-dieu, les mains jointes et le regard baissé, je n’écoute pas un mot du sermon dominical. Je suis trop en colère. Ma mère m’a forcé à me confesser d’avoir volé les châtaignes qu’elle faisait refroidir sur le bord de la fenêtre. Aux griffures des bogues qu’elle m’avait demandé de ramasser, se mêlent maintenant celles des coups de bâton ; le père Cruz ne m’a pas plus cru qu’elle ! Il m’a donné un nombre incalculable de prières à réciter pour que Dieu me pardonne. Seulement Dieu, lui il sait qu’il n’a rien à me pardonner, et c’est pas moi qu’il grondera hein ? Il a tout vu hein ? Les yeux baissés, je retiens mes larmes, je ne suis pas triste et pourtant j’ai envie de pleurer.

~~


Il fait froid. Il fait noir. La lumière d’un coup brûle mes rétines.

« C’est l’heure de se lever madame Aguilar. »

~~


« Il fait froid aujourd’hui. » je lance plaisamment à la femme qui vient de me saluer, pas tellement pour lui faire la conversation que par politesse.

Je m’ennuie en attendant le bus, je vais à un entretien d’embauche.

« Vous allez où ? » j’enchaine.

Une conversation est toujours bienvenue, elle distrait l’ennui de ce train qui n’arrive pas. J’espère que mon mari va vite me rejoindre sur le quai.

De l’autre côté de la gare, deux vieilles dames nous mirent dans un reflet. Il me semble reconnaître ma grand-mère.

« Passez une bonne journée. »

Elle est partie avant moi.

~~


« On peut éteindre la télé ? »

Personne ne me répond. Allongée dans l’herbe, je n’ai qu’à fermer les yeux pour couper l’image de l’écran.

C’est l’heure de dormir.

Peut-être.


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Sam 28 Oct - 22:14
L’air gronde. L’homme à tête d’écureuil s’en va en piétinant bruyamment le pavé. Easel s’en va dans l’autre sens ; le sol résonne moins avec son pas, il l’étouffe avec indifférence. Elle le piétine plus fort, il se met à crier. Elle continue.

Le parc défile devant elle, sans oser l’interpeller. De tous les arbres, les herbes et les pierres, aux couleurs riches et aux formes indicibles, les personnalités s’effacent dans un silence commun. Lorsque les yeux d’Easel interrogent un panneau, celui-ci répond timidement par une mauvaise direction pour les détourner de lui au plus vite. Quand ils interrogent quoi que ce soit d’autre, tous les éléments leur retournent des hésitations gênées. Et quand ils interrogent le Ciel, le plus fier d’entre tous, ses indications sont nébuleuses et changeantes. Tous connaissent sa destination, mais aucun ne semble en mesure de l’y guider. Elle finira par venir à elle, lui répètent-ils simplement.

Easel poursuit ses pas, toujours aussi soutenus, entre les talus qui l’observent. Mais au bout de plusieurs minutes de chocs répétés, la dureté de la pierre finit par avoir raison d’eux ; même après qu’ils se soient allégés, elle continue de les réprimer avec obstination. Sur la route d’Easel, des bancs se risquent à accrocher son attention, pour proposer de la consoler. Elle en ignore un, puis deux ; au troisième, la pierre est devenue trop sévère.

Au bord du siège est assise une femme au corps constellé de taches brillantes, qu’elle aperçoit régulièrement. Easel s’assied sur l’autre, le dos tourné, les coudes sur les genoux, et bientôt la tête dans les mains. Entre ses doigts, ses yeux continuent d’interroger quelques silhouettes qui se présentent encore à elle, mais leur réponse ne change pas ; elles s’effacent discrètement, les unes après les autres, pour la laisser seule avec les derniers mirages prêts à prendre le relais. À défaut de pouvoir lui dire où aller, ils lui répètent que celle qui l’a toujours guidée demeure près d’elle, même dans ces jours où elle semble si lointaine ; que tôt ou tard, elle pourra siéger près de la Déesse, comme il lui semble l’avoir toujours fait.


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Sam 28 Oct - 22:14

Après avoir aidé un marchant à rattraper les quelques objets de mesure qui essayaient de s’enfuir de son étal, puis l’avoir écouter discourir pendant ses déambulations de mathématiques Euclidiennes sans jamais comprendre qui était Euclide, je ressens le besoin de marcher moi-même pour me vider l’esprit.

Ombre parmi la foule, je me sens seule. Sous mes pieds, je sens un carrelage froid qui n’existe pas. Le parvis bigarré n’a pas toujours la texture de la pierre à laquelle il ressemble. Certains blocs vous envoient valser dans les airs à la manière de trampolines, et d’autres essaient de vous voler vos chaussures ! Heureusement, les gens de la voirie s’emploient à retirer toutes ces dalles mal intentionnées. Aujourd’hui il y a beaucoup de travaux, et je dois faire de longs détours.

« Et tu vois là il y a la guilde des magend… »

Mes mots se meurent dans ma solitude. Je l’ai encore fait. J’imagine que c’est là ma manière de lutter contre la solitude… Ou peut-être n’est-ce là encore qu’une des fourberies de l’Esquisse ? Après m’avoir volé mon visage, la voilà qui me vole mes mots. Je l’imagine les garder comme des trophées, soigneusement alignés, sur une cheminée, ou peut-être sur dans un dictionnaire par ordre alphabétique.

Je me sens tellement lasse. Je m’effondre sur un banc de pierre, qui pour une fois ne trouve rien à y redire. S’en est fini de la période où je demandais à tous les objets si je pouvais les utiliser avant de le faire. Au pire, je finirai un jour les quatre fers en l’air. Une jeune femme aux cheveux immaculés vient partager mon repos. Je souris, je ne sais pourquoi elle m’inspire confiance. Enfin quelqu’un avec qui parler. Je lance :

« Il fait beau aujourd’hui. »



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