Intraforum #1 ▬ Stilgar & Pearl

Messages : 1000 Date d'inscription : 24/06/2012

Intraforum #1

Cousu de fil rouge - Stilgar & Pearl

Il y a cette coïncidence qui revient souvent.

Ce n’est pas grand chose en soi. Juste une rencontre comme une autre, qui n’avait pas vraiment de raison d’arriver une première fois, mais c’est ainsi que se font les rencontres. Au bout de la troisième, c’est plus étonnant, mais pourquoi pas, après tout. On dit bien que le monde est petit.

En attendant, ça revient. Encore. Parfois même dans des situations problématiques, voire carrément embarrassantes.

Et quand c’est une énième fois, vous réfléchissez. Peut-être que l’autre aussi. Si ce n’est pas une coïncidence, qu’est-ce qui s’évertue à vous pousser l’un vers l’autre ? Et pour quelle raison ?

*

Voici donc le thème que nous vous proposons pour ce premier Intraforum ! On a pas mal hésité, mais on est finalement partis sur un thème qui vous donne une ligne directrice et justifie l'interaction entre vos personnages, sans spécialement imposer la façon dont ils se rencontrent, tant les situations peuvent être variées, et tant vous pourriez avoir envie de jouer là-dessus. Libre à vous de considérer qu'un personnage a changé de monde, imaginer qu'un brisé a vieilli jusqu'à rejoindre les Sables (ou inversement), provoquer une fusion des univers à la cause plus ou moins connue (Folie qui s'énerve, Dalton qui tord l'espace-temps pour s'amuser…), balancer vos deux personnages dans un univers qu'aucun des deux ne connaît… Ce qui est central, c'est que vos personnages se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises, quoique ces rencontres furent probablement brèves (à vous de voir s'il y a déjà eu conversation ou non), et qu'ils n'ont aucune idée de pourquoi. Là aussi, la raison est évidemment libre : vous pouvez autant partir sur du méta, du complètement absurde, du symbolique, réinscrire ça dans une série d'évènements imprévus de tout ordre ou encore autre chose !

Rappels des règles et précisions :
■ Vous pouvez jouer avec n'importe lequel de vos personnages, qu'il soit des Brises, des Sables, des Câbles ou des Vagues. Les personnages peuvent être du même univers ou non, mais c'est dans tous les cas un thème qui est plutôt fait pour marcher avec des persos qui ne se connaissent pas dans le canon.
■ Cinq posts par personne, pour un total de dix.
■ Maximum 350 mots par post, à quelques ânes près. Si besoin d'une référence, on utilisera ce site avec les options pour ignorer les tirets et les apostrophes. Si vous utilisez LibreOffice, c'est l'équivalent, mais en ne comptant pas les caractères spéciaux (?, !, «…) qui sont entourés d'espaces.
■ Vous pouvez choisir (ou tirer au sort) celui qui commence.
■ Vous avez jusqu'au 29/10 à 23h59 pour poster tous les messages à la suite.
■ Vous pouvez faire un mini-spoiler en début de premier post pour rappeler un peu des éléments sur votre perso ou préciser une éventuelle adaptation que vous avez faite.
■ Vous pouvez éditer vos messages, écrire sur google doc ou user de tout autre moyen pour faciliter l'écriture. Évidemment, après le 29/10, vous ne pourrez plus rien toucher.
■ Vous pouvez utiliser vos codes de transformation habituels, ou une transformation invité si la situation y appelle. Voici le code de cette dernière (pour l'univers, enlevez les mentions inutiles) :

Code:: <transformation univers="sables|cables|brises" perso="Nom du perso" avatar="Lien vers l'image" titre="Titre affiché sous le pseudo" />

Si vous avez du mal à comprendre le thème ou quelque élément que ce soit, n'hésitez pas à nous ping au plus vite pour qu'on clarifie.

Bon courage et amusez-vous bien !

HRP :

__–« CREVEEEEEETE ! »
__– Ah mais merde, c’est mon nom, ça.
__– Ah mais merde, j’ai une narration interne, maintenant. C’est comme ça que je sais que je vais crever ? Putaiiiiin fais chier… Je peux pas mourir maintenant, j’ai encore du boulot. Hm. Je dois être en chute libre. Il faut juste… que je me retourne avant que je me fracasse au sol, pour déployer mes ailes, et…

__– Raté.

__– « Oh dites-donc, ma petite dame, il faudrait voir à par boucher le passage comme ça, hein, dites, c’est que y’en a qui ont du boulot, hein.
__– – Va chier, dégage connard. »
__– J’ai répondu par réflexe. Je recommence à peine à reprendre conscience. Je vois rien, j’ai dû me vautrer comme un sac et ça aura esquinté mes yeux… Bon enfin, ma main fonctionne toujours, je tapote un peu le côté de mon crâne et, ah, voilà, ça remarche. L’électronique, hein. La voix masculine s’éloigne en grommelant. C’est bien, fous le camp.
__– Bon alors. Je suis où, là. Terre battue de merde, bâtiments pourris de merde, la population a l’air d’une bande de clampins attardés, « Qu’est-ce que tu regardes toi, tu veux mon poing dans la gueule ? », y’a des calèches… Pas de doutes, je suis à la Frontière. Euah. C’est quoi le plan, j’ai été enlevée et je sais pas quoi ? Et on m’aurait laissée là, en pleine rue, avec mes armes ? Mouais.
__– Ah mais putaiiiiiin c’est pour ça que je déteste l’Esquisse, sérieux. Bon enfin, ça sert à rien de rester là. Je me lève, embarque mes flingues, aborde une nana avec trois yeux et deux trompes d’éléphant sur la gueule, « Oh toi là, où on peut trouver les glands qui dirigent ce trou ?
__– – Mais ! Ah, ces nouveaux arrivants, je vous jure, tous les mêmes, hein ! Et puis, ça dépend, vous pouvez essayer au palais, à l’antenne du CVC, ou—
__– – C’eeeeeest bon j’ai compris ta gueule merci. La police, alors, qui fait la loi ici ?
__– – Hé bien, vous avez le château, ou le quartier azur, ou— »
__–Alors ceux là, ils vont me prendre la tête.

“Va chier, dégage connard.“

C’est venue d’une voix féminine et étrangement vibrante que ces doux mots survinrent à mes oreilles, comme une belle introduction à mon début de journée. Dans cette cité, il n'était pas rare que des tensions éclatent. Que ce soient les hussards avec leurs façons parfois un peu trop brusques, les nouveaux arrivants déboussolés, ou tout simplement le chaos ambiant, les disputes étaient légion, et je dois avouer que j'y suis peu sensible.

La vulgarité et l'agressivité n'avaient jamais été à mon goût - ou du moins, depuis ma réincarnation sur ces terres -, mais il était compréhensible qu'en atterrissant dans un lieu si déconcertant, entouré d'inconnus aux airs exotiques, avec des senteurs et des bruits si particuliers, certains se sentent perdus et sur la défensive. La peur a le don de révéler des facettes parfois surprenantes de la nature humaine. Après tout, qui ne réagirait pas violemment lorsque jeté hors de sa zone de confort ? Cependant, cela ne signifie pas qu'ils ne méritent pas une main tendue, une chance de s'adapter. Après tout, qui suis-je pour juger de la valeur de l'assistance que l'on peut offrir à autrui ?

M'approchant de la scène, je ressentais une vague d'appréhension mêlée à une détermination naïve de vouloir apaiser cette situation chaotique.

“Mesdemoiselles Bonjour”

A mes mots, la pauvre femme victime de l’assaut de la nouvelle arrivante saisit cette opportunité pour se retirer discrètement, laissant derrière elle des barrissement indignés.

“ Je sais que tout cela peut être déconcertant. Nous sommes nombreux à avoir ressenti cette confusion et cette panique lors de notre arrivée. Si tu cherches une figure d’autorité semblable à celle des forces de l'ordre sur Terre, nous avons les magendarmes. Mais je ne suis pas certain qu’ils puissent t’aider. “

En sous effectifs et ayant plus important à faire, la prise en charge des nouveaux ne fait pas vraiment partie de leur priorité.

“ Cependant, si tu souhaites rencontrer quelqu'un de leur rang ou si tu as besoin d'une orientation générale, je serais ravi de te guider.“

HRP :

__–Aaahhhh mais c’est qui ce mec sérieux. Pourquoi y’a que des glandus du dernier degré de chômeurs de merde qui ont rien d’autre à foutre de leur vie qui viennent occuper leurs journées à coûter cher à la société et aider d’autres paumés à, hm, j’ai répondu à ma propre question. Soit.
__–Les magendarmes, par contre. Putaiiiiin de meeeeeerde, où je suis tombée. J’croyais que c’était un truc que de la Compagnie, d’avoir des villages paumés à la Frontière loin des autorités où on contrôle tout et on peut faire tout c’qu’on veut. Maintenant, la flicaille fait la même chose ? La galère, c’est quand qu’on les enterre et qu’on les fout au chômage, ces branleurs de fonctionnaires.
__–« Ouais, t’sais quoi mon p’tit pote – il jamais que, quoi, cinquante centimètres de plus ? –, j’vais rester avec toi, plutôt. À première vue… »
__–Ouais alors en parlant de vue. Je passe ma main devant sa tronche. Ouais ok c’est ce que je suspectais quand déjà il me regardait pas dans les yeux.
__–« … à bien y regarder, donc, je disais, tu m’as l’air plus… sympa et tout ce que tu veux, là. Bref, raconte, ça s’passe comment, on va s’en jeter un, y’a un bar pas trop crasseux dans… »
__–S’il y vit, ’faut pas que je sois trop insultante…
__–« Ton patelin, là ? Et jolie ta bestiole, comment elle s’appelle ? »
__–J’en ai, mais alors, absolument rien à foutre, mais bon on va faire genre, hein. J’attrape mon calibre, le passe en bandoulière et regarde vite fait l’état de mes ailes. C’est pas ça, hein. Puis j’ai pas que ça de froissé. Et pas mal de sang qui coule, aussi. Ce qui doit se sentir. Boarf, ça va cicatriser, c’est rien, puis vu l’état de la médecine dans ces bleds, je préfère laisser ça tranquille, trouver le premier bus ou je sais pas quoi vers la Ville et demander aux toubibs de la boîte s’en charger. Ça les fera gueuler, tiens… J’ai hâte.

Un sourire malicieux étire mes lèvres, tandis qu'un rire étouffé menace de s'échapper. Guidé par la direction d'où provient sa voix, je devine qu'elle ne doit pas être bien grande, sans doute à peine à la hauteur de ma poitrine.

"Effectivement, il y en a quelques uns ici et là aux alentours," je commence, mon ton se faisant presque complice. "Mais, ma grande amie, si tu espères tomber sur autre chose que ce patelin, tu vas être déçue. C’est l’unique ville connue à ce jour dans l’Esquisse…"

Il est vrai que tout l’Esquisse n’a probablement pas été cartographié, mais il y a une raison pour laquelle tant d'âmes se retrouvent rassemblées en ce lieu.

"Quant à cette boule de poils à mes côtés, c'est Nour."

Nour qui, étonnamment, semble parfaitement à l'aise en présence de notre interlocutrice. Si elle perçoit en elle une âme amicale, alors je suis enclin à lui faire confiance également. Je la sens tirer un peu, essayant de s’approcher de notre nouvelle “amie” afin de la renifler. Quelque chose semble l’intriguer ou la déranger.

"Moi c’est Cécilien."

Un grognement faible mais perceptible émane de Nour. Son comportement est pour moi un baromètre fiable des situations; elle le sent, et moi aussi. Une odeur distincte, quoique peu familière, flottait dans l'air, et sa densité indiquait qu'elle provenait d'une source abondante. Et l'intensité de l'odeur augmente à mesure que je m’approche.

"Avant de poursuivre notre discussion ou d’aller visiter, il me semble qu'il y a une situation plus pressante à laquelle nous devrions prêter attention. Peut-être que mes capacités sont limitées pour t'assister directement, selon la gravité de tes blessures mais j’ai quelques ressources."

Ellie, une amie dont la connaissance en médecine traditionnelle et moderne est remarquable, m’a enseigné les bases, comment panser une plaie ou apaiser une douleur. Et si, face à des blessures trop graves, mon handicap devient un obstacle, je pourrais lui demander de l’aide.

La décision se dessine clairement dans mon esprit.

"Il serait préférable d'aller chez moi.”

__–« Hé ben, tes parents se sont bien foutus de ta gueule. Je m’appelle Crevette. »
__–Je sens qu’il y a une pointe d’ironie qui vient de me passer au-dessus, là. Rien à foutre. J’aime pas trop ses vieux commentaires sur ma taille. Mais flemme de mes grands morts d’expliquer au moindre trou de balle venu que c’est pas la taille qui compte, mais celle du flingue que la personne tient.
__–La suite pue vraiment la mort, par contre. C’est des vicieux ces flics, même nous à la Compagnie on aurait pas fait croire à un village entier qu’il n’y a rien d’autre. C’est pas con, par contre… Y’a un truc à en tirer, je devrais en parler aux RH quand je serai de retour. Enfin, je vois vite le problème. Ils doivent pas avoir de moyens de transport, ou je sais pas quoi, aucun moyen de communication et y’a facile neuf chances sur dix que si je vais voir les petits hommes rouges et que je leur explique mon cas, je finisse découpée et vendue chacune de mes prothèses à l’unité. Eh, si je tombais sur un des meilleurs agents de la police, je ferais pareil, alors j’peux rien dire.
__–La concurrence dans un libre marché, hein. Vous pouvez pas comprendre si vous êtes des bobos gauchistes.
__–Je regarde un peu les environs… En fait, je suis la seule à avoir un peu de techno sur moi. ’faudrait planquer ça. Du coup t’sais quoi, on est pas là pour être ici, j’attrape Cécilos par le bras avec celui des deux qu’est cybernétique – et allez on s’bouge les miches.
__–« Ouais voilà on va dire ça, j’ai besoin d’assistance médicale immédiate, ouïe ouïe ouï j’ai mal et tout l’toutim, allez on se magne le train. »
__–« Bon et sinon, rien à voir mais, vous utilisez quoi pour faire bouillir de l’eau ? »
__–Parce que hors de question que je la boive comme ça.

La sensation froide et rigide du toucher de Crevette me surprend et me fait tressaillir. Encore une des nombreuses métamorphoses énigmatiques que l’Esquisse impose à ses habitants. Au fil du temps, j'ai appris à ne pas m'arrêter sur ces détails. Tout le monde est transformé d'une manière ou d'une autre ici.

"Et bien, plus ou moins comme sur Terre, avec du feu et des casseroles."

Ou bien, parfois avec des objets un peu plus inhabituels. Mais passons, pour le moment, notre but est de rejoindre mon domicile. Heureusement, il n'est pas très éloigné d'ici, le rythme soutenu de Crevette m'oblige à prêter une attention particulière à ce qui m'entoure.

Nour émet un doux jappement, me signalant que nous sommes enfin arrivés.

L'intérieur est sobre. Dès l'entrée, on peut apercevoir la cuisine, qui se fond dans un salon modestement meublé. Sur le côté, une porte mène à la chambre et une autre à la salle d'eau. Ici, l'eau s'écoule en cascade du plafond pour finalement disparaître dans une ouverture au sol, bordée d'une pierre lisse qui irradie une douce chaleur.

“Fais comme chez toi. Je te demande juste une faveur. Si tu déplaces quelque chose, essaie de le remettre à sa place. Cela me facilitera la vie pour retrouver mes affaires."

Et cela m'épargnera aussi de buter malencontreusement contre quelque chose. Dans cet espace, j'évolue avec une aisance qui contraste avec ma prudence habituelle en ville. Chaque meuble, chaque objet a une place bien définie dans ma mémoire, me permettant de me déplacer presque sans effort.

Je m'avance vers un placard et en sors un kit médical aux particularités esquisséennes.

"Voici de quoi te soigner. Les instruments et traitements de l’Esquisse peuvent sembler singuliers, mais ils ont fait leurs preuves. Si tu as besoin d’aide, fais moi signe.”

Étant conscient de mes propres limites et de la délicatesse qu'impose la situation, je m'abstiens d'examiner ses blessures de près. Le contact direct serait nécessaire, et cela pourrait s'avérer inconfortable pour nous deux.

"D’ailleurs, as-tu faim ou soif ? Je peux préparer quelque chose."

__–C’est ça, fais le malin, fous-toi de ma gueule. Je disais ça pour toi hein, je sais pas à quel point le carburant est cher dans ton patelin. C’est ici qu’il vit ? C’est, euh… Typique. Y’a même plus ou moins l’eau courante, le luxe. C’est quoi son histoire de pas déplacer, c’est un maniaque ? Oh. Ah bah oui, je viens de capter.
__–« Ouais, t’inquiètes, ça marche, merci. »
__–Paaar cooooontre c’est quoi ce bordel. Je regarde la boîte qu’il me tend. Mais au secours quoi, même dans mon orphelinat qui était paumé au bout du monde, on avait des produits standardisés.
__–« Hm. T’sais quoi, j’vais attendre ta pote, t’façons j’ai pas spécialement mal. Et j’peux mettre une serviette ou je sais pas quoi pour pas niquer tes meubles avec mon sang. »
__–C’est pas la première fois que je me prends une méga dérouillée, aussi. Mes senseurs disent que j’ai perdu à peine 3 %, que ça commence à coaguler tranquille, que j’ai une côte fêlée et une bonne grosse série d’ecchymoses. Franchement, pour une chute comme celle-là, je m’en tire pas trop mal.
__–« Ah oui, grailler, c’est pas con, ça. Non mais t’sais quoi, j’vais pas abuser et tout hein, fais-toi à bouffer et je te suivrai. J’prends pas une portion qui va vider tes placards. T’as pas l’électricité, par contre, des fois ? T’auras pas de chargeur adapté, mais qui sait… »
__–Je regarde viteuf mon niveau de batterie… Je devrais tenir quatre jours, si je fais tout fonctionner à 100 %. Tranquille, bien assez pour me repérer dans ce coin, choper une véhicule, une carte et trouver un moyen de rentrer.
__–« Bon mais alors, t’as jamais entendu parler d’une autre ville quelque part ? Les magendarmes, ils vont jamais dans un endroit mystérieux dans un chariot magique qui avance sans objet de trait ? »
__–J’essaie très fort de pas me montrer trop infantilisante, mais c’est pas facile, avec des pouilleux, de trouver la limite entre les traiter comme des gosses et… comme il faudrait pour qu’ils comprennent, quoi.

Sa réaction est mesurée, ce qui contraste avec l'attitude qu'elle a affichée jusqu'à présent. À vrai dire, je l'avais imaginée plus impétueuse, moins posée.

"Ce ne sont pas quelques tâches qui vont me gâcher la vie.”

Lorsqu'elle me parle d'électricité, je prends une profonde inspiration. C'est un sujet épineux ici. La transition de la technologie avancée de la Terre à la simplicité rustique de l'Esquisse n'est pas toujours facile. Personnellement, cela me convient : moins de distractions, plus de temps pour se connecter avec la nature et les gens autour. Mais pour certains, c'est une pilule difficile à avaler.

"Je crains que l'électricité telle que tu la connais n'existe pas ici," dis-je doucement, cherchant à la ménager. "C'est un retour à l'essentiel en quelque sorte. Ton téléphone ou ton ordinateur ne te seront d'aucune utilité ici, du moins en termes de connectivité. Cependant, ne les jette pas. Il y a des commerçants en ville qui valorisent ces gadgets pour leurs pièces ou leur artisanat."

Et si elle joue bien ses cartes, elle pourrait obtenir un bon prix pour ces reliques de la Terre, une petite avance pour l'aider dans ce nouveau monde.

"Les magendarmes sont toujours bien occupés au sein de la Ville. Quant aux explorateurs, j'ai entendu leurs récits fascinants sur des lieux mystérieux qu'ils ont découverts : d'anciennes ruines, des déserts expansifs... mais aucune mention d'une autre ville. Peut-être qu'en s'aventurant suffisamment loin, on pourrait tomber sur quelque chose d'inédit..."

Je veux aborder la situation avec délicatesse. L'atterrissage dans l'Esquisse peut être bouleversant, et je garde encore des souvenirs vifs de mon propre bouleversement. Il m'a fallu du temps pour m'acclimater. Elle pourrait être dans une situation similaire. Peut-être que ses blessures mélangent ses souvenirs de la Terre avec ceux d'ici. Quoi qu'il en soit, je suis là pour l'aider.

"Tu sais, si un endroit comme celui dont tu parles existe réellement, j'aimerais beaucoup le découvrir. En attendant Ellie, tu pourrais tout me raconter pendant que je nous prépare quelque chose à manger."

HRP :

__–Héééé ben c’est ce que j’ai fait. Enfin. Pas tout. J’voulais pas surcharger sa p’tite tête de provincial. J’ai fini par capter que j’étais plus trop à mon époque. L’Esquisse, quoi. (Ça m’a fait surtout chier pour Effie. J’espère que c’t’andouille va bien…) Je suis partie voir les Sorteurs. Puis les cyantis. Puis… les ancêtres de la Compagnie, j’imagine ? Et d’autres. Aucun avaient de quoi alimenter mes prothèses. Ouais, ma priorité, c’était pas tellement de revenir de là d’où je venais, mais juste de pas finir comme une putain d’infirme.
__–Alors, quelque part, y’avait une logique que je traînasse chez l’autre handicapé de service.
__–J’ai d’abord dû déconnecter mon endosquelette. Devoir porter quatre-vingt kilos de titane, ouais, rude pour un corps nul de fillette. Cécilien m’a appris à utiliser des béquilles.
__–Puis mon bras robot. Tant qu’à faire on l’a viré, j’allais pas me trimballer avec c’t’engin s’il servait plus à rien.
__–Et mes serres. Donc plus de panards. Là ça commençait à devenir casse-burnes, mais il m’a aidé à fabriquer un fauteuil. Et puis, comme j’avais toujours mes yeux, il est devenu mes jambes. Alors, j’suis plus lourde que Nour, mais moi au moins j’peux dire « gaffe, devant y’a un branle-cul qui sait pas se garer ».
__–Enfin, j’ai pas pu super longtemps non plus, vu que, ma voix aussi c’est de l’artificiel. Là, c’est devenu un peu pénible. Mais bon. J’ai toujours une main, je peux écrire, faire des doigts et tapoter la paume de Céc’ pour lui donner des indications. Le reste c’est gadget.

__–Par contre, au moment ou j’parle, ça commence à puer pour de vrai. Mes yeux c’est c’qui consomme le moins, mais ils sont passés sous la barre des 2 %. Puis c’couillon de Cécilien s’absente de plus en plus, ces temps-ci. Il est sympa mais il est prévisible, je sais qu’il me prépare une surprise. J’espère que c’est un pistolet à clou direction ma nuque et une belle tombe. Ou un pot de fleur. Parce que j’vais finir en légume. Riez bordel, c’est la fin de ma vie, pas d’la vôtre.
__–Ah, il est rentré.
__–Alors, c’est quoi ?

Crevette s'était lancée à la découverte de l'Esquisse, et je ne pensais la revoir. Pourtant, nos chemins semblaient constamment se rejoindre. Comme si le destin jouait à nous faire nous rencontrer à nouveau. Partout où j’allais, la mélodie robotisée de sa voix se faisait souvent entendre non loin, lançant une réprimande acerbe à la personne malchanceuse qui avait croisé son chemin.

Face aux épreuves, notre lien s'est renforcé de façon inattendue. Quand elle a perdu son bras, j'étais là. Ses jambes faillant, elle a rejoint ma demeure. Sans voix, nous avons appris à communiquer autrement. Aujourd'hui, sa vue la trahit.

Quand elle a perdu sa voix, c'était comme si une partie vitale d'elle s'était envolée avec sa prothèse vocale. Ses railleries et sarcasmes s'éteignaient comme une étoile déclinante. Beaucoup auraient dit que deux âmes si différentes ne s'accorderaient jamais. Peut-être aurait-ce été le cas dans un autre monde, sous d'autres circonstances. Mais ici, dans ce lieu et ce moment, nous nous comprenons.

Alors je cherchais désespérément comment l'aider, consacrant mon temps et mes maigres ressources pour rallumer la lumière qui s'était estompée en elle. J'aurais tout donné pour lui redonner son éclat d'antan, pour revoir la Crevette bougonne et pleine de vie que j'avais connue.

"Je suis là," dis-je doucement.

Nour, fidèle à elle-même, s'élança joyeusement vers Crevette.

"J'ai quelque chose pour toi,"

Je lui tends un objet soigneusement enveloppé. Une sorte de batterie rechargeable. Esteban a des contacts et est habile avec ce type de matériel. Il m'a indiqué où trouver les composants et m'a assisté dans sa fabrication. "Ce n'est peut-être pas la solution miracle, et ça ne te rendra pas tout ce que tu as perdu," je commence, la gorge serrée, "mais ça pourrait redonner vie à certaines de tes fonctions, au moins temporairement."

Mon sourire est teinté de tristesse, mais il y a une étincelle d'espoir. "Elle se recharge lentement par elle-même au fil du temps."

Mes mains se posent doucement sur ses épaules. J'espère qu'elle perçoit l'intensité de mon affection pour elle, cette petite tempête imprévue qui a bouleversé ma vie avec ses récits invraisemblables. Je resserre mon étreinte. "On s’en sortira," je murmure, une promesse silencieuse dans la voix.